Psychiatres militaires : les nettoyeurs des armées ? ( Par Renaud Marie de Brassac )

Depuis plusieurs années, l’Adefdromil est alertée régulièrement sur les pratiques discutables des psychiatres militaires.

Rappelons à leur décharge qu’ils ne sont que des psychiatres du travail et à ce titre, chargés de défendre avant tout les intérêts de l’institution et beaucoup moins ceux des militaires et patients qui leur sont adressés en consultation. Le métier est donc par définition… un peu schizophrène !

Aujourd’hui, il semble qu’un nouveau pas vient d’être franchi avec des témoignages répétés de tentatives pour porter atteinte aux droits des militaires en souffrance, poussés par les psychiatres à demander leur passage devant une commission de réforme, plutôt que de bénéficier de leurs droits à congé de longue durée pour maladie (CLDM).

Les psychiatres tentent peut-être ainsi de contribuer à la réduction des dépenses budgétaires au mépris des droits des personnes servant l’Etat sous statut militaire.

Pour parodier la formule de Clémenceau, on pourrait dire que la psychiatrie militaire est au respect des droits individuels des militaires ce que la psychiatrie soviétique était au respect des droits de l’homme.

La psychiatrie utilisée à des fins de management.

On ne compte plus les interventions des psychiatres visant à résoudre des différends professionnels. Ainsi de ce gradé de la légion envoyé en psychiatrie après un échange de mots doux avec un de ses chefs. Diagnostic du psy : « Il s’agit d’un sujet impulsif présentant quelques traits psychopathiques, mais sans déséquilibre psychique au sens strict.

NB S’est rapidement calmé (aucun traitement supplémentaire n’a été nécessaire et présente son agitation comme réaction à des menaces). »

On a donc adressé au psychiatre un « sujet » sain, qui avait piqué un coup de colère. Dans quel but ? S’agissait-il de lui faire peur, de lui faire prendre conscience que la colère est toujours mauvaise conseillère, s’agissait-il de « psychiatriser » l’incident en vue d’une suite médico-statutaire pour l’énervé, au cas où l’incident se reproduirait ?

Il faut citer également le cas de ce psychiatre faisant pression sur une militaire en souffrance psychologique, placée en CLDM –donc payée-, qui venait d’accoucher, afin de la remettre en activité de service… en vue de son placement, un mois plus tard, en congé parental –non payé.

L’Adefdromil a de même été informée de la mission de ce psychiatre envoyé en Afghanistan pour résoudre un problème de commandement entre un médecin chef et deux de ses adjoints. Le médecin chef a été identifié comme le maillon faible et rapatrié.

Enfin, comble de l’ironie psychiatrique, une psychiatre est venue nous consulter, voici quelques années. Elle était harcelée… moralement par son chef de service. Bien évidemment, elle a accepté de s’allonger sur le divan de l’Adefdromil…pour se confier ! Finalement, elle a été mutée avec changement de résidence, mais sans neuroleptiques.

La psychiatrie utilisée à des fins d’élimination.

Mais la tâche principale des  psychiatres reste l’élimination des militaires, dont le pronostic d’adaptation est « mauvais ». Lorsque le « sujet » a été ciblé, la logorrhée psychiatrique est redoutable. Elle conduit inéluctablement à la réforme ou au congé de longue durée pour maladie.

On trouve alors dans les dossiers des appréciations qui font froid dans le dos… La balle dans la nuque, c’était sous Staline. Désormais, on assassine avec des mots. Ainsi, le jugement sans appel porté sur un militaire lors d’une expertise: « Discours véhément intarissable qui ne peut être dirigé, ni interrompu, caractérisé par psychorigidité, troubles du jugement, entêtement, conviction délirante du bon droit, d’être incompris et méprisé.. et persécuté. Au total, trouble grave de la personnalité de type paranoïaque. Forme grave à mon avis, peu accessible à un traitement. ». On a sans doute échappé de peu à un massacre. Par mesure de précaution, ne devrait-on pas soumettre à examen psychiatrique tous les militaires en armes participant à des cérémonies officielles ?

L’objectif d’élimination apparait encore plus clairement dans cette demande d’un médecin d’unité, adressée à un médecin chef d’un service de psychiatrie :

« Je vous remercie de recevoir ce (militaire) en totale désadaptation de la vie militaire, intolérant aux frustrations, totalement réfractaire envers l’autorité et qui potentiellement présente un risque hétéro-agressif Il semble que la voie disciplinaire ne règle pas le problème de façon rapide. L’intéressé totalise plus de 45 jours d’arrêts et montre des signes de plus en plus marqués de risque pour l’entourage. Je vous demande de statuer sur son aptitude à poursuivre son contrat (actuellement à 3 ans et 9 mois d’ancienneté. »

Réponse :

« Effectivement, troubles de l’adaptation avec conduites d’opposition et humeur anxieuse chez une personnalité carencée sur le plan affectif, immature. Inapte au service. Absence d’indication de CLDM. A présenter devant la CRM (commission de réforme militaire) pour classement P4. »

Le psychiatre militaire intervient donc en appui du médecin d’unité qui, bien souvent, prend ses instructions chez le chef de corps. Dans le cas présenté ci-dessus, « la voie disciplinaire » ne permet pas de régler le problème de façon rapide. La voie «psychiatrique doit lui être substituée. Et, il ne faut pas qu’il y ait de dissonance dans le dispositif, au besoin, en s’asseyant sur les droits individuels du militaire.

Parfois, certains parviennent à échapper au sort qui leur était promis. Tel est le cas de ce gendarme abusivement maintenu en congé de longue maladie et qui souhaitait reprendre le service.  Le rapport de l’expert psychiatre désigné par le tribunal qu’il avait saisi, a finalement démonté l’analyse erronée du psychiatre militaire et démontré que le militaire, au caractère certes entier, n’avait nul besoin de psychotropes. Le gendarme a donc repris le service.

Une drôle de conception des droits des militaires patients.

Que faire pour s’opposer aux excès de psychiatres militaires zélés ?

Rappelons, tout d’abord, que tout militaire a le droit de recevoir communication de son dossier médical, à sa demande,  y compris de la partie constituée en secret par les  psychiatres.

Rappelons aussi que les congés de longue durée, comme de longue maladie, sont des droits et que le militaire doit en bénéficier au-delà de 180 jours de congés maladie sur une année « glissée ». Le renouvellement du congé par le psychiatre, tous les 6 mois, n’interrompt pas le congé. Deux sorties sont possibles jusqu’à épuisement des droits : soit la reprise de service, sous réserve de l’aptitude du militaire appréciée par le psychiatre et susceptible d’être contestée en cas de désaccord du militaire, soit la présentation devant une commission de réforme à la seule demande du militaire. L’interruption du CLDM pour renvoyer le militaire devant une commission de réforme violerait ses droits et constituerait une faute entrainant probablement la responsabilité de l’administration.

Rappelons, enfin que bien souvent les psychiatres militaires n’hésitent pas à sortir de leur domaine de compétence pour tenter d’influencer des militaires en souffrance et en situation de faiblesse.

On a vu ainsi un psychiatre dissuader une militaire harcelée sexuellement de contacter l’Adefdromil au motif que l’association n’était pas reconnue. Un autre a pronostiqué l’échec d’une plainte ou d’un recours. Les psychiatres voudraient aussi être juristes !

Tout irait sans doute mieux s’ils relisaient de temps en temps le décret n° 2008-967 du 16 septembre 2008 fixant les règles de déontologie propres aux praticiens des armées et notamment son article 6 :

 

Article 6 : Le praticien des armées doit à celui ou celle qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose.

Sauf urgence ou impossibilité, il doit rechercher son consentement et respecter sa volonté en cas de refus, après l’avoir averti des conséquences prévisibles de sa décision. 

 

 

 

Cette publication a un commentaire

  1. l-pierre

    Bonjour

    je suis s/off de carrière en CLDM et soigné par un psychiatre militaire.

    Je suis satisfait de son suivi médical.

    Je n’ai pas l’impression qu’il fait de la RH avec moi.

    Toutefois je vais être vigilant maintenant.

    Merci

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