Le jeudi 2 octobre, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu deux arrêts confirmant que l’interdiction absolue faite en France aux militaires en activité d’adhérer à des associations professionnelles de type syndicat était contraire aux principes de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ces arrêts sont des réponse positives aux requêtes du lieutenant-colonel (LCL) Matelly et de l’association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL) contre l’état. Les juges ont cependant reconnu le principe de restrictions légitimes pour les militaires.
Cette confirmation était prévisible, la France se trouvant isolée sur ce sujet en Europe depuis longtemps. Le droit d’adhérer à des syndicats, spécifiquement militaires ou civils, existe dans les armées d’Allemagne, de Belgique, d’Espagne et du Royaume Uni assorti de restrictions. En 2002, cela avait déjà fait l’objet d’une étude par le service des Affaires Européennes du Sénat sur les Droits politiques et syndicaux des personnels militaires.
Diverses évolutions dans les armées et la société françaises favorisent les idées de syndicats pour les militaires.
La professionnalisation des armées, décidée par Jacques Chirac en 1996, a accru la perception d’un métier comme les autres. Dès la fin des années 90, la hiérarchie militaire a dû prendre en compte l’application des mesures de protection du personnel, en particulier la possibilité du droit de retrait, lorsque les conditions de son activité sont similaires à celles du civil et hors du contexte opérationnel.
L’accroissement du taux de féminisation, répondant à la fois aux principes d’égalité et aux besoins de recrutement, a entraîné une augmentation du nombre de cas liés aux difficultés de la proximité entre les sexes, en particulier les cas de harcèlement moral ou sexuel. Ces cas, parfois difficilement voire pas traités par la chaîne hiérarchique, induisent le besoin d’un recours à un organisme extérieur à celle-ci. Ce problème a récemment fait l’objet d’un rapport du contrôle général des Armées.
En liaison avec la professionnalisation et la féminisation, la judiciarisation croissante de l’activité militaire favorise les idées de procédures et de recours. A force de faire la guerre au nom du droit, celui-ci s’invite dans la guerre et les armées. Le fait qu’un juge d’instruction du tribunal aux armées de Paris ait jugé en mars 2011 recevables les plaintes des familles des soldats morts dans l’embuscade d’Uzbin en Afghanistan, en est l’exemple emblématique.
Le contexte économique morose et la situation dramatique de l’emploi privé font que ceux qui ont la chance et les qualités requises pour entrer dans les armées jugent souvent préférable d’essayer d’y rester. Les volontés de recours contre une notation ou une sanction jugées injustes impactant inévitablement la carrière et le renouvellement de contrat s’expriment naturellement plus volontiers et peuvent induire le recours à un organisme extérieur à la chaîne hiérarchique.
L’échec de la mise en place du système informatique de gestion de soldes « Louvois » a entraîné des difficultés pour la vie quotidienne des familles de nombreux militaires, en particulier dans l’armée de Terre. Une inertie certaine dans la prise en compte du problème par le haut niveau de la hiérarchie et la prolongation de situations matérielles difficiles ont induit inévitablement la recherche de moyens d’actions nouveaux.
Enfin, les militaires ont parfois souligné le fait que ce ministère est le seul à ne pas avoir de moyens de protester contre des coupes budgétaires et donc le seul toujours sacrifié. La succession de réductions imposées par les gouvernements de droite ou de gauche dans les dernières années entraîne logiquement l’idée de syndicats pour les armées, même si cela n’aurait pas forcément une influence dans ce domaine. Un article de l’Express de mai 2014 a avait exposé ce problème et annoncé la décision de la CEDH…..
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