Trois arrêts rendus en avril, mai et juin 2014 par le Conseil d’Etat, juridiction de cassation en matière de pensions militaires d’invalidité, sont susceptibles d’intéresser les pensionnés ou de futurs pensionnés.
Imputabilité au service d’un syndrome dépressif faisant suite à la mise en examen d’un gradé de gendarmerie (Conseil d’Etat arrêt n° 346086 du 11 avril 2014).
Les faits : En juin 2004, M. B…, alors adjudant de gendarmerie à la brigade de C, est soupçonné d’avoir diligenté une enquête à l’encontre d’un concurrent d’une personne qui lui aurait procuré divers avantages et d’avoir ainsi commis le délit prévu et réprimé par l’article 432-11 du code pénal. Mis en examen pour corruption passive et placé sous contrôle judiciaire, il bénéficie, le 24 décembre 2008, d’une ordonnance de non-lieu devenue, depuis lors, définitive, en raison de l’absence d’éléments constitutifs de l’infraction. Mais l’affaire a déclenché un syndrome dépressif, dont il souffre. Il obtient ainsi une PMI par un jugement du tribunal des pensions. La décision est infirmée par un arrêt de la cour régionale des pensions. Il se pourvoie alors en cassation devant le Conseil d’Etat et obtient satisfaction.
Motif de la décision : « Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas sérieusement contesté que le syndrome dépressif ayant entraîné l’invalidité de M. B… au taux de 50 % est consécutif à sa mise en examen pour corruption passive, laquelle n’a pu intervenir qu’à raison des fonctions qu’il exerçait ; que, compte notamment tenu de l’ordonnance de non-lieu rendue à son endroit à titre définitif, aucun fait personnel de M. B… n’est de nature à rompre le lien entre les actes qu’il a accomplis dans l’exercice de ses fonctions d’adjudant de gendarmerie et le service ; que dès lors, M. B… doit être regardé comme apportant la preuve de ce que l’infirmité invalidante dont il est atteint est imputable au service ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement qu’il attaque, le tribunal départemental des pensions a accordé à M. B… une pension militaire d’invalidité au taux de 50 % à compter du 28 juin 2006 ; »
Demande tardive d’alignement de l’indice d’une pension militaire d’invalidité (arrêt n° 368888 du 21 mai 2014).
Les faits : M. C…, ancien adjudant-chef de l’armée de terre, est titulaire d’une pension militaire d’invalidité, concédée au taux de 55 %, qui lui a été accordée par arrêté du 23 août 1973. Par lettre du 3 avril 2006, il a demandé au ministre de la défense la revalorisation de sa pension, en fonction de l’indice, plus favorable, afférent au grade équivalent au sien dans la marine nationale. Faute de réponse satisfaisante, M. C…a saisi le 17 janvier 2008 le tribunal départemental des pensions d’un recours contre le rejet qui a été implicitement opposé par le ministre à sa demande de revalorisation. Par un jugement du 7 juillet 2010, le tribunal a fait droit à sa demande en lui accordant la revalorisation de la pension dont il est titulaire à compter de la date de sa demande, avec les arrérages revalorisés échus et non versés pour les trois années antérieures. Par un arrêt du 25 mars 2013, la cour régionale des pensions a rejeté le recours formé par le ministre de la défense contre le jugement de première instance. Le ministre s’est alors pourvu en cassation contre cet arrêt du 25 mars 2013.
Motif de la décision : « Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’arrêté du 23 août 1973 portant concession à M. C d’une pension militaire d’invalidité lui a été notifié par la remise, le 17 mai 1974, du brevet d’inscription de sa pension d’invalidité comportant les mentions alors requises pour déclencher le cours du délai de recours contentieux, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de remise du brevet établi par le percepteur de Z le jour de cette remise ; que la lettre que M. C a adressée à l’administration le 3 avril 2006 en vue d’obtenir la revalorisation de sa pension ne pouvait être regardée que comme un recours gracieux contre l’arrêté du 23 août 1973 lui concédant sa pension ; que, ce recours ayant été formé après l’expiration du délai de six mois fixé par l’article 5 du décret du 20 février 1959, la demande présentée par M. C le 17 janvier 2008 au tribunal départemental des pensions, en vue de contester le refus qui lui a été opposé, était tardive ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal départemental des pensions a fait droit à la demande de M.C..»
La négligence à faire liquider sa pension limite le montant des arrérages à l’année de la demande et aux trois années antérieures en application de l’article L108 ((Article L108 du CPMIVG : “ Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l’expiration de la troisième année qui suit celle de l’entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu’aux arrérages afférents à l’année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures “)) du CPMIVG (arrêt n°354725 du 4 juin 2014).
Les faits : Mme D…, ancienne élève de l’Ecole polytechnique, a été victime en 1977 d’un accident au cours d’une période de service militaire actif. Elle a obtenu, avec effet au 1er janvier 2004, la revalorisation de la pension militaire d’invalidité dont elle était titulaire à titre temporaire depuis sa radiation des contrôles des armées, le 3 mars 1979, puis à titre définitif depuis le 21 avril 1981. Cette revalorisation lui a permis de bénéficier d’une pension au taux applicable au grade de lieutenant, alors que, depuis 1979, elle n’en bénéficiait qu’au taux applicable aux soldats. A sa demande, le tribunal départemental des pensions a, par un jugement du 4 juin 2009, condamné l’Etat à payer à Mme D une somme de 48 027,21 euros correspondant au paiement du rappel des arrérages à compter du 3 mars 1979. Cette décision a été confirmée en appel.
Motif de la décision : « Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la date d’ouverture de son droit à pension en 1979, Mme D…, qui avait obtenu le grade de lieutenant et avait été rayée des contrôles des armées, pouvait prétendre au calcul de sa pension au taux prévu pour ce grade ; que, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, ni le défaut de transmission des informations pertinentes entre les deux administrations, ni la circonstance qu’elle n’aurait pas reçu la notification de sa radiation ne lui interdisaient de demander la révision de sa pension ; que, si elle soutient également qu’elle ignorait qu’après sa radiation des contrôles, sa pension pouvait lui être attribuée au taux de son grade, l’administration n’était pas tenue de lui indiquer spontanément l’ensemble des avantages qu’elle pouvait revendiquer en application de la législation des pensions ; qu’ainsi, le délai mis par Mme D…à demander la révision de sa pension n’a été dû qu’à la méconnaissance par celle-ci de l’étendue de ses droits et obligations et est, dès lors, imputable à son fait personnel ; que, par suite, le ministre de la défense pouvait, en application de l’article L. 108 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, refuser de faire remonter au-delà du 1er janvier 2004 la période pour laquelle il lui avait été accordé un rappel d’arrérages de pension ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’annuler le jugement du tribunal départemental des pensions et de rejeter la demande de Mme D. »
Juin 2014