Quelques décennies en arrière, la qualité d’agent de l’Etat constituait la garantie d’être payé en temps et heures, après service fait. Les temps ont hélas changé. L‘Etat est ainsi devenu un employeur presque comme les autres. Il lui arrive de ne pas payer ses agents ou de mal les payer en omettant de verser telle prime, ou en refusant d’accorder tel avantage.
Le plus souvent, ces incidents résultent d’erreurs humaines ou techniques.
Mais ce qui distingue l’Etat et ses services d’autres employeurs, c’est l’entêtement à nier toute faute, à vouloir avoir raison contre toute raison. Le militaire créancier doit alors se tourner vers le juge administratif, lorsque ces demandes de régularisation n’ont pas abouti.
Eviter le parcours du combattant de la commission des recours des militaires (CRM).
On sait que l’administration dispose d’un délai de deux mois pour répondre à une demande officielle en paiement. En cas de décision de rejet, explicite ou implicite (née du silence de l‘administration), le militaire doit en demander l’annulation au ministre en saisissant obligatoirement la CRM, dans un délai de deux mois faisant suite à la décision de refus.
Le ministre dispose alors d’un délai de 4 mois pour rendre une décision explicite ou implicite, qui, elle-même doit être attaquée pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois. Ensuite, il peut parfois s’écouler entre deux à trois années avant d’obtenir une décision au fond.
La procédure du référé provision.
Heureusement, la loi n°2000-1115 du 22 novembre 2000 a étendu à la matière administrative la procédure rapide du référé provision qui permet au justiciable, « lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable », d’obtenir, « même en l’absence de demande au fond », une provision (article R 541-1 du Code de justice administrative) sur sa créance.
Cette procédure permet ainsi la saisine du juge administratif sans attendre la décision du ministre dans le cadre du recours devant la Commission de recours des militaires, et sans avoir à justifier d’une procédure au fond tendant à l’annulation de la décision querellée.
La décision est rendue, en général, dans un délai de l’ordre de 6 à 9 mois à compter de l’introduction de la requête par ministère d’avocat contre 2 voire 3 années dans le cadre d’un recours contentieux au fond.
De nombreux succès attestent de l’efficacité du référé provision.
Ainsi, de nombreux personnels militaires pacsés avant l’intervention du décret du 10 janvier 2011, ayant consulté mon cabinet, ont obtenu le paiement par provision du montant cumulé de l’indemnité pour charges militaires au taux n°1. La mauvaise volonté des services du ministère a ainsi été sanctionnée (TA Bordeaux 14/06/2013 n° 1301591 Madame G. c/ Mindef ; TA Rennes 24/03/2014 n° 1300774 Monsieur V. c/ Mindef).
De même, la Cour administrative de Marseille a condamné le refus du Ministre de la défense de revaloriser l’indice de solde de Madame D, employée en qualité de personnel administratif des hôpitaux des armées malgré un décret adopté en décembre 2009 d’application immédiate. Elle a considéré que Madame D. avait droit au versement des arriérés de solde et a estimé que le comportement du Ministre de la défense était fautif et fait droit à une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral (CAA Marseille 11/03/2014 n° 13MA03072 Madame D. c/ Mindef).
D’autres succès ont été obtenus dans des cas de refus délibéré de versement d’un pécule d’incitation à une seconde carrière ou de celui des arriérés d’indemnité de solde résultant de la résiliation illégale d’un contrat d’engagement.
Là encore le référé provision a permis d’obtenir la condamnation de l’Etat au versement d’une provision sur les sommes dues et ce, dans un délai inférieur à 6 mois (TA Nantes 18/04/2014 n° 1309697 M. R. c/ Mindef; TA Paris 16/04/2014 n° 1317063/5-1 Madame R. c/ Mindef).
Le juge des référés a ainsi le pouvoir de condamner l’Etat dès lors qu’il constate que la créance n’est pas sérieusement contestable.
Grâce à cette procédure les personnels militaires disposent d’un outil efficace au soutien de leurs intérêts.
14 mai 2014
Maître Aïda MOUMNI
Avocat associé SELARL MDMH
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