Les violences faites aux femmes sont inacceptables, quelle que soit leur forme. Leurs conséquences sont considérables sur les femmes qui en sont victimes, sur leurs enfants qui en sont témoins, sur la société dans son ensemble.
Les membres de la mission d’évaluation étaient tous portés, dès l’origine de leurs travaux, par cette même conviction. Mais après une quarantaine d’auditions et plus d’une centaine de personnes entendues, ils ont pu mesurer l’ampleur et la diversité de ces formes de violences et la complexité des réponses à leur apporter.
La mission a eu pour double objectif d’évaluer la politique menée en matière de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes et de formuler les propositions qui lui apparaîtraient nécessaires.
Ceci rendait indispensable d’aborder cette question dans toutes ses dimensions par une approche d’ensemble comme l’a fait la proposition de loi-cadre élaborée par le Collectif national pour les droits des femmes qui a donné lieu à une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 20 décembre 2007 par Mmes Marie-George Buffet et Martine Billard (1). Une pétition du Collectif qui avait réuni des milliers de signatures a contribué à l’initiative prise par le Président de l’Assemblée nationale de demander à la Conférence des Présidents la création d’une mission d’évaluation.
Sa conclusion est également double.
D’une part, de nombreux textes pour la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes existent déjà dans le droit français. Ceci ne signifie par, pour autant, que rien ne doive changer dans la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes. Au contraire, au-delà des améliorations législatives encore nécessaires, le dispositif devrait être complété pour y intégrer l’ensemble des mesures concourant à cette politique. Celles-ci ne sont pas toutes de nature législative. C’est pourquoi l’adoption d’une loi-cadre, calquée sur celle qui a été votée par le Parlement espagnol en 2005, ne se justifie pas en tant que telle. C’est davantage un dispositif global, cohérent et coordonné, matérialisant la transversalité des politiques de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes qui devrait être mis en place.
D’autre part, la lutte contre les violences faites aux femmes doit être affirmée comme un des fondements de notre pacte républicain, c’est-à-dire être inscrite dans la Constitution.
De même que le préambule de la Constitution de 1958 mentionne les droits civils et politiques de la déclaration de 1789, les droits économiques et sociaux du préambule de 1946, les droits environnementaux de la charte de l’environnement de 2005, il devrait également être fait référence à la dignité de la personne humaine. Simone Veil n’a pas suggéré autre chose, dans son rapport sur le préambule de la Constitution, quand elle préconise qu’y soit reconnu le principe « d’égale dignité de chacun ».
Mais plutôt qu’un simple principe, c’est une charte de la dignité de la personne humaine qu’il faut introduire dans le préambule de la Constitution, qui devrait comporter une condamnation solennelle des violences de genre.
Bien davantage qu’une loi-cadre, il faut promouvoir un dispositif-cadre. Celui-ci aurait un volet constitutionnel, un aspect législatif, qui reprendrait de nombreux éléments de la proposition de loi-cadre mais également un versant réglementaire et territorial. Ce dispositif-cadre doit englober l’ensemble des politiques publiques qui participent à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes. Il existe déjà largement, les plans triennaux élaborés par le Gouvernement en témoignent, mais il est nécessaire de le renforcer.
Les outils juridiques de ce dispositif-cadre doivent être au service de six grands objectifs autour desquels s’organise le présent rapport : dénombrer les violences de genre, mieux les prévenir, faciliter l’accès des victimes au droit, et les protéger, compléter l’arsenal juridique existant et mieux coordonner les acteurs qui interviennent dans ce champ.
La mission a étudié toutes les formes de violences faites aux femmes, dans leur grande diversité : les violences subies par les femmes au sein du couple, les mutilations sexuelles et les mariages forcés, les violences subies au travail et dans l’espace public. Cependant n’ont pas été abordées les violences liées à la traite des êtres humains, qui constitue un sujet à part entière, ni l’esclavage moderne, qui a fait l’objet d’un précédent rapport (2). Le port de la burqa, apparu récemment dans le débat public, est aussi, à l’évidence, une forme de violence à l’encontre des femmes, qui fera l’objet d’une mission d’information en tant que telle (3).
Enfin, la mission tient à souligner le travail remarquable des acteurs de terrain, notamment associatifs, qu’elle a rencontrés. Sans leur travail quotidien, le constat pourtant alarmant de l’ampleur des violences faites aux femmes serait encore plus accablant.
PRINCIPALES PROPOSITIONS DE LA MISSION
(L’ensemble des propositions est récapitulé p. 287 et suivantes)
Proposition n° I
Introduire dans le préambule de notre loi fondamentale la référence à une charte constitutionnelle de la dignité de la personne humaine comportant une condamnation solennelle des violences faites aux femmes. (cf. p. 12)
Proposition n° II
Promouvoir un dispositif cadre global, cohérent et coordonné regroupant l’ensemble des mesures concourant à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux femmes. (cf. p. 12)
Proposition n° III
Généraliser les actions de formations inter-disciplinaires de toutes les professions en contact avec des femmes victimes de violences ou avec des enfants qui en sont témoins.
L’éducation à l’égalité et au respect doit faire partie intégrante des enseignements et de la formation des enseignants. Les magistrats, les policiers, les gendarmes et les professionnels de santé doivent être formés à la spécificité des violences faites aux femmes pour repérer les signes témoignant des violences subies, prendre en charge et orienter les victimes vers les bons acteurs. (cf. p. 106 et suivantes et p. 278 et suivantes)
Proposition n° IV
Instaurer une ordonnance de protection temporaire, au bénéfice des femmes victimes de violences au sein de leur couple, et des enfants si nécessaire, rendue par un juge dans un délai de 24 heures suivant la demande.
Cette ordonnance permettrait de garantir la sécurité des victimes en comportant des obligations provisoires pour l’auteur des violences, telles que l’interdiction de s’approcher du domicile conjugal ou la suspension de l’exercice de l’autorité parentale.
Elle ouvrirait de manière immédiate de nombreux droits à la victime en constituant une preuve de la situation de violence, ouvrant, si nécessaire, un accès immédiat au RSA, facilitant l’obtention d’un titre de séjour et l’accès à l’aide juridictionnelle. Elle serait opposable aux tiers. (cf. p. 213 et suivantes)
Proposition n° V
Affirmer et prendre en compte l’intérêt des enfants dans les situations de violences au sein du couple en garantissant leur protection. (cf. p. 84 et suivantes et p. 183 et suivantes)
Proposition n° VI
Inscrire dans le code pénal un délit de violences psychologiques au sein du couple, en s’inspirant de la définition du harcèlement moral. (cf. p. 239 et suivantes)
Proposition n° VII
Proscrire le recours à la médiation pénale comme réponse aux situations de violences au sein du couple et définir une procédure nouvelle mieux adaptée à ces situations. (cf. p.235 et suivantes)
Proposition n° VIII
Permettre un meilleur accès au droit des femmes étrangères en renouvelant le titre de séjour de celles qui sont victimes de violences au sein de leur couple, en accordant un titre de séjour à celles qui sont en situation irrégulière et qui portent plainte pour violences conjugales et en leur ouvrant droit à l’aide juridictionnelle. (cf. p. 160 et suivantes)
Proposition n° IX
Agir contre les violences faites aux femmes au travail en instaurant des plans de prévention des violences et en formant les acteurs du monde de l’entreprise, notamment les inspecteurs et les médecins du travail. (cf. p. 120 et suivantes)
Proposition n° X
Conserver le rattachement auprès du préfet des chargés de mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité. (cf. p. 272 et suivantes)
Proposition n° XI
Désigner, dans chaque TGI, un magistrat du parquet spécialisé dans le suivi des violences de genre.
Institutionnaliser, grâce à cette spécialisation, la circulation de l’information et la coordination entre le parquet, le juge pénal, le juge des enfants et le juge aux affaires familiales qui ont à connaître des affaires de violences de genre, à commencer par la délivrance de l’ordonnance de protection. (cf. p. 280 et suivantes)
Proposition n° XII
Créer un Observatoire national des violences faites aux femmes, chargé de coordonner la collecte de données sexuées et d’organiser les enquêtes portant sur les violences faites aux femmes. (cf. p. 81et suivantes)
Lire les Rapports:
Rapport d’information 1799 de Mr Guy Geoffroy député tome 1