Violences sexuelles dans l’armée : le ministre a du mal à prononcer les mots « viol » et « harcèlement » (Par Antoine Lagadec)

Devant plus de 200 hauts responsables civils et militaires, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a annoncé mardi 15 avril une dizaine de mesures afin de lutter contre les violences sexuelles faites aux femmes dans l’armée française. Si pour Leïla Miñano, auteure avec Julia Pascual d’un livre évènement sur le sujet, les annonces du ministre vont dans le bon sens, elles sont encore insuffisantes. Interview.
Salle comble mardi matin à l’Ecole Militaire. Après l’émoi suscité par la sortie du livre enquête « la Guerre Invisible », qui mettait en lumière les violences sexuelles faites aux femmes au sein des armées et dénonçait une omerta sur le sujet, Jean-Yves Le Drian a annoncé mardi un plan d’action pour protéger et accompagner ces victimes de harcèlement et lutter contre les agressions.

Le plan ministériel (consultable en fin d’article) sera organisé autour de quatre engagements, au premier rang desquels figure l’accompagnement des personnels. Parmi les mesures évoquées par le ministre, la création d’une cellule d’écoute, baptisée Thémis, qui pourra « enquêter indépendamment de la hiérarchie » et proposer des mesures disciplinaires, « indépendamment de l’éventuelle procédure judiciaire ».

Questionner la place des femmes au sein de l’armée

Autre mesure phare de la feuille de route détaillée par Jean-Yves Le Drian, l’entrée de la notion de « harcèlement » dans le Code de la Défense. La loi n’y faisait jusqu’ici aucune référence. Il s’agit ainsi de transposer dans le Code de la Défense les articles relatifs aux harcèlements moral et sexuel du statut des fonctionnaires.

Six semaines après la parution de leur livre choc, les deux auteures Leïla Miñano et Julia Pascual étaient présentes à la conférence de presse organisée par le ministère. L’occasion pour les deux journalistes d’exprimer leur sentiment sur ces premières annonces et d’interpeller le ministre sur la nécessité d’une réflexion plus profonde sur la place des femmes au sein des armées.

Terrafemina : Avez-vous été contactées par des responsables politiques depuis la parution de votre livre, « La Guerre Invisible », le 27 février dernier ?

Leïla Miñano : Nous n’avons pas été contactées de quelque manière que ce soit. En revanche, nous avions demandé une interview aux auteurs du rapport commandé à l’inspection générale et au contrôle général des armées sur la « prévention des risques de harcèlement sexuel et moral ». Celle-ci nous a été accordée et nous l’avons publié dans le magazine Causette (co-éditeur du livre « La Guerre Invisible », ndlr).

Dès la sortie du livre, nous avons malgré tout appris que l’ambiance était au branle-bas de combat dans la hiérarchie militaire, où l’enquête a été prise très au sérieux. Les rapporteurs n’ont eu que trois semaines pour travailler, ce qui est un délai extrêmement court. De nouvelles femmes victimes sont également venues à nous pour parler de leur expérience dans l’armée et de ce qu’elles avaient subi.

Tf : La sortie de votre enquête, et l’émoi médiatique qu’elle a suscité, ont-ils déjà conduit à une certaine évolution des pratiques au sein de l’institution militaire, avant cette conférence de presse ?

L. M. : Non, bien au contraire. Le fait que le ministère de la Défense se saisisse du problème a suscité un vif émoi et a surtout conduit beaucoup de femmes victimes à attendre un coup de téléphone leur annonçant que leur agresseur avait enfin été déplacé. Cela n’a pas été le cas. Pour l’instant, les agresseurs reconnus sont toujours en poste. La question reste donc encore posée aujourd’hui, et nous n’avons aucune réponse de ce côté….

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