Le Préfet MARLAND, directeur du cabinet civil et militaire du Ministre de la Défense, signe une note interdisant aux militaires d’adhérer à l’ADEFDROMIL sous peine de sanctions.

Gérard DUCREY
Paris, le 13 Décembre 2002
 

Avocat à la Cour
Chargé de cours à la Sorbonne
Toque D 1499
129, avenue du Général Leclerc
75014 PARIS

Madame ALLIOT-MARIE
Ministre de la Défense
14, Rue Saint Dominique
00 450 ARMEES  
Tel : 01 45 41 39 59
Télécopie : 0145 43 11 33
 
 
Par LR AR n° RA 7558 0404 6 FR
Et par Télécopie : 01 47 05 40 91 sur 6 pages
 

OBJET. RECOURS HIERARCHIQUE
RETRAIT de la NOTE interne référencée DEF/CAB/SDBC/CPAG en date du 28 novembre 2002 – 016119 et signée Monsieur Philippe MARLAND, Directeur du Cabinet civil et militaire.

Madame la Ministre de la Défense,

A la requête de :

L’ADEFDROMIL
Association de défense des droits des Militaires
Association régie par les dispositions de la Loi du 1er juillet 1901
Siège social : 14 rue Fould Stern – 60700 PONT SAINTE MAXENCE
www.defdromil.org

Représentée par son Président en exercice :
Le Capitaine Michel BAVOIL (ER)

Ayant pour avocat : Maître Gérard DUCREY
Avocat au Barreau de PARIS
Demeurant : 129, Avenue du Général Leclerc – 75014 PARIS
Tel : 01 45 41 39 59  FAX : 01 45 43 11 33
N° Vestiaire : D 1499

J’ai l’honneur de solliciter le retrait de la note interne référencée DEF/CAB/SDBC/CPAG en date du 28 novembre 2002 – 016119 et signée Monsieur Philippe MARLAND, Directeur du Cabinet civil et militaire.

L’ADEFDROMIL est une association déclarée qui existe ostensiblement depuis le 13 avril 2001, date du dépôt des statuts de l’Association à la Sous-Préfecture de SENLIS selon récépissé n° 0604005533.

Elle a pour objet : l’étude et la défense des droits, des intérêts matériels, professionnels et moraux, collectifs ou individuels des militaires relevant de la Loi n° 72-662 du 13 juillet 1972.

Le Capitaine Michel BAVOIL (ER), Président en exercice de l’ADEFDROMIL a rendu compte de la création de l’ADEFDROMIL au Président de la République et au Premier Ministre le 30 avril 2001.

L’ADEFDROMIL a des activités soutenues depuis sa création.

Son Président a écrit un ouvrage sur la condition militaire.

Il est également coauteur de l’ouvrage de référence sur le droit des militaires.

Cette association ne s’est jamais cachée des pouvoirs publics et son activité est connue de votre ministère.

L’ADEFDROMIL est une force de médiation et de proposition qui entend promouvoir des idées nouvelles et des solutions possibles aux différents problèmes posés par la professionnalisation des armées.

L’ADEFDROMIL reçoit chaque jour des messages de mécontentement et joue sans conteste un rôle d’apaisement face au malaise des Armées en permettant dialogue et communication.

Elle a créé un site internet « www.defdromil.org ».

Ce site a reçu depuis sa création le 13 avril 2001 plus de CENT VINGT MILLE visites (120 000 connexions).

L’ADEFDROMIL s’inscrit pleinement dans le cadre de l’évolution sociale et juridique des Armées.

L’ADEFDROMIL entend s’ériger comme une force autonome, apolitique, indépendante de toute confession philosophique ou religieuse, libre de toute sujétion hiérarchique et n’entend pas se voir conférer un caractère syndical.

L’ADEFDROMIL s’impose une éthique et n’est et ne sera jamais une entreprise de démoralisation ou de déstabilisation des armées.

A supposer même qu’il s’agisse d’un Groupement Professionnel, la NOTE considérée doit être retirée.

En effet, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe vient de rappeler, par une recommandation n°1572 du 3 septembre 2002, sa résolution n° 903 du 30 juin 1988 qui :

« (…) invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe qui ne l’ont pas encore fait à accorder, dans des circonstances normales, aux membres professionnels des Forces Armées de tous grades, le droit de créer des associations spécifiques formées pour protéger leurs intérêts professionnels dans le cadre des institutions démocratiques, d’y adhérer et d’y jouer un rôle actif (…) »,

La France doit se mettre en conformité avec le droit européen.

L’ADEFDROMIL vient d’apprendre l’existence d’une note interne émanant de votre ministère et signée de Monsieur Philippe MARLAND qui vise explicitement à imposer aux membres de l’ADEFDROMIL de démissionner de l’association sous peine de sanctions disciplinaires.

Destinées aux plus hautes autorités militaires, cette note, si elle est mise en application, portera une atteinte grave aux libertés publiques et aux droits individuels et collectifs du citoyen militaire garantis tant par la Constitution que par la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.

Rappelons également que de nombreuses associations militaires, catégorielles ou spécifiques, présidées par des Officiers Généraux, comportent dans leur objet statutaire la « défense des intérêts moraux » voire même la défense des « intérêts sociaux » de leurs membres qui sont des militaires.

Pourquoi l’ADEFDROMIL aurait-elle un traitement particulier et discriminatoire ?

Cela heurte le droit et le bon sens.

Sur l’atteinte aux droits du citoyen militaire.

Si le militaire a évidemment des sujétions particulières et s’il est évident que l’obligation de réserve lie le personnel militaire comme tout agent public, le militaire n’en demeure pas moins un citoyen qui doit pouvoir légitimement s’exprimer librement sur sa condition militaire.

La liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun » (Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en date du 7 décembre 1976, affaire HANDSYDE c/Royaume-Uni).

La liberté d’expression est reconnue et garantie par l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et est considérée comme une liberté ayant valeur constitutionnelle par les juridictions françaises.

Au terme de l’article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières. (…) ».

Dès lors, la mise en application de la NOTE interne émanant de votre ministère et signée Monsieur Philippe MARLAND conduirait à la négation pure et simple du droit à la liberté d’expression du citoyen militaire.

Plus encore, la menace de sanctions disciplinaires utilisée comme moyen de pression pour imposer la démission des membres de l’ADEFDROMIL expressément mentionnée dans cette note paraît particulièrement attentatoire aux droits du citoyen militaire.

S’il convient de concéder qu’aujourd’hui, cette liberté d’expression est limitée par les textes applicables aux militaires et notamment par la Loi du 13 juillet 1972, il n’en demeure pas moins que la liberté d’expression du citoyen militaire s’inscrit dans l’évolution de la société française et aujourd’hui européenne.

Nombreux sont ceux qui proposent l’évolution d’un texte qui apparaît non seulement archaïque et dépassé sur ce point mais également contraire à la Constitution et à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.

Sur l’atteinte aux droits de l’ADEFDROMIL.

La liberté d’association est l’une des grandes libertés publiques reconnue par les principaux textes internationaux relatifs aux droits de l’Homme et notamment par les articles 11 et 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales.

Mais il s’agit également d’une liberté constitutionnelle qui est l’expression de la liberté individuelle.

Au terme d’une célèbre décision du Conseil Constitutionnel D.1972, I, 685 en date du 16 juillet 1971, la libre création d’association constitue « un principe fondamental reconnu par les Lois de la République ».

La mise en application de la NOTE interne signée Monsieur Philippe MARLAND porterait sans conteste atteinte au mode de fonctionnement normal de l’association tant en ce qui concerne sa capacité à se développer et agir que pour son budget.

En effet, l’ADEFDROMIL ne bénéficie pas à ce jour de subventions publiques.

Elle fonctionne au moyen de ses propres ressources mais en imposant aux adhérents de démissionner cette NOTE impliquera une chute considérable du nombre d’adhérents et conduira à paralyser purement et simplement le fonctionnement normal de cette association.

En conclusion et si l’ADEFDROMIL existe depuis près de 18 mois  c’est que non seulement elle répond à des besoins mais que plus encore  les restrictions à l’expression publique et à l’exercice des droits les plus fondamentaux des militaires apparaissent dépassées au regard de l’évolution de la condition militaire et plus généralement de la Société.

C’est pourquoi, au vu de l’ensemble de ces éléments, je vous saisis d’un recours hiérarchique et sollicite le RETRAIT de la NOTE interne référencée DEF/CAB/SDBC/CPAG en date du 28 novembre 2002 – 016119 et signée Monsieur Philippe MARLAND, Directeur du Cabinet civil et militaire.

Je vous prie de croire, Madame la Ministre de la Défense, en l’expression de mes hommages déférents.

Michel BAVOIL
Es-qualité de Président de l’ADEFDROMIL
Gérard DUCREY

P.J. : 0

Lire également :
Note du Préfet MARLAND
Alliot-Marie s’attaque aux «syndicalistes» de l’armée
Communiqué de l’ADEFDROMIL

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