Extrait du rapport général n° 156 (2013-2014) de MM. Yves KRATTINGER et Dominique de LEGGE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2013
Les rapporteurs ont interrogé le ministère de la défense sur les coûts induits par les dysfonctionnements du logiciel Louvois et sur les actions mises en oeuvre pour résoudre ces dysfonctionnements.
Réponse :
« Dans la perspective de son raccordement à l’opérateur national de paie (ONP), le ministère de la défense a amorcé une rationalisation de ses systèmes d’information de rémunération du personnel rémunéré hors paiement sans ordonnancement préalable (PSOP), en substituant aux nombreux systèmes d’information (SI) le calculateur unique de solde Louvois. Ont été raccordés successivement au calculateur les systèmes d’information des ressources humaines (SIRH) du service de santé en avril 2011, de l’armée de terre en octobre 2011 et de la marine nationale en mars 2012. Le raccordement de l’armée de l’air et de la gendarmerie dans le système Louvois, initialement prévu en mars et septembre 2013 fait l’objet d’un moratoire.
De nombreuses anomalies dans le versement des soldes ont été observées depuis lors. Leurs causes relèvent des domaines technique, fonctionnel et organisationnel. Elles se traduisent par d’importants indus de paye et moins-versés aux administrés. Les trop-versés ont été évalués à environ 133 M€ au titre de l’année 2012 et, à ce stade, à environ 50 M€ pour 2013.
Au-delà de ces chiffres, qui restent des données estimatives, il convient également de prendre en compte :
– les avances dont la reprise est gelée sur décision ministérielle. Elles couvrent notamment les avances et fractions de solde versées sur les théâtres aux militaires en opérations extérieures, les avances aux nouveaux engagés et d’autres avances diverses ;
– les acomptes versés depuis novembre 2012 au titre du plan d’urgence ministériel (43 M€ à fin août 2013) destiné à aider les familles affectées par les dysfonctionnements du système Louvois
La campagne de recouvrement des trop-versés a commencé début août 2013, avec une première phase de notification aux administrés des sommes à rembourser et des propositions de remboursement tenant compte des dispositions en vigueur relatives à la quotité saisissable ainsi que de leur solvabilité effective. Sous réserve de cette dernière limite, la quasi-totalité des trop versés et des avances devrait ainsi faire l’objet d’un recouvrement ou d’une reprise au profit du budget du ministère de la défense, pour l’essentiel à partir de 2014.
Au dispositif exceptionnel de versement d’acomptes cité supra s’ajoutent d’autres mesures d’urgence décidées par le ministre pour éviter des situations difficiles en cas de solde diminuée ou incomplète, telles que le déploiement de spécialistes dans les bases de défense afin que les dysfonctionnements puissent être rapidement traités, le renforcement des effectifs du centre expert RH-solde de Nancy (CERHS) de l’armée de terre pour lui permettre de traiter de façon satisfaisante tous les dossiers dans un délai raisonnable, la mise en place d’une cellule d’assistance téléphonique (n° vert) pour répondre aux questions des militaires et des familles et les accompagner dans l’instruction de leurs dossiers, ainsi que la création d’un groupe utilisateurs qui comprend les acteurs de la solde et des représentants des militaires et de leurs familles.
Par ailleurs, sur la base des recommandations des audits commandés par le ministre, un plan d’action a été décliné en douze chantiers qui couvrent l’intégralité du spectre de la fonction solde. Une attention particulière est portée à la gouvernance de l’écosystème RH-Solde, au pilotage fonctionnel de la chaîne opérationnelle, au suivi comptable et réglementaire, au pilotage des systèmes d’information, à la gestion du référentiel métier et au contrôle interne. Il en découle un certain nombre de mesures qui sont dès à présent mises en oeuvre :
– une gouvernance plus lisible, qui donne également au ministère de la défense une capacité d’anticipation améliorée sur ses grandes échéances (plan annuel de mutation, restitutions de fin d’année etc.)
– des processus optimisés pour l’exécution des cycles de la solde et un renforcement des entités impliquées dans la mise en oeuvre de la solde (effectifs, formation) : les centres expert RH des armées et services, le Service Ministériel Opérateur des Droits Individuels du Service du Commissariat des Armées (SCA/SMODI) ;
– les équipes de maintenance (Centre de Maintenance Informatique de la Solde, SMODI), sont également renforcées et la gestion des anomalies remontées par les acteurs de la chaîne solde est optimisée pour corriger au plus tôt les plus critiques ;
– des actions correctrices en matière budgétaire et comptable sont également en cours. Elles visent un meilleur encadrement des opérations de trésorerie, l’amélioration des restitutions comptables et budgétaires et le renforcement du contrôle interne ;
– enfin, sous la supervision de la direction générale des systèmes d’information et de communication (DGSIC), un plan d’action a été défini pour sécuriser et consolider le calculateur Louvois, puis réaliser des adaptations de fond (mais après la phase des corrections d’urgence qui mobilisent actuellement les équipes).
Ces mesures nécessitent des renforts de personnels auprès des différents services impliqués dans la gestion de la solde. Les plus importants ont été affectés auprès des CERH des différentes armées, essentiellement aux CERH Terre de Nancy (+ 63) et Marine de Toulon (+39). Le centre de maintenance interarmées de la solde (CMIS) s’est vu affecter une trentaine de personnes et 3 commissaires supplémentaires ont été affectés au SMODI. Ces renforts sont réalisés par redéploiement de personnels militaires et civils.
Il a également été fait appel à de l’expertise externe pour conduire les audits et assister la maîtrise d’ouvrage dans l’instruction des corrections et des évolutions, le recouvrement des trop-versés, l’amélioration des processus de la solde et du contrôle interne.
Par ailleurs, près d’une centaine de vacataires ont été recrutés entre juin et septembre 2013 pour 4 ou 6 mois pour la notification des trop-versés aux administrés. Le surcoût correspondant, en dépenses de titre 2 sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », est évalué à 1,45 M€.
L’ensemble des mesures engagées, ainsi que l’implication totale des équipes de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD), du service du commissariat des armées (SCA) et des armées, ont d’ores et déjà permis de réaliser des progrès notables dans la relation de l’administration avec les militaires et leurs familles ainsi que dans le pilotage opérationnel de la solde. »
Source : ministère de la défense, réponse au questionnaire budgétaire