Je suis un sujet de la « grande muette ». Dans cette grande pyramide qu’est l’armée française, le sommet est occupé par les officiers, fiers de leur statut, décorations sur la poitrine, laissant aller au vent leur mèche légendaire que seuls, eux, les envoyés de l’Olympe sont dignes d’arborer. A la base, des hommes comme moi, les hommes de rangs et autres équipages qui soutenons l’édifice.
Toute société se doit d’être régie par une hiérarchie et le monde militaire n’échappe évidemment pas à la règle. Personne n’a été contraint de signer son contrat d’engagement le couteau sous la gorge. Savoir rester à sa place, respecter ses ainés et ses supérieurs sont des prérequis. Les inégalités pèsent pourtant, tous grades confondus, face notamment à la société civile.
Prenons le cas de mon corps d’armée, la Marine nationale. Des bâtiments de guerre embarquent des équipages entre trois et six mois, les exposent à des risques, les éloignent de leurs proches. Absences heureusement comblées par des primes octroyées aux militaires. L’une des plus importantes se nomme l’indemnité de sujétion pour service à l’extérieur (Isse). Elle permet de gagner plus d’argent, tout en étant imposé sur son salaire de base à quai.
Une parade pour nous sucrer la prime
Il y a encore quelques années, ce surplus de rémunération couvrait une grande partie des océans. Aujourd’hui, ces territoires maritimes ont été considérablement diminués, ciblés avec précision et assujettis à un compte de jours précis sur ce secteur : quinze exactement. La parade, la voici : au bout de quatorze jours, le bateau est sorti de cette zone pour 24 heures et y retourne. Compteur à zéro, les marins sont privés de leur prime.
Si nous touchions le montant légitime de nos salaires, en temps et en heure, cela passerait encore, mais grâce à Louvois, cette « révolution informatique » qui gère jusqu’ici nos payes, tout se complique… Les montants ne sont pas les bons, certains sont surpayés, d’autres sous-payés. Certains attendent même des mois ces émoluments.
Lorsque, démuni et désemparé, nous expliquons à femme, enfants et banquier que nous n’y pouvons rien, que le système a des failles, notre auditoire, lui, ne regarde qu’une chose : le compte en banque, les traites à payer, les courses à faire, l’essence, l’école, la cantine, la garderie et que sais-je encore. [Après deux années de bugs, le ministère de la Défense a enfin décidé d’abandonner le logiciel Louvois, ndlr.]
Flambée de dépressions
Continuons. Le marin lambda, s’engage pour dix années dans les forces. Au terme de ces années de service, s’il n’est pas reconduit, il s’en va en ayant droit à une reconversion et un chèque équivalent à quatorze salaires bruts. La somme versée sert à « racheter » ces annuités. Car, bizarrement, dix années travaillées dans l’armée, correspondent à huit années dans le monde civil.
Un tel cas dans le civil serait….
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