On se souvient que dans la nuit du 29 au 30 octobre 2012, le sous-lieutenant Jallal Hami s’est noyé dans un étang de Saint-Cyr, lors d’une activité dite de transmission de traditions, qui s’apparentait à du bizutage autorisé et encadré, appelé « bahutage » à Saint-Cyr.
Après l’émotion, et les réactions à juste titre scandalisées de beaucoup de commentateurs, le silence était retombé sur les landes bretonnes de Coëtquidan.
Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 25 novembre 2013 vient nous donner quelques nouvelles de cette triste affaire (N°366599).
On apprend ainsi que le lieutenant-colonel X, commandant du 2ème Bataillon a été sanctionné de 15 jours d’arrêts, le 8 janvier 2013, par le Chef d’état-major de l’armée de terre agissant par délégation du ministre de la Défense.
Après avoir rappelé les termes du code de la défense qui régissent la procédure disciplinaire et écarté les arguments procéduraux avancés par le requérant, le Conseil d’Etat estime que la sanction est justifiée , car « il est en tout état de cause constant qu’il n’a pas lu la note élaborée par les élèves officiers pour la mise en oeuvre de cette activité à risque prévue par le » livre de marche de la promotion » et dont le caractère lacunaire n’a ainsi pas éveillé l’attention requise de sa part ; qu’alors même que l’organisation de la transmission des traditions relève pour partie des élèves eux-mêmes dans un but d’apprentissage et de responsabilisation et que le lieutenant-colonel B…, dont l’excellente manière de servir est au demeurant relevée par le bulletin de sanction, a pris ou fait prendre un certain nombre de dispositions pour assurer la sécurité des élèves, cette négligence est de nature à justifier l’édiction d’une sanction disciplinaire ; ».
On reproche donc un manque de prudence et de précautions à cet officier supérieur breveté de l’école de guerre.
Il est toujours délicat de commenter le taux d’une sanction tout comme le quantum d’une peine.
Toutefois, on peut légitimement se demander si une punition de 15 jours d’arrêts pour une part de responsabilité dans la mort d’un homme lors d’une activité de « transmission de traditions », est justement adaptée aux circonstances et aux conséquences de l’affaire? En comparaison, combien de jours d’arrêts ont-ils été infligés au légionnaire au foulard à tête de mort, devenu depuis déserteur, qui avait fait « le buzz » ?
L’arrêt nous apprend aussi qu’une demande de sanction a été établie à l’encontre le général Antoine Windeck, commandant les Ecoles de Coëtquidan, autorité militaire de 2ème niveau. La haute juridiction juge que cette situation ne viole pas le principe d’impartialité : « Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort du bulletin de sanction que l’autorité militaire de deuxième niveau, qui faisait elle-même l’objet d’une demande de sanction pour les mêmes faits, s’est bornée à transmettre la demande de sanction du lieutenant-colonel B…au ministre de la défense, sans porter d’appréciation ni sur les faits ni sur le comportement du requérant ; que par suite le moyen tiré de ce que le principe d’impartialité aurait été méconnu doit être écarté » ;
Désormais, il faut attendre les suites que l’autorité judiciaire entend réserver à ce drame. La famille du lieutenant Hami a exprimé, quant à elle, sa volonté « d’aller jusqu’au bout ».
26/11/2013
Lire également
Noyade à Saint-Cyr: la famille dénonce « des zones d’ombre »
Saint-Cyr: décès d’un élève-officier après un exercice de nuit dans un étang
Noyade de Saint-Cyr : la famille veut une enquête pour homicide involontaire
Drame de saint-cyr : bizutage ou pas ? (actualisé)
Cette publication a un commentaire
Victime de la « disparition » d’un pistolet automatique (retrouvé le lendemain) lors d’une activité dont j’avais la responsabilité, j’ai écopé de 30 jours d’arrêts fermes. Sans nier la responsabilité qui m’incombait en temps que chef de détachement, notamment pour faute de contrôle, je suis stupéfait des sanctions à géométrie variable qui s’appliquent dans nos armées. Les 15 jours d’arrêts pour le lieutenant-colonel X dans une affaire de décès liée à des activités de « traditions » m’interpellent… A l’époque sous-officier supérieur, j’ai décidé de quitter l’institution, mes chances d’avancement s’en trouvant de fait nulles.
Je n’ose y voir dans la sanction prise à l’encontre du lieutenant-colonel X (que l’on peut légitimement trouver plus que légère) les petits arrangements entre officiers supérieurs visant à contenter les politiques sans obérer les possibilités d’avancement du personnel incriminé.
Les commentaires sont fermés.