Panorama de jurisprudences récentes concernant les militaires.Avril à octobre 2013 (Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil) 2eme partie

3 – Pacs – Conseil d’Etat  arrêt n°364170 du 7 octobre 2013

Le pacte civil de solidarité a été institué par une loi de 1999. Un décret est intervenu en janvier 2011 (décret n°2011-38 du 10 janvier 2011). Un militaire pacsé peut ainsi bénéficié de l’ICM (indemnité pour charges militaires) au taux le plus élevé après une durée de deux ans de PACS.

Des militaires ont formé des recours contre cette durée jugée discriminatoire. Le Conseil d’Etat saisi sur ce point a été amené à rendre un avis consultable sur le site Legifrance (Avis n° 357793 du 13 juin 2012). Il estime ainsi que : « La différence de traitement ainsi instituée n’apparaît pas manifestement disproportionnée au regard des différences existant entre le régime juridique du mariage et celui du pacte civil de solidarité ».

Simultanément, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur les recours de militaires pacsés avant l’intervention du décret de 2011 (Arrêts n°357624 et 357822 du 29/10/20). Il a ainsi condamné l’Etat à réparer le préjudice résultant de la non transposition de la loi dans un délai raisonnable. L’arrêt du 7 octobre 2013 confirme la position du Conseil d’Etat. Il accorde la bénéfice de l’ICM au taux n°1 aux militaires pacsés avant le décret de janvier 2011 et ayant demandé à en bénéficier dès la conclusion de leur Pacs.

« 2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B…, militaire entré au service le 17 novembre 2008, avait conclu un pacte civil de solidarité le 16 juillet 2008 ; que, par lettre du 31 août 2010, il a demandé à bénéficier de l’indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 applicable aux militaires mariés à compter de la date de son entrée au service ; que, par une décision du 25 février 2011, le ministre de la défense et des anciens combattants, après avis de la commission des recours des militaires, a partiellement fait droit à son recours formé le 9 novembre 2011 contre la décision implicite de rejet opposée à sa demande, en lui accordant le bénéfice de l’indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 à compter du 13 janvier 2011, date d’entrée en vigueur du décret du 10 janvier 2011, qui accorde le bénéfice de cette indemnité aux militaires ayant conclu un pacte civil de solidarité depuis au moins deux ans ; que M. B…se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif d’Orléans a refusé de faire droit à sa demande tendant à l’annulation de la décision du 25 février 2011 en tant qu’elle ne lui accorde pas cette indemnité entre le 17 novembre 2008 et le 13 janvier 2011 ;  

3. Considérant que pour rejeter la demande présentée par M.B…, le tribunal administratif d’Orléans a considéré que le ministre pouvait, pour refuser au requérant le bénéfice de l’indemnité pour charges militaires au taux particulier n° 1 sur la période comprise entre le 17 novembre 2008 et le 13 janvier 2011, faire une application rétroactive des dispositions de l’article 3 du décret du 13 octobre 1959, dans leur rédaction issue du décret du 10 janvier 2011 et entrées en vigueur le 13 janvier 2011 ; qu’en statuant ainsi, alors que les règles régissant l’attribution d’une indemnité versée mensuellement en même temps que la rémunération sont celles en vigueur durant la période au titre de laquelle le versement est demandé, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; qu’il s’ensuit, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que M. B…est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué ; »

4 Responsabilité de l’administration.

41 – Demande de réparation  d’une faute supposée de l’administration par le militaire et son conjoint. CAA Paris 21/05/2013 11PA04243 

Un officier et son conjoint sont déboutés de leur demande de réparation du préjudice supposé résultant d’un retard de délivrance d’une habilitation « secret défense » de l’époux l’ayant empêché de se présenter à un concours professionnel. L’officier n’ayant pas soumis le rejet implicite de sa demande initiale de réparation à la commission des recours des militaires est débouté. Quant à son épouse, qui pouvait soumettre le litige directement au juge administratif sans passer par le filtre de la CRM, la cour estime que le préjudice allégué n’a pas de lien direct avec la non délivrance de l’habilitation « secret défense », d’autant que son conjoint a refusé de bénéficier d’une autorisation supplémentaire de se présenter au concours.

« 1. Considérant que M.B…, capitaine affecté au groupement de formation et d’instruction de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, s’est présenté à la session 2010 du concours d’accès au diplôme technique dans la filière “ systèmes de télécommunication et d’information “ ; qu’il a sollicité une habilitation “ secret défense “ exigée pour la participation aux épreuves du concours ; qu’un refus lui a été opposé le 20 octobre 2009, qu’il a contesté devant la commission des recours des militaires ; que l’habilitation ne lui a finalement été délivrée que le 25 février 2010, soit postérieurement aux épreuves d’admission qui se sont déroulées en janvier ; que M. et Mme B…ont alors formé le 22 juillet 2010 auprès du ministre de la défense une demande tendant à obtenir une indemnité en réparation des préjudices subis du fait du refus d’habilitation opposé à M.B… ; qu’ils ont porté devant le Tribunal administratif de Paris la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre sur cette réclamation

10. Considérant que Mme B…soutient qu’elle a subi des troubles dans ses conditions d’existence du fait du changement d’orientation de son conjoint, la contraignant à demander sa mutation, le déménagement de la famille ayant en outre perturbé la scolarité de leur fille ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que l’administration a autorisé M.B…, à titre dérogatoire, à se présenter une troisième fois au concours, ce qu’il n’a pas fait ; qu’il n’est pas établi que l’échec de M. B…l’aurait contraint à changer d’orientation dans l’urgence, ainsi qu’il est soutenu ; que, par suite, le préjudice allégué ne présente pas de lien direct de causalité avec le refus d’habilitation litigieux ; »

42 – Demande de paiement de congés de fin de campagne non pris à la date de radiation des cadres. CAA Bordeaux 14/10/2013 n°12BX02069

La cour administrative d’appel de Bordeaux confirme le rejet de la demande d’indemnisation de congés de fin de campagne non pris par un officier à la date de sa radiation des cadres. On peut déduire a contrario, qu’un militaire pourrait en théorie obtenir réparation du préjudice résultant de droits à congés de fin de campagne (voire de droits à permission) non pris à la date de radiation des cadres s’il parvient à démontrer qu’il a été privé de ces droits du fait de l’administration.

« Considérant que M. R, officier de carrière de l’armée de terre ayant atteint le grade de lieutenant-colonel a sollicité et obtenu sa radiation des cadres à compter du 19 mars 2009 qui a été prononcée par un arrêté portant agrément de sa démission ; qu’il a sollicité le 17 septembre 2009 auprès du commandant du centre territorial d’administration et de comptabilité de l’armée de terre à Bordeaux l’indemnisation d’un reliquat de 247 jours de congés de fin de campagne non pris au cours de sa période d’activité ; qu’après le rejet implicite de sa demande intervenue le 21 novembre 2009, il a déposé un recours préalable auprès du ministre de la défense qui l’a rejeté par une décision du 20 mai 2010 prise après avis de la commission des recours des militaires ; qu’il fait appel du jugement du 29 mai 2012 par lequel le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet et de la décision du 20 mai 2010, ainsi qu’à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 51 430 euros au titre du reliquat des jours de congés de fin de campagne non pris avant sa radiation ; …

Considérant que M. R a choisi lui-même de mettre fin à sa période d’activité avant d’avoir pu bénéficier de l’intégralité de ses jours de congés de fin de campagne, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il aurait été privé du fait de l’administration de la possibilité de prendre le reliquat de ces congés avant l’agrément de sa radiation ; qu’il n’est dès lors pas fondé à soutenir qu’en lui refusant l’indemnisation de ses congés non pris, le ministre aurait méconnu les dispositions précitées ; »

 

 

 

 

 

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