Castelnaudary : la Défense se penche sur les dérives des déménagements militaires (ANTOINE CARRIÉ)

Auteur en août 2012 d’un dépôt de plainte dénonçant les surfacturations dont se rendraient coupables certains concurrents, le gérant de la société Castel Dem voit enfin les choses bouger. Le député audois Jean-Paul Dupré a questionné le ministre de la Défense, dont le cabinet a assuré le chef d’entreprise que la réglementation allait évoluer.

L’entêtement de Marcel Barthélémy, gérant de la société de déménagement Castel Dem, a donc payé. En déposant, le 12 août 2012, une plainte contre X auprès du procureur de la République de Carcassonne, le responsable de l’entreprise chaurienne avait mis au jour de peu glorieuses pratiques dans le monde du déménagement des militaires. Procédé indolore pour les soldats, qui bénéficient de remboursements forfaitaires, mais lourd de sens pour l’Etat, qui aurait perdu des millions d’euros à acquitter ces factures gonflées. Escroquerie suffisamment intrigante pour que le dossier, transmis à la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, suscite l’ouverture d’une information judiciaire en mai dernier.

Malgré les défections des militaires, Castel Dem est parvenu à remplir son planning d’été

Guère de nouvelles, depuis, sur le front judiciaire, pour ce gérant qui paie les pots cassés, après avoir dénoncé la pratique de surfacturations douteuses. Sa société placée en redressement judiciaire, il est malgré tout parvenu à « remplir son planning pour cet été ». Mais du côté des « clients historiques », les militaires qui assuraient en 2007, lorsqu’il avait repris la société, 60 à 70 % du chiffre d’affaires, voire 100 % l’été, « plus de contact ». Alors qu’il traverse la 3e et dernière période d’observation du redressement, Marcel Barthélémy a enfin eu vent des autorités dont il attendait désespérément un geste. Le 22 juillet, le chef de cabinet civil du ministre de la Défense a ainsi répondu aux multiples courriers déjà adressés par l’entrepreneur chaurien.

Le ministère assure que « les services ont déjà pris les mesures internes nécessaires »

Dans cette lettre, la confirmation que le ministre a bien pris connaissance de l’alerte donnée sur « des pratiques relevant de la concurrence déloyale ». Mais surtout une phrase qui, pour peu qu’elle soit suivie d’effet, donne un peu d’espoir à celui qui appelait le ministère à mettre fin à la « dérive », fondée sur de faux devis et des factures gonflées, assorties de compensations pour les militaires. Dans sa lettre, Jean-Christophe Le Minh, chef de cabinet, précise ainsi que, « sans préjuger des instructions judiciaires en cours, les services concernés du ministère ont déjà pris les mesures internes nécessaires et une évolution de la réglementation est à l’étude ».

Déjà une circulaire dans la gendarmerie en mars dernier

Et de récents éléments peuvent laisser croire que l’évolution est en marche, dans les coulisses du ministère. En mars 2013, sept mois après le dépôt de plainte, une circulaire a ainsi atterri dans les gendarmeries. Un texte de près de 15 pages, qui sensibilise notamment les militaires à l’aspect contractuel des déménagements, et dresse une liste détaillée des tarifs applicables pour rallier les Dom-Tom.

La grille atteint son maximum pour rallier la Polynésie, avec 1 000 € le m3. Bien en deçà de certaines factures qui circulent encore dans le monde militaire. De quoi espérer la nécessaire rationalisation d’un système qui fait déjà l’objet de deux procédures judiciaires (*), où les préjudices se chiffrent en millions d’euros.

LE DÉPUTÉ AUDOIS DUPRÉ QUESTIONNE LE MINISTRE LE DRIAN À L’ASSEMBLÉE

Marcel Barthélémy, face au peu de réponse du ministère jusqu’à ce courrier du cabinet de Jean-Yves Le Drian, avait déjà sollicité les élus locaux. Le premier à agir, le député-maire de Carcassonne, Jean-Claude Pérez, avait saisi le ministre par courrier, le 24 juin, mais aussi la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées à l’Assemblée nationale, Patricia Adam.

Une première démarche que vient de compléter Jean-Paul Dupré, député de la 3e circonscription, en adressant une question écrite, publiée mardi au Journal officiel. Un texte dans lequel il demande au ministre « de bien vouloir lui indiquer les mesures qu’il compte prendre pour renforcer le contrôle des remboursements des prestations de déménagements des militaires mutés vers l’outre-mer ou depuis l’outre-Mer et lutter contre certaines pratiques de surfacturation. En effet, le système actuel caractérisé par l’absence de plafonnement (…), conditionné à l’unique contrainte de fournir deux devis, ne paraît pas de nature à offrir des garanties suffisantes quant à la réalité des prestations offertes. Il laisse la porte ouverte à des dérives (…) fortement préjudiciables aux finances publiques et donc hautement répréhensibles. » La réponse est désormais attendue.

 

DES SURFACTURATIONS AVEC DES TARIFS SIX FOIS SUPÉRIEURS À LA NORME

L’armée est certes une grande muette, mais dans le petit monde des déménageurs, les chiffres circulent. Et témoignent de pratiques encore largement répandues. Il en va ainsi du déménagement d’un légionnaire de métropole vers la Guyane, facturé 28 000 € pour 4,5 m3. Plus de six fois les tarifs préconisés dans la circulaire destinée à la gendarmerie nationale. Même dérive pour un trajet métropole/Réunion : quand un civil, pour 18 m3 et une voiture, se voit tarifer la prestation à hauteur de 8 500 €, c’est une facture de 11 000 € pour trois mètres cubes qui est fournie au militaire…

Source: http://www.midilibre.fr

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