Le service à titre étranger : une nécessaire et indispensable évolution statutaire.

Cette appellation de « service à titre étranger » a t’elle encore une signification à notre époque ? Et si oui, pourquoi y aurait il une différenciation à faire entre celles et ceux qui par définition ont un objectif commun : servir les armes de la France ?

Dans un contexte d’ouverture et de coopération européenne, alors que la construction d’un outil de défense communautaire devient une ambition politique en gestation, l’avenir du service à titre étranger tel que nous le connaissons aujourd’hui pourrait t-il subir des adaptations statutaires ?

Alors que certaines dispositions juridiques de pays membres de l’UE interdisaient encore il y a quelques mois à leurs ressortissants de se mettre au service d’une puissance étrangère, ce statut  ne facilite pas l’intégration et engendre des comportements dérivants maintes fois dénoncés par l’Association de Défense des Droits Des Militaires (Adefdromil) et la voix de son Président, le Capitaine Michel Bavoil.

L’anonymat du légionnaire.

Le service sous identité déclarée ou sous anonymat procure une vraie fausse identité attribuée par l’autorité militaire selon des règles assorties de contraintes importantes sur les libertés individuelles qui sont par ailleurs souvent mal comprises par les étrangers comme par les Français lors de la signature du contrat d’engagement.

Ce statut permet à l’engagé de jouir comme n’importe quel autre militaire français d’une solde, de bénéficier du même régime de sécurité social mais d’un régime de permissions adapté dont le nombre de jours est  inférieur les trois premières années aux 45 jours réglementaires du reste de l’armée.

Le cadre statutaire qui entoure l’anonymat du légionnaire se caractérise par son opacité et un dédale de dispositions réglementaires complexes. Difficiles à gérer, elles se trouvent être parfois à la source d’un invraisemblable imbroglio administratif lorsque la situation individuelle du légionnaire évolue comme par exemple lors de la naissance d’un enfant naturel.

Les difficultés pour récupérer sa véritable identité.

Ce n’est n’est jamais une démarche facile, le délai peut varier de six mois à plusieurs années pour un étranger ne pouvant se rendre dans son pays d’origine pour y réunir les indispensables documents administratifs prouvant sa filiation et sa nationalité.

La rupture d’anonymat qui est considérée comme une faute grave et qui entraîne généralement la résiliation du contrat d’engagement par l’autorité militaire représente une disposition particulièrement contraignante.

Il convient en effet de se demander comment un militaire servant à titre étranger pourra  recouvrer sa véritable identité sans se mettre en situation délicate vis à vis de l’autorité militaire ?

Ce statut est assorti de nombreuses restrictions et d’interdictions par ailleurs fréquemment contournées par les intéressés (conduire un véhicule civil, en posséder un, se marier, reconnaître un enfant …..). La liste n’est pas exhaustive mais range l’application du règlement dans le domaine de l’utopie à moins de maintenir les hommes dans un cadre disciplinaire quasi carcéral aujourd’hui incompatible avec les règles d’un état de droit.

Qui se rappelle encore aujourd’hui des sections d’épreuve dans lesquelles les légionnaires récalcitrants étaient regroupés à Corte en Corse ?

Une réforme indispensable.

Une réforme sérieuse du règlement fixant les conditions de service à titre étranger s’impose dès à présent à la suite des graves dysfonctionnements au sein de cette institution qui ont été rendus publics ces derniers mois.

Si le système Légion tombe en désuétude, il reste encore d’une façon très inégalement appliqué entre les formations. Par exemple, au 2° Régiment étranger de parachutistes, le légionnaire qui souhaite acheter un simple vélo doit encore demander le rapport du Capitaine !!!

L’opposition de la « vieille garde ».

Cette rigidité de façade est maintenue en raison des risques de banalisation de l’institution auxquels sont farouchement opposés de très anciens officiers et sous officiers tous issus du rang et encore en activité de service à parfois près de 40 années de service.

Souvent affectés dans les corps à des fonctions de représentants de catégorie, ils occupent des postes clés et exercent leur influence en particulier sur les jeunes officiers qui, pour réussir un bon début de carrière conditionnant le reste : avancement, notation… doivent impérativement se fondre dans le moule ou prendre le risque de se faire virer.

Ils sont issus d’une génération de soldats déclarant avoir été  »élevés à la dure ». Et  leur conception de la gestion des ressources humaines tranche avec les nouvelles aspirations du commandement qui a saisi l’impérieuse nécessité de faciliter les rapports humains en expurgeant ceux-ci d’un excès d’autoritarisme  emprunt d’une tradition contre productive avec la nouvelle génération.

Les imperfections de la formation.

Alors que la formation militaire des jeunes légionnaires à l’instruction est d’un niveau légèrement plus élevé que celui d’une préparation militaire terre, l’accent est surtout mis sur la formation psychologique.

Les exercices au caractère pédagogique difficilement identifiable auxquels sont généralement  soumis les jeunes recrues à l’instruction tels que ceux que l’on a pu constater dans toute la presse nationale ces derniers jours sont organisés à la nuit tombée en l’absence des cadres de la compagnie par de petits gradés.

Pour autant, leur absence ne saurait leur enlever toute responsabilité. En effet, le système Légion  repose en partie sur ces méthodes de pression psychologiques et administratives pour obtenir des résultats que l’encadrement n’ignore absolument pas et qu’il encourage même parfois à travers des punitions collectives. Sous le couvert d’exercices physiques, elles n’ont qu’un seul but : faire pression sur le groupe pour obtenir le départ d’une ou de plusieurs recrues déclarées indésirables.

La diffusion d’une information volontairement épurée des  aspects les plus rébarbatifs de cette  »formation »  tranche fortement avec certaines aspirations des recrues  lorsqu’elles comparent le contenu de leur  »formation » basé essentiellement sur l’endurcissement psychologique, les chants,  le repassage, la couture et les corvées avec le mythe du super commando véhiculé par les recruteurs pour les besoins.

D’un autre côté, il serait complètement utopique de penser qu’un légionnaire ne maîtrisant pas la langue française avant de s’engager, puisse au bout de quatre mois assimiler et mettre en œuvre suffisamment de connaissances pour accomplir les actes élémentaires du combattant tout en ayant la faculté de comprendre sur le fond et sur la forme le sens de sa mission.

Pour s’en apercevoir, il suffit de vérifier  les connaissances des jeunes légionnaires au terme de quatre mois d’instruction pour se rendre compte de leurs lacunes.

Il en va de même pour la formation des sergents qui se fait en interne à la Légion au 4 ° Régiment étranger et qui, comparativement aux connaissances acquises par un sous officier sortant d’une école militaire pourraient donner lieu à quelques interrogations.

Car  même si avec le temps ces hommes pourront devenir des soldats d’élite, il convient de savoir que le nombre de ceux qui iront jusqu’au terme de leur contrat de cinq ans reste très faible. En raison de ce « turn-over » permanent la Légion manque cruellement de sous officiers, de petits gradés et de légionnaires possédant de solides connaissances techniques alors que paradoxalement elle ne cesse de recruter et de former.

Conclusion.

Il va de soi qu’une profonde réforme de la Légion est nécessaire, même si personnellement en tant qu’ancien légionnaire, je reste attaché au service à titre étranger. Mais, j’estime qu’il devient nécessaire d’admettre l’idée qu’un problème puisse exister au sein de l’institution.

Le renforcement de cadres et de militaires du rang provenant du régime général me semble indispensable pour favoriser l’intégration et les compétences techniques des légionnaires tout en apportant une nouvelle dynamique au sein de cette troupe comme cela se fait déjà depuis plusieurs années au sein du 3 ° Régiment étranger d’infanterie stationné en Guyane .

                                                                                                         caporal (e.r) BERG

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