Pas de droits de l’Homme pour les officiers et sous-officiers de l’armée de terre

« Il est vrai que, parfois les militaires s’exagérant l’impuissance relative de l’intelligence  négligent de s’en servir. » Le fil de l’épée.

Deux instructions datées de janvier 2009 (1) et publiées au bulletin officiel du ministère de la défense dans sa parution du 8 février 2009 fixent la doctrine de la formation des officiers et sous-officiers de l’armée de terre.

La formation des cadres est un point essentiel qui conditionne la qualité d’une armée. Et Lorsqu’on se souvient  que « ce sont les hommes et non les murs qui font les remparts de la cité », on ne peut qu’être stupéfait d’une part du niveau modeste de l’autorité signataire de textes de cette importance, et d’autre part de l’indigence de leur contenu.

S’agissant tout d’abord de l’autorité qui a signé ces instructions au nom du ministre, il s’agit -qu’il nous pardonne- d’un simple « brigadier », sous-directeur des études et de la politique (sic).

On comprend que le ministre lui-même entre son activité professionnelle de représentant de commerce de l’industrie d’armement,  et celle de loisir du suivi de l’écurie de course qui lui est chère, ne puisse s’investir dans la formation des officiers d’une seule armée.

On comprend moins que le CEMAT, qui n’a pas, à notre connaissance, de responsabilités opérationnelles, ait laissé signer de telles instructions par un subordonné, fut-il compétent et promu sans doute à un bel avenir…

En effet, s’il y a bien un domaine dans lequel le Chef d’Etat Major d’une armée peut laisser son empreinte pour plusieurs années, c’est celui de la formation des hommes. On ne peut donc que regretter qu’il ait laissé à un subordonné le soin de signer ce texte.

S’agissant du contenu de ces instructions ministérielles et notamment de celle concernant les officiers, on reste pantois devant la pauvreté intellectuelle du texte sur le plan moral, éthique, c‘est à dire sur le plan des valeurs que les officiers sont censés défendre.

Le texte tout entier tourné vers la technique militaire ignore largement  les aspects moraux du métier des armes dans un état de droit et une démocratie. Le général de brigade Servera, signataire par délégation de son ministre, semble avoir oublié que « science (militaire) sans conscience n’est que ruine de l’âme »…A moins qu’il ait considéré que l’admission à l’état d’officier conférait en lui-même une adhésion complète, cohérente et réfléchie aux valeurs de la République et plus largement de l’Europe.

Ainsi, l’un des objectifs de la formation initiale de l’officier est de : «– former des chefs militaires animés du « culte de la mission » (conformément à l’esprit du code de la défense, notamment l’article D. 4122-4.) ».

Faut-il rappeler que le culte de la mission peut conduire sur des voies dangereuses si on n’y a pas placé des garde-fous ? Or, l’instruction ne comporte aucune mention claire et explicite aux droits de l’homme qui doivent fonder l’éthique des officiers et des militaires.

On veut également développer « le sens des valeurs (esprit de sacrifice, éthique, patriotisme, sens de l’État, honneur, discipline, obéissance, loyauté, respect de la dignité humaine) qui anime l’officier ».. Pourquoi alors ne faire aucune référence aux valeurs de la République ?

Plus loin, on apprend que :

« L’enseignement interarmées est articulé autour de quatre piliers :

– analyse prospective sur l’Europe et le monde ;

– stratégie et art de la guerre ;

– action interministérielle et sécurité ;

– management et défense. »…

Et encore que « Le continuum concernant la culture militaire a pour but de dynamiser l’acquisition d’une culture militaire étendue servant l’affermissement de la compétence des officiers.

Il couvre un spectre très étendu de disciplines (histoire, géographie, relations internationales, stratégie, tactique générale, éthique, sociologie militaire, économie de la défense, connaissances scientifiques générales…) qui constituent le socle de la culture militaire. Cette culture militaire est regroupée autour de quatre grands thèmes :

– thème n° 1 : l’art de la guerre ;

– thème n° 2 : l’homme et la guerre ;

– thème n° 3 : la société et la guerre ;

– thème n° 4 : les sciences et la guerre. »

Tout cela est plus qu’affligeant. Car, cette instruction n’est manifestement pas orientée vers les enseignements de l’histoire militaire récente  que ce soit ceux des interventions en ex Yougoslavie comme à Srebrenitsa, au Ruanda, en Côte d’Ivoire, au Congo ou tout simplement à l’entraînement.

Sans doute, nous objectera t’on que le contenu des programmes lui-même fera l’objet d’une circulaire signée par un chef de bureau ou laissée à l’initiative d’un général.

En tout état de cause, en insistant sur l’aspect sacré de la mission reçue et en négligeant les droits de l’homme, en omettant la dimension morale et juridique de la formation des officiers, on prépare de nouveaux dérapages pour les années à venir.

Après lecture du rapport de l’Adefdromil sur les droits de l’homme, le général Irastorza devrait demander au brigadier Servera de revoir sa copie ce qui lui permettrait de signer cette instruction de sa main.

                                                                                                                    Dominique de Brienne

(1)

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Instruction N° 955/DEF/RH-AT/PRH/LEG relative à la formation des officiers d’active.

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Instruction N° 954/DEF/RH-AT/PRH/LEG relative à la formation individuelle des sous-officiers

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