Quand l’armée fait du social

Le Canard enchaîné – Mercredi 13 novembre :

Militaire de carrière, Jean-Pierre Vidot était en Poste à DJIBOUTI. A la suite d’un accident, et après trois ans de coma, il meurt en 1991, laissant une femme et trois enfants âgés de treize, sept et quatre ans à l’époque. Les armées traînant des pieds pour admettre leur responsabilité dans la mort du soldat, il faut six ans de procédure administrative pour que sa femme
obtienne enfin, en 1997, que la disparition de son mari soit reconnue imputable au service.
Un affront intolérable pour le ministère de la Défense, alors dirigé par Alain Richard. Connu pour ses qualités de coeur, le ministre socialiste fait appel du jugement. Et gagne. Décision confirmée en Conseil d’Etat. En 1999, la veuve est donc priée de bien vouloir rembourser l’intégralité des sommes qui lui ont été versées au titre de la pension militaire d’invalidité. Montant de la facture: 395000F.
Depuis cette date, le Trésor public la ponctionne chaque mois de 1300 F (199
euros).
Ce n’est pas tout. En mai 2002, surendettée, atteinte d’un diabète qui justifie trois injections d’insuline par jour, la jeune femme perd brutalement son père, un ancien légionnaire. Deux semaines après le décès, un huissier déboule chez elle: tout ce qu’elle pouvait espérer recevoir en héritage sera directement prélevé par le Trésor Public, lui annonce-t-il. Cela s’appelle une saisie « attribution ».
A bout de forces, la jeune femme a écrit à la terre entière, en commençant par Chirac, lequel n’a pas eu le temps de répondre. Quant au ministère de la Défense, rien ne l’empêcherait d’effacer l’ardoise. Cela s’est déjà fait dans un cas semblable. Il suffirait que l’armée n’ait pas l’air de capituler.

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