Nicolas Sarkozy s’essaye au redéploiement police-gendarmerie

Le Monde – Samedi 16 novembre :

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Nicolas Sarkozy s’essaye au redéploiement police-gendarmerie

Les préfets devaient remettre au ministre, vendredi 15 novembre, leurs propositions de redéfinition des zones de compétences des deux corps dans leur département. Si le principe d’une nouvelle répartition ne pose pas de problème, elle inquiète sur le plan local tant les élus que les intéressés.

Nicolas Sarkozy s’est emparé d’un épineux dossier qui a tourmenté ses prédécesseurs : le redéploiement des forces de police et de gendarmerie. L’issue de l’empoignade demeure incertaine et sera longue à se dessiner, mais une étape a été franchie, vendredi 15 novembre, jour où les préfets devaient remettre leurs propositions au ministre de l’intérieur. C’est à eux que revenait la charge de relever, circonscription par circonscription, les incohérences dans les zones de compétence des deux forces de sécurité. Les difficultés vont maintenant pouvoir commencer. Si le principe du redéploiement n’est contesté par personne, la question du coût – humain et économique – se pose dès à présent de façon aiguë, en attendant les premiers arbitrages, prévus dans une quinzaine de jours.

Policiers, gendarmes et responsables politiques s’entendent sur le constat général : la carte des compétences respectives, qui date de 1941, ressemble à un parchemin. Elle ne tient pas compte de la désertification de certaines zones rurales et de l’urbanisation intense des communes localisées à proximité des grandes villes. Trop de gendarmes inactifs par ici, pas assez de policiers par là, des unités faisant doublon : les anomalies ne manquent pas. Le centre de Rennes, par exemple, est en zone police, alors que les banlieues en dehors du périphérique sont en zone gendarmerie, malgré la continuité du tissu urbain. En résultent deux autorités différentes et deux services inégaux. Autre exemple : la zone industrielle de Montbéliard est constituée d’une vingtaine de communes tantôt confiées à la police, tantôt à la gendarmerie. « Il faut développer la notion d’agglomération », explique-t-on à la direction générale de la police nationale (DGPN).

Pour renforcer la présence policière dans les zones urbaines à risque et confier aux gendarmes les régions rurales les moins peuplées, le ministère de l’intérieur dispose d’une source d’inspiration, que Nicolas Sarkozy juge « remarquable »: le rapport élaboré en 1998 par le député Roland Carraz (MDC) et le sénateur Jean-Jacques Hyest (UDF-FD). Ceux-ci proposaient le déplacement en trois ans de quelque 4 200 policiers et gendarmes, un chiffre relativement marginal au regard des 175 000 hommes des deux forces. Pourtant, dans les mois qui avaient suivi, la fronde des élus et des syndicats de police avait obligé le gouvernement de Lionel Jospin à remiser le projet au placard.

Cette fois-ci, le contexte serait plus favorable, à en croire le ministère de l’intérieur. Trois raisons à cela : la méthode employée, qui consiste à déléguer aux préfets la tâche ardue du diagnostic, plutôt que d’imposer un plan national ; le placement de la gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’intérieur ; la promesse d’augmentation des effectifs des deux corps (6 500 policiers et 7 000 gendarmes de plus sur cinq ans). « Cette fois, il n’y aura pas de pans entiers du territoire laissés sans police ni gendarmerie, comme dans l’Aude, où, en 1998, on voulait supprimer deux commissariats et sept brigades », se réjouit André-Michel Ventre, secrétaire général du Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN).

NOMBREUSES MANIFESTATIONS

Cet optimisme n’est pas partagé par les maires des communes dont le commissariat est menacé. Un commissariat, c’est environ quarante policiers et autant de familles, représentant des emplois, des consommateurs et des électeurs. Depuis deux semaines, de nombreuses manifestations ont lieu en régions, comme à Mourenx et Olron (Pyrénées-Atlantiques), Issoudun (Indre), Pontivy (Finistère) ou encore Persan (Val-d’Oise).

Pour répondre à la fronde des élus, souvent issus de la majorité, Nicolas Sarkozy a promis qu’ils obtiendraient, en cas de fermeture, un service « au minimum équivalent » de la gendarmerie. Celle-ci devra donc ajuster ses méthodes de travail. L’objectif, revendiqué par la direction générale de la gendarmerie nationale, est de mettre un maximum de gendarmes sur la voie publique plutôt que dans les bureaux, y compris la nuit. Le fonctionnement autonome de la traditionnelle petite brigade rurale de six hommes va s’en trouver modifié. Les communautés de brigade, regroupant les effectifs de deux ou trois cantons, seront généralisées.

L’autre front de mécontentement est syndical. Tout en approuvant, pour la plupart, la philosophie du redéploiement, les syndicats de police s’inquiètent, sur le terrain, du coût humain des fermetures envisagées. » Que fera-t-on des policiers qui ont travaillé pendant vingt ans dans les quartiers difficiles avant d’obtenir enfin une mutation dans ces communes de province ? s’interroge Bruno Beschizza, secrétaire général de Synergie-officiers. La plupart sont à quelques années de la retraite, ils ont acheté une maison, leur femme a trouvé un emploi… »

Connaissant la capacité de mobilisation des syndicats, le ministère de l’intérieur fait assaut de prudence. Pas de rigidité, que du cas par cas, quitte à ne pas forcément respecter la règle qui veut qu’il n’y ait pas de commissariat dans les villes de moins de 20 000 habitants. Dans une circulaire aux préfets datée du 30 octobre, Nicolas Sarkozy soulignait, en caractères gras, la mise en place d’un « dispositif d’accompagnement individualisé »pour les effectifs des commissariats condamnés et ceux des brigades. « On peut envisager des indemnités de déplacement pour que les policiers aillent travailler dans une autre commune à proximité, ainsi que des aides financières à la mutation, explique Claude Guéant, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy. Dans ce redéploiement, on ne fera pas forcément tout ce qu’on pourrait faire, et sûrement pas du jour au lendemain. »

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