Rapport d’information « La politique de la France en Afrique »

Mesdames, Messieurs,

Evoquer les relations entre la France et l’Afrique, c’est entrer dans une histoire unique, à la fois tumultueuse et affective, prometteuse et frustrante. Malgré toutes ses vicissitudes, il y a de l’amour et de la grandeur dans cette relation, une attirance mutuelle qui mérite de résister aux changements du monde. Il y a l’espérance d’une humanité fraternelle, comprenant qu’il lui faut tisser avec ses propres différences des liens à toute épreuve. Il y a la guerre, la violence, le préjugé, la petitesse des hommes mais il y a aussi leur soif de paix, de culture, d’entraide et d’harmonie. Que de réactions avons-nous entendues, passionnées, agacées, voire désabusées ou, au contraire, enthousiastes et volontaristes ! En aucun cas, le couple que forment la France et l’Afrique ne peut laisser indifférent, ni dans le regard que l’on jette sur le passé, ni dans les espoirs que l’on peut nourrir pour l’avenir.

Il en est naturellement de même lorsqu’on aborde la politique de la France en Afrique. On y voit se profiler aussi bien la haute stature d’hommes d’Etats, d’entreprise et de culture que l’épouvantail de la « Françafrique ». Ce néologisme, inventé par le président ivoirien Houphouët-Boigny en 1973, décrit d’un mot les liens étroits et complexes unissant la France à ses anciennes colonies d’Afrique. Sa signification, là encore, est ambiguë. Proximité singulière ou proximité douteuse ? Le terme qui aurait pu évoquer une entente admirable, un métissage de peuples, une vision commune, a fini par symboliser la survivance de réseaux d’influence plus ou moins occultes, entretenus par la France en Afrique, voire d’une forme de néocolonialisme, et parfois même d’une complaisance pour des pratiques inacceptables, mêlant pouvoir, faveurs et argent.

Mais, alors que les réactions sur les relations franco-africaines restent vives, d’importantes mutations sont intervenues sur le continent africain, dont notre pays a tardé à prendre entièrement la mesure. L’Afrique, ces derniers temps, a plus bougé que le regard français sur l’Afrique. L’Afrique d’aujourd’hui connaît des transformations profondes que la plupart des grandes puissances du monde, en particulier les puissances émergentes, à commencer par la Chine et l’Inde, ont clairement identifiées. D’anciens conflits se sont résorbés d’une manière nouvelle tandis que l’Union africaine commence à jouer un rôle clé en matière de paix et de sécurité, attestant d’une volonté forte de prise en main, par les Africains eux mêmes, des problèmes qui surgissent à l’échelle continentale ou régionale. Enfin, malgré de grandes disparités, l’Afrique connaît depuis quelques années une croissance économique soutenue, supérieure à la moyenne mondiale. De plus en plus nettement, l’esprit d’entreprise souffle sur l’Afrique, comme celui de la création artistique ou de la justice sociale. Pour autant, si l’Afrique est bel et bien en marche, le processus de démocratisation reste parfois lent. Le développement du continent s’en trouve en partie affecté, notamment aux plans de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit, ne serait-ce que parce que l’aide au développement peut difficilement donner toute sa mesure dans un tel environnement.

Au-delà de ces transformations, l’Afrique se trouve aujourd’hui, en raison de la mondialisation, confrontée à des problèmes qui préoccupent l’ensemble de la communauté internationale, qu’il s’agisse de l’insécurité alimentaire mondiale, de la menace terroriste, des flux migratoires ou de la sécurisation des marchés et des approvisionnements, notamment énergétiques, mais qui ont sur le continent africain des conséquences démultipliées.

Malgré une présence ancienne en Afrique, la France a insuffisamment anticipé l’ampleur de ces évolutions et leurs conséquences. Alors que notre pays s’engageait progressivement dans un processus de retrait de la gestion des conflits africains au profit d’autres acteurs internationaux, dont l’Union européenne, il a, dans le même temps, enregistré un recul de son influence propre sur le continent. Ce recul n’est pas uniquement matériel, dénombrable en argent, troupes, enseignants ou migrants, il est aussi immatériel, il est aussi symbolique, politique et culturel.

Face à ces mutations profondes, et au risque considérable que représenterait pour la France un désamour durable avec l’Afrique, dans l’indifférence d’une opinion publique française repliée sur ses problèmes intérieurs, la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale ne pouvait rester silencieuse. L’Assemblée nationale, parce qu’elle représente le peuple français, est concernée au premier chef par le devenir d’une relation aussi vitale que celle qu’entretiennent la France et l’Afrique. L’objectif de la Mission d’information qu’elle a instituée en septembre dernier est de faire la part des choses, certes, mais aussi de réaffirmer une confiance et une volonté, et d’alerter l’opinion comme les pouvoirs publics sur le danger du désintérêt pour l’Afrique. Il est également de répondre aux critiques, fréquemment adressées au Parlement français, de rester à l’écart du débat sur les orientations d’une politique, la politique de la France en Afrique, où l’analyse critique, la transparence et l’audace sont plus que jamais nécessaires.

Enfin, à l’heure où une réflexion globale est engagée dans le cadre de la Revue générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, la commission des affaires étrangères entend apporter sa contribution sur le contenu de la réforme de notre politique en Afrique…..

Lire la suite du rapport d’Information n°1332 du 17 décembre 2008 de Jean-Lois CHRIST (Président) et Jacques REMILLIER (Rapporteur), députés

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Source: Assemblée Nationale

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