Polémique autour du crash de l’hélicoptère au Gabon

A peine les honneurs militaires rendus et les corps des victimes mis en terre que naît déjà la polémique autour des circonstances du crash de l’hélicoptère du DAOS au Gabon le samedi  17 janvier 2009 faisant huit morts et un blessé léger. Seul un militaire est sorti indemne de cet accident.

En toile de fond: plusieurs rapports parlementaires extrêmement sévères  publiés depuis  une dizaine d’années et  un  article du journaliste Philippe Le Claire du quotidien l’UNION  qui s’en est très largement inspiré pour rappeler la grande misère de l’Aviation légère de l’armée de terre.

Le titre de l’article en question : « chronique d’un crash annoncé » peut effectivement surprendre.  En effet, son auteur, en omettant toute référence à une possible erreur humaine, semble accréditer la thèse de l’accident dû essentiellement au mauvais état du matériel. D’où le coup de sang du colonel Benoît Royal, chef du service de communication de l’armée de terre qui a demandé un droit de rectification pour préciser que le Cougar n’est pas un « matériel antique », qu’il n’a jamais connu le moindre accident, que nous ne dérogeons jamais aux règles de sécurité…Il suffira de prendre connaissance de la réplique cinglante du journaliste pour se faire une idée de la pertinence des propos de notre bouillant représentant du SIRPA.

Pour l’Adefdromil, il ne fait aucun doute que l’erreur humaine ne doit pas être écartée compte tenu du fait que le vol s’est déroulé de nuit, lors d’une manœuvre de décollage et selon certaines informations, à l’aide des jumelles de vision nocturne et à basse altitude. Des pilotes chevronnés se sont exprimés sur la toile pour souligner les difficultés techniques d’un tel vol. Faut-il en déduire pour autant qu’il y aurait eu faute humaine ? Non bien sûr ! D’ailleurs, si une telle faute devait être retenue, il faudra que les experts l’expliquent techniquement et sans aucune ambiguïté.

Pour autant, l’article du journaliste de l’Union est-il dépourvu de tout fondement ?

Pour répondre à cette question, l’Adefdromil a ressorti  le rapport d’information n°666, présenté par MM Alain MARTY, Michel SORDI et Jean-Claude VIOLLET. Déposé le 30 janvier 2008 il traite de l’aéromobilité. Dès son introduction, le ton est donné.

« …La situation de l’aéromobilité des armées ne permet pas d’assurer dans des conditions satisfaisantes l’ensemble des missions et risque de remettre en cause la présence de la France sur la scène internationale. Les personnels n’hésitent pas à faire des sacrifices en termes de conditions de travail ou de rémunération ; mais leur volonté et leur professionnalisme ne suffisent pas à compenser les insuffisances des matériels.

…Dans leur immense majorité, les appareils actuellement en service sont en limite de capacité. Leur moyenne d’âge particulièrement élevée explique une augmentation constante des coûts de maintenance, même si ces dépenses ne permettent de maintenir qu’une trop faible disponibilité opérationnelle »

Les rapporteurs  poursuivent en soulignant un taux de disponibilité des hélicoptères des forces armées préoccupant.  La  situation opérationnelle des hélicoptères cougar  de l’armée de terre en janvier 2008 est la suivante : nombre 28 appareils, âge moyen 18 ans, taux de disponibilité 50%. C’est dire qu’un appareil sur deux est opérationnel !

Toujours  selon les rapporteurs, « les capacités de manœuvre aéromobile de l’armée de terre reposent sur une flotte en fin de vie dont la DTO (Disponibilité Technique Opérationnelle ndlr) est fortement affectée par l’âge des aéronefs, de grandes difficultés étant notamment constatées sur le parc Puma. » En effet les  96 appareils Puma ont en moyenne 38 ans d’âge et un taux de disponibilité de 48%. Mise en cause également, l’interopérabilité avec les flottes alliées faute de mise à niveau, « en particulier des moyens de communication, limitant ainsi la capacité de transport tactique en OPEX ».

La poursuite de la lecture du rapport n’est guère plus réjouissante lorsqu’est abordé le soutien des hélicoptères.

« L’indisponibilité des rechanges. Le contexte budgétaire difficile impose une gestion logistique à flux tendus avec des conséquences sur la disponibilité. L’acquisition initiale, souvent minimale, de moyens de soutien est une source potentielle de difficulté lors du soutien en service, comme c’est le cas pour les Cougar….

Le manque de personnels…la gestion des personnels de maintenance est compliquée par l’éclatement des unités sur de multiples théâtres alors que les régiments sont construits pour fonctionner de manière concentrée. Les armées doivent en outre composer avec une attrition des techniciens de maintenance de haut niveau, ces derniers étant attirés par le secteur privé ; (le secteur privé propose à certains techniciens de l’ALAT des rémunérations supérieures de 40%. Ndlr)

Le vieillissement des parcs. L’entretien curatif devient plus fréquent et les opérations préventives plus longues.

La nécessité de multiplier les lots d’outillages, à l’instar des équipes de soutien, pour la maintenance des détachements pré-positionnés outre mer ou projetés en OPEX. »

En cause également les difficultés de recrutement et de fidélisation des mécaniciens et l’arrêt de production de certaines pièces de rechange. Pour palier cette absence de pièces de rechange, il est fait recours au « cannibalisme », certains hélicoptères sont utilisés comme réservoir de pièces de rechange

Un  rapport d’information sur la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD) et le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense a été déposé au Sénat  le 21 mai 2008 par le sénateur Yves FREVILLE. Ce rapport confirme l’état de vétusté de nos matériels et les difficultés d’approvisionnement…

Dans ces conditions, le titre : « Cougar : chronique d’un crash annoncé » n’est pas dénué de tout fondement.

Aussi, nous ne saurions trop conseiller aux familles éprouvées de déposer plainte contre X. pour mise en danger de la personne (articles 121-3, 223-1, 223-18 & – 20 du code pénal). En fonction de la suite donnée à la plainte par le procureur du tribunal aux armées de Paris – les faits s’étant déroulés hors de France – il sera éventuellement nécessaire de se constituer partie civile, pour mettre en mouvement l’action publique et avoir accès à toutes les pièces du dossier.  

                                                                                               Renaud Marie de Brassac

Lire:

Cougar : chronique d’un crash annoncé

Rectification à l’article paru dans l’union le 20 janvier et intitule « Cougar : chronique d’un crash annoncé ». Colonel Benoît Royal, chef du Sirpa terre

La grande misère de l’Aviation légère de l’armée de terre

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Rapport d’information n°666 sur l’aéromobilité

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Le Maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du Ministère de la Défense (SIMMAD)

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