1) UN PEU D’HISTOIRE
Il était uns fois… un prince appelé LOUVOIS . Il organisa un grand bal où toutes les formations musicales devaient jouer en ensemble une symphonie…
Avant la mise en place de LOUVOIS (logiciel unique à vocation interarmées de la solde), il existait une structure administrative qui gérait la solde du militaire ; elle s’articulait autour de deux piliers : le CTAC (centre territorial d’administration et de comptabilité) et le trésorier. Ce dernier était spécialement chargé de transmettre tous les documents relatifs à la solde au CTAC via un BICS (bulletin individuel de changement de situation). Pour info, il existe un CTAC qui se trouve à NANCY. Il ne gère que la solde des militaires ; les autres comme celui de Bordeaux s’occupent de la paie des ouvriers et du traitement des employés.
Il est à noter que les autres services administratifs (effectif, chancellerie…) participaient à la gestion du personnel mais, pour la solde, la trésorerie restait le seul point d’entrée …et de sortie pour l’administré. On dira que c’est la gestion de proximité, les problèmes sont réglés sur place.
A ce jour, le CTAC a une excellente réputation de réactivité et a toujours reçu les éloges des autres administrations. SON CREDO : la solde doit sortir tous les mois.
Quelle administration est capable de payer un nouvel administré dans le mois de son embauche ?
2) LES GRANDES MANŒUVRES
En effet, et conformément à la ligne directrice de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) et de son bras armé, la RGPP (reforme générale des politiques publiques), il faut changer d’état d’esprit! Les maîtres mots sont : – rationalisation – efficience – mutualisation.
A terme, il ne faut plus qu’un seul outil de paye pour toutes les armées. Il faut qu’il soit alimenté par une base de données unique aux trois armées : c’est l’interarmisation.
2.1 L’Interarmisation
Vieux cheval de bataille !!! Tout le monde en parle mais personne n’ose franchir le pas !
Pour ce faire, le commissariat de l’armée de terre travaille depuis de nombreuses années sur ce logiciel unique de la solde – le fameux LOUVOIS.
En effet, l’armée de Terre, fait valoir l’efficacité des CTAC, reconnue par tous, mais rencontre des difficultés à faire adhérer les autres armées : chacun entend garder son pré carré et défend son système de paye!
La décision fut prise de faire développer un nouveau logiciel donc, de s’exonérer de l’existant
* pour mémoire: le CTAC c’est + de 130 000 dossiers militaires par mois
3) GESTION AUTOMATISEE DU PESONNEL
Ne perdons pas de vue : efficience – rationalisation – mutualisation
Finie la gestion « à la papa » où chaque service administratif (effectif, chancellerie, instruction…) traitait l’administré selon son domaine de compétence ; dorénavant, tout sera informatisé et stocké sur une plate-forme unique.
- 3.1 OUVERTURE DU BAL
Chaque armée développera son propre système de gestion et on voit apparaître : CONCERTO ; RAPHSODIE ; HARMONIE ; ORCHESTRA et ALLIANCE (personnel civil).
On entend la musique, mais on ne voit pas le Maestro
Toutes ces applications doivent alimenter LOUVOIS et à terme l’ONP – opérateur unique de paye- pour l’ensemble des personnels de l’État.
Dés 2004 les unités de l’armée de terre sont dotées de CONCERTO .
La mise en place de concerto n’a pas été simple:
- Formation du personnel
- Fidélisation de ce personnel
- Méthodes de travail
- Déclinaison des profils du traitant (le traitant travaille que sur son domaine de compétence et ne peut empiéter sur un autre domaine) le besoin d’en connaître
- Adhésion des formations à CONCERTO (cela ne fut pas toujours le cas, et bien souvent certaines formations continuaient selon les errements antérieurs, mettant en avant un manque de moyens en personnel, la conjonction entre missions opérationnelles et tâches administratives etc.…). Cet état de fait sera un élément déterminant pour la suite.
- Non adhésion de certains chefs (ben oui!!! Il faut le dire) « on a autre chose à f… » il faut savoir que certaines indemnités ne sont plus payées (ISC) car là aussi, il faut passer par CONCERTO
Toujours est il que CONCERTO fonctionne tant bien que mal – du moins pour les formations l’ayant adopté conformément aux directives du commandement ; bien que pas encore relié à LOUVOIS, bon nombre de documents issus de CONCERTO servent au CTAC pour le paiement des droits. Les petits tracas n’ont pas d’incidence majeure car n’impactant pas pour l’instant le plus important pour l’administré : la solde
Il est demandé aux formations de consolider les informations de CONCERTO:
Étape indispensable avant la bascule de LOUVOIS
Chaque formation devra vérifier toutes les informations de CONCERTO et quelques soit le domaine
Exemple de mise à jour : saisir et/ou valider les informations de chaque administré : grade, échelle de solde, affectation, situation de famille, enfants, diplôme, stage, relevé d’identité bancaire, changement de compte, etc. et ce depuis son entrée en service
4) MONTEE EN PUISSANCE DES BASES DE DEFENSE
Suite à la réorganisation des armées, on voit apparaître dès 2009, les bases de défense, déclinées dans son organisation en groupement de soutien des bases de défense. Cette nouvelle structure fut validée définitivement en 2011.
La base de défense a pour mission d’assurer l’administration générale, le soutien commun et spécialisé des formations implantées dans son secteur de responsabilité administrative. La base de défense (BdD) est une aire géographique au sein de laquelle les unités bénéficient de soutiens mutualisés et coordonnés.
Le GSBdD doit répondre aux besoins exprimés par les formations présentes dans l’aire de responsabilité de la base. La structure de ce groupement est imposée à partir d’un modèle générique définit par l’EMA sur une enveloppe réduite en effectif (efficience). Le commandement de ces groupements sera donc interarmées c’est à dire il peut être commandé par un terrien, un aviateur, etc.…
4.1 EMBASEMENT DES UNITES
Depuis 2011, presque toutes les unités sont embasées, c’est à dire raccrochées à un GSBDD.
Auparavant, le chef d’établissement «par exemple terre »gérait son personnel – avec ou sans CONCERTO – soit environ 800 à 1000 hommes. Pour ce faire, le chef mettait les moyens nécessaires pour faire valoir les droits des administrés ! La solde était traitée par le CTAC.
L’avènement des bases de défense a fait voler en éclats ce système: le GSBDD devra administrer non pas un régiment mais 2,3,4 et plus avec un effectif réduit. Ces missions jusque là dévolues aux formations sont transférées in extenso au GSBDD! La solde est toujours traitée par le CTAC selon les principes antérieurs.
Il n’y a plus dorénavant de plate-forme CONCERTO dans les unités ! La responsabilité de la mise à jour de la base de données est transférée sur le GSBDD. Les droits d’exploitation n’étant plus ouverts, les formations alimentent désormais les GSBDD par transmission des pièces justificatives.
Par ailleurs, l’armement des bases de défense émane des dissolutions et/ou restructurations des armées ; pour diverses raisons, on retrouve donc du personnel -civil ( forte majorité) et militaire de toutes les armées ,formé ou peu et/ou pas formé sur ces différentes applications cela induit naturellement des tâtonnements et donc une remise à niveau et aussi un apprentissage accéléré pour ceux qui découvrent ce nouveau métier !
Par ailleurs, selon le commandement (terre/air/mer) le personnel (surtout militaire) affecté relèvera en majorité de son armée d’appartenance.
Bien que cela est peu rapporté, la cohabitation des différentes armées n’est pas de tout repos et il est encore difficile dans la vie quotidienne que l’harmonie se réalise : chacun son armée et surtout pas d’ingérence ; nous n’avons pas la même culture; il en découle également des problèmes hiérarchiques, de communication…
Pour preuve, on retrouvera des situations ubuesques : dans un même bureau, se côtoient CONCERTO « terre » et ORCHESTRA « air », chacun conservant son pré carré : vous avez dit mutualisation? Et que dire de la communication professionnelle ? Il n’y a pas de volonté caractérisée de ne pas travailler ensemble, mais les systèmes en place ne favorisent pas une mutualisation des tâches.
Ne perdons pas de vue : efficience et rationalisation
Jusque là tout se fait à peu près normalement. Nous ne sommes pas entrés dans le dur car on n’a pas encore touché la corde sensible: la solde
5) LOUVOIS OU LE QUART D HEURE AMERICAIN
Le ministère siffle la fin de la récré : tout doit être connecté….patatras
LOUVOIS doit rendre sa copie, mais avant votre serviteur pose les questions suivantes:
Þ Le développement de LOUVOIS confié à une entreprise privée a t’il fait l’objet d’une analyse administrative (qu’attend on du logiciel?), quels sont les risques encourus …?
Þ Y a t’il eu des réunions, des points de situation sur l’évolution du développement?
Þ Y a t-il des points (ou pierres) d ‘achoppement
Þ Ne pouvait on pas rendre compte au chef, que l’application n‘étant pas fiable à 100%, il faudrait différer sa validation? (le dire, c’est aussi peut-être reconnaître que l’on a failli et par la même occasion reconnaître ses erreurs, voire son incompétence?)
Þ Ne pouvait-on pas utiliser les bases de données existantes (CTAC ou organisme payeur des autres armées pour chacun en ce qui les concerne)? Oups, j’oubliais, en informatique on ne bâtit jamais sur l’existant : page blanche
Þ Le logiciel a t’il été testé grandeur nature ?(en doublon avec le CTAC)
Þ Pourquoi n’a t’on pas mise en sommeil, une structure allégée au CTAC au lieu de le fermer purement et simplement?
A toutes ces questions, une seule réponse: « mais bien sûr, vous nous prenez pour des amateurs! »
Pour information et pour l‘instant, il n‘est fait mention d‘aucun problème de solde; les militaires perçoivent à ce jour et avant la bascule, leur solde sans problème; il n’y a pas de problème de compte par exemple.
Disparition du CTAC en tant que tel et dès le mois d’Avril, le service de santé (environ 13000 administrés) essuie les plâtres:
Solde incomplète, indemnités impayées, moins et trop-perçus…
Éléments de langage: quelques bugs, mais qui seront résolus … (ben quoi, le risque zéro n’existe pas sauf que la solde à zéro reste à zéro)
Alors là, l’apothéose, le bouquet final:
Haut les cœurs et en avant Simone! 130 000 terriens vont subir la louvoïte aiguë. Pour confirmer LOUVOIS, il faut valider la consolidation des données. A ce moment là, on touche le fond : des soldes sont versées sur des comptes clôturés, des indemnités ne sont pas payées, certaines retenues sont incohérentes etc.…
D’où viennent ces anomalies, a t’on expurgé de vieux dossiers des données non mises à jour?
Comment peut-on verser une solde sur un compte clôturé?
Si les dysfonctionnements sont résolus pour les dossiers les plus simples (paiement direct), il reste une grosse interrogation sur le personnel OPEX notamment! Et cela dure, dure…
Echaudées, les autres armées ont différé le passage à LOUVOIS; l’armée de l’air continue à solder avec les 2 systèmes ( cohérence des données) et la marine attend au large en faisant des ronds
6) CONCLUSION
Il est prévu un audit externe et interne mais le rédacteur dans sa grande modestie ose inventorier les probables causes de ce fiasco. Ma conclusion sera un inventaire à la Prévert, non sans une pointe d’humour acide
Þ Dans cette affaire, on a confondu vitesse et précipitation.
Þ Un manque de formation du personnel se fait cruellement ressentir.
Þ La réduction des effectifs a entraîné un manque de spécialistes administratifs militaires conjugué à un fort taux d’encadrement civil; le personnel militaire est recentré sur son métier de… militaire
Þ La Continuité et la permanence du service fluctuent en fonction de la disponibilité du personnel civil soumis à des horaires de travail.
La solde est versée mensuellement. Il convient d’armer les postes en conséquence en procédant notamment au doublement des postes, chaque « traitant solde » étant en mesure de pallier l’absence d’un personnel en congé de maladie ou arrêt de travail, en OPEX, en stage, en RTT etc.)
Pour information, chaque section solde CTAC avait au moins 6 personnels -surtout civil- par atelier et plusieurs décompteurs affiliés à un régiment. Le décompteur avait pour mission de sortir la solde tous les mois. Un système de veille signalait toute anomalie (+/- 10%); en cas de variation, le chef de section vérifiait le bien fondé de la variation…
Þ Le dimensionnement de certaines gsbdd pose parfois problème: ça sent la sueur : le personnel se défonce, mais malheureusement il n’est pas entendu.
Þ L’importance de cette révolution administrative é été très mal appréciée à tous les échelons du commandement. Il n’est pas certain que toutes les difficultés rencontrées aient été signalées dans les comptes rendus. (Obstination de certains décideurs à vouloir faire passer LOUVOIS à tout prix. Mais avaient-ils le choix?) Fallait-il dire au chef « ça marche pas! Il faut revoir la copie, on va dans le mur» ? Mais pour dire ou écrire cela, encore faut il en avoir dans le futal.
Þ La dissolution précipitée du CTAC de NANCY a entraîné la mutation du personnel qualifié
Þ La non prise en compte du facteur humain: la machine doit être au service de l’homme et non le
contraire.
Allez! Soyons fous.
Réformons le SPSAC (Service parisien de soutien de l’administration centrale) et générons le même pataquès….le petit poucet reste convaincu que cela ne durerait pas comme les impôts; Il en serait de même si cela touchait le paiement des émoluments de nos élus, nos ministres…
Certains esprits chagrins penseront que c’est facile de critiquer. Mais petit poucet critique, car il a trop subi le diktat de la pensée des premiers de la classe, dont le seul but a été de faire plaisir au chef (carrière, carrière, carrière). Même si en bas de l’échelle on rame, Il suffisait à tous ces responsables de descendre dans l’arène et d’écouter, de tels désagréments auraient été évités.
Aujourd’hui, nous parlons de la solde, mais cela coince aussi pour les frais de déplacement.
Demain sera un autre jour. Je vous parlerai d’un logiciel en cours de développement qui concerne les retraites : il ira chercher les info dans les bases RH comme CONCERTO…
Cela a déjà commencé; le CIR : le compte individuel de retraite!
Vous ne pourrez pas dire : « je ne savais pas »
Le temps viendra où il faudra faire le retex de tout cela! Toute proportion gardée, il n’y a pas si longtemps un traideur a été condamné pour avoir joué avec l’argent de sa banque et le petit poucet se demande si ce n’est pas la même chose!
7 MORALE
Les musiciens ne purent jamais accorder leurs violons, ce fut une véritable CACOPHONIE.
Le prince LOUVOIS jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus… peut être!
Honni soit qui mal y pense!
Le petit poucet
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