Six mois après le changement de majorité et l’élection de M. François Hollande, Président de la République et nouveau chef des armées, quel bilan peut-on tirer sur le sujet de la condition militaire qui nous préoccupe tant ?
Le seul mot qui vient hélas à l’esprit est : Déception !
Déception tout d’abord en ce qui concerne le programme d’action du ministre et de son équipe. C’est simple, il n’y en a pas. On pilote le bateau à vue, au point qu’on se demande si le vrai ministre ne se trouve pas à Matignon ou à Bercy, puisque ce sont ces autorités qui décident des réductions des tableaux d’avancement, négociées ensuite par le ministre.
Déception ensuite dans le domaine de la concertation. Nous pensions, comme dans le patinage artistique, avoir réussi les figures imposées : audience avec M. Jean Yves Le Drian en mars dernier au cours de laquelle nous avions suggéré qu’un mode communication soit établi de manière pérenne avec le cabinet, échange avec son chef de cabinet en juin qui nous avait indiqué que la conseillère aux affaires sociales allait prendre contact – nous attendons toujours son appel – , omission de nous inviter aux cérémonies du 14 juillet, demande d’audience auprès de la nouvelle présidente de la Commission de la Défense nationale à l’Assemblée nationale -rencontrée lorsqu’elle militait dans l’opposition- qui a renvoyé la réception de l’Adefdromil à …plus tard, tant elle est occupée à voyager, à rouler carrosse et à jouer son rôle au théâtre du Palais Bourbon.
La lettre de mission du Président de la République concernant la révision du Livre blanc sur la Défense nous a semblé contenir une ouverture originale sur les droits des militaires. Malheureusement, le courrier adressé à M. Jean Marie Guéhenno, président de la commission, par lequel nous demandions à être entendus, semble avoir été adiré entre New York et l’Hôtel de Brienne. Nous n’aurons donc pas l’occasion de nous exprimer.
Déception aussi d’apprendre que le ministre s’est entouré d’un directeur adjoint de cabinet civil et militaire, contrôleur général en deuxième section, dont la situation statutaire est pour le moins discutable, quels que puissent être, par ailleurs, ses mérites.
Déception toujours de ce que l’interdiction du harcèlement n’a pas été intégrée dans le code de la Défense, à l’occasion de la réécriture de l’article du code pénal sur le harcèlement sexuel.
Déception encore de constater le refus de prendre conscience de l’état de délabrement matériel et moral de nos armées :
témoignages de militaires qui s’ennuient,
témoignages de légionnaires soumis à l’arbitraire et à la violence,
manifestation de commandos de l’air à Istres,
harcèlements dans la Marine où on pratique sans état d’âme, le détournement de pouvoir en proposant systématiquement des renouvellements de contrats, non pas pour pourvoir aux besoins de la Royale, mais uniquement pour faire perdre tout droit à l’indemnité de départ des personnels non-officiers aux militaires réunissant les conditions pour obtenir ce modeste pécule,
crise morale et pratiques discutables au Service de Santé des Armées.
Il faudrait ajouter à ce tableau peu flatteur, la situation dans la Gendarmerie, si cette force n’avait été rattachée au ministère de l’Intérieur.
Déception enfin, que le ministre ait mis six mois pour s’apercevoir que les dysfonctionnements du système de paye Louvois constituent un vrai champ de ruines. Il suffisait pourtant de lire ce qu’a écrit l’Adefdromil depuis début novembre 2011.Il y en a au moins pour deux ans avant que les armées ne retrouvent un système de paye fiable. En attendant, il va falloir mettre les moyens pour faire face aux multiples situations aberrantes qui se renouvellent de mois en mois. En quelque sorte, on écope l’eau qui envahit le bateau sans pouvoir colmater les brèches. Au total, la Cour des Comptes aura évidemment quelque chose à dire sur le fiasco Louvois et son coût induit, dans quelques années…lorsque les responsables couleront une retraite heureuse.
Que compte faire le ministre pour réformer la concertation dans les armées ? Va-t-il écouter les chefs d’état-major, pour lesquels le droit d’association et une représentation élue des militaires menaceraient la discipline et surtout les prérogatives désuètes des officiers ? Compte t-il donner quelques suites au rapport d’information n°4069 de MM Le Bris et Mourut ? Ou bien, va-t-il choisir en marin prudent de ne pas faire bouger le bateau ? Autant de questions fondamentales sur lesquelles on aimerait bien entendre un peu de son.
Il est évident que la situation économique du pays, les hausses d’impôts qui vont toucher les classes moyennes – c’est-à-dire beaucoup de militaires-, la crise de citoyenneté que nous traversons, n’incitent pas à l’optimisme.
Le changement de majorité en mai dernier avait incontestablement générer beaucoup d’espoir.
La déception au sein des armées, comme dans le reste de la société est à la hauteur de cette espérance perdue.
Pour tenter de retrouver un « ministère bien tenu » selon l’expression de M. JY Le Drian, c’est plus qu’un coup de pédales, qu’il va falloir donner.
17 octobre 2012