MALAKOFF 2007 – CHATEAU GONTIER 2008

Le propos n’est pas bien évidemment de raviver les douleurs extrêmes des familles, mais plutôt de réfléchir sur des drames humains hors du commun qu’il est difficile de ne pas rapprocher, ce qu’à notre connaissance, personne n’a fait à ce jour.

LES FAITS.

Le 13 juillet 2007, un gendarme mobile de l’escadron de Malakoff (Hauts de Seine) qui avait eu quelques mois auparavant un différend de service avec son adjudant d’escadron, puis avait été désarmé et écarté de la fonction de conducteur de car, se procure une arme et tue le gradé qui habitait dans la même cage d’escalier. Il tue également ses deux enfants et met fin à ses jours.

Le 10 septembre 2008, un adjudant, dont le management était mis en cause au sein de sa brigade de Château-Gontier (Mayenne) tire à trois reprises sur un jeune officier, commandant de la communauté de brigade, puis retourne l’arme contre lui.


DES DIFFERENCES BANALISANTES.

Les deux drames se sont produits dans des milieux professionnels différents. Le service de la gendarmerie mobile, en particulier à Malakoff, est spécifique : peu ou pas de maintien de l’ordre, quelques extractions mais surtout des missions de soutien aux états-majors.

A Château-Gontier, on est au cœur de l’activité policière de la gendarmerie. On peut penser que la pression de la hiérarchie est plus forte sur les résultats, l’activité à déployer et l’organisation du service.

Mais ces différences s’estompent devant le creuset commun que constitue la formation initiale de gendarme.

Il est difficile également de tirer des conclusions de la période de l’année à laquelle les deux évènements se sont produits : la veille du 14 juillet pour le premier, évidemment propice à un éclat ; la fin de la période estivale pour le second, qui marque la reprise d’un rythme différent et soutenu dans l’unité.

La différence notable réside dans la détection d’un comportement particulier du gendarme de Malakoff, qui avait entraîné son désarmement, opération marquant la méfiance des chefs et souvent jugée comme dévalorisante, tant par l’intéressé que le groupe social.

Par ailleurs, l’adjudant victime à Malakoff était devenu membre de l’ADEFDROMIL à la suite du différend professionnel avec son agresseur, mal géré par sa hiérarchie.

Ce n’était pas le cas à Château-Gontier.

Enfin, si la cohabitation dans la même caserne et la même cage d’escalier à Malakoff a certainement joué pour entretenir le sentiment d’injustice du tireur et contribuer à l’accumulation de la rancoeur avant le passage à l’acte, les conditions de la cohabitation en caserne des deux protagonistes de Château-Gontier ne sont pas connues.

DES SIMILITUDES ETONNANTES.

Dans les deux cas, c’est un subordonné qui a tiré sur un supérieur. Et les tireurs sont tous les deux dans la quarantaine : 43 ans à Malakoff et 40 ans à Château-Gontier. Ils sont également pères de famille.

Dans l’affaire de Malakoff, la frustration du gendarme est certaine. A la suite du différend de service, il avait été désarmé sur ordre de ses chefs, alertés par sa manière d’être. Il avait été ensuite écarté de sa fonction de conducteur de car. Même si l’adjudant victime avait été affecté à un autre poste, le gendarme le rendait responsable de ses déboires professionnels.

On connaît beaucoup moins l’origine du drame de Château-Gontier, car la direction générale de la gendarmerie a réussi à faire tomber une chape de plomb sur cette affaire. L’explication du coup de folie donnée par le procureur de la république est un peu courte.

Il y avait probablement aussi de la frustration chez le tireur qui revenait d’un séjour à Mayotte. On sait que les gradés de gendarmerie ont toujours des responsabilités plus importantes outre-mer qu’en métropole. De plus, le fait d’être placé sous les ordres directs d’un jeune officier, a dû également accentuer l’impression de se voir priver de certaines attributions qu’il avait pu avoir par le passé. Cette subordination a pu générer aussi un sentiment de rivalité plus que de soumission de la part de l’adjudant. Il faudrait enfin rechercher si le drame de Malakoff n’a pas servi de référence à l’agresseur de Château-Gontier.

Dans les deux cas, la hiérarchie a été incapable de déceler des situations conflictuelles potentielles susceptibles de dégénérer en passage à l’acte violent.

On est là au cœur du problème.

Il n’y a pas d’exemples ces dernières décennies, d’autres corps de l’Etat touchés par des actes d’une telle violence exercée par un subordonné envers son supérieur et débouchant sur le suicide de l’agresseur.

Il faut en déduire, peut-être hâtivement, que l’idéalisme passionné de la mission du gendarme, le culte du résultat, voire celui de la perfection inculqués dans les écoles de formation, ainsi que les modes managériaux de la gendarmerie, liés à des personnalités, susceptibles de développer facilement un sentiment d’injustice et de jalousie, préparent le terrain à des situations explosives.

En tout cas, on ne peut qu’exhorter la direction générale à mettre en place dans les régions des cellules de veille psychologique, à l’instar du service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) de la Police Nationale qui compte, selon le rapport sur la parité globale rendu en mai dernier, 56 psychologues cliniciens alors que la Gendarmerie ne dispose que de 5 postes à l’échelon central.

Une des missions de ces cellules serait de détecter les situations conflictuelles et de prévenir des drames humains particulièrement douloureux et préjudiciables à l’image de l’institution.

07/11/2008

Jacques BESSY
Vice président de l’ADEFDROMIL

Cet article a 2 commentaires

  1. asterix

    Des gens se tirent dessus dans des casernes de Gendarmerie et tout ce qu’il transparait, c’est un commentaire d’un procureur.

    Voilà le plus grave.

  2. Sarrazin

    Une cellule ou relais a été créée début 2008 et donne de très bons résultats.
    Cette association AEASL (Assistance, Ecoute et aide aux Soldats de la loi) sans faire de bruit petit à peit fait son nid.

    http://www.aeasl.com

    Il faut lire les statuts de cette association et les améliorer pour que quelque chose de réel et de solide soit mis en place dans toutes nos régions de France.
    Il ne faut plus parler et réfléchir mais agir vite et bien.

    Merci M. BESSY de remettre le doigt sur un bouton qui ne cesse de clignoter en fonction « Alarme »

    S.

Les commentaires sont fermés.

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