Loin de vouloir porter un jugement définitif sur cette affaire, je me permets
de commenter l’accident en m’appuyant sur le TTA 207 qui réglemente les séances de tir. Mes réflexions
ne porteront donc que sur l’accident lui-même et non sur les suites de l’affaire données par le régiment
bien qu’il y ait beaucoup à dire sur ce sujet quand on exerce comme moi le métier militaire depuis 20 ans.
Je reprends en italique les phrases intéressantes de l’article avant de les commenter.
« Le sergent NOEL remonte le champ de tir avec sa série pour regagner l’aire
de repos. Lorsqu’il arrive à proximité d’une tranchée de tir située à une vingtaine de mètres des lanceurs
de grenades en position d’attente. Soudain il entend « grenades ». »
Cette situation montre deux choses :
Le pas de tir Famas se trouve à proximité du pas de tir grenade. Il ne s’agit donc pas
d’un parcours de tir mais de deux tirs distincts,
Les soldats en position d’attente ne devraient pas posséder de grenade sur eux,
celles-ci étant distribuées à l’ouvrage intermédiaire qui est placé à 150 mètres de la position d’attente
et 150 mètres avant l’ouvrage de lancer. A moins que le lancer de grenade ait eu lieu sur une position non
réglementaire.
« En voyant les grenades arriver, le sergent NOEL se plaque au sol en cherchant
désespérément à se protéger. Il ne porte pas le casque lourd. »
Le port du casque lourd n’est plus obligatoire pour une simple séance de tir Famas mais
reste obligatoire pour un tir de grenade à main ou un parcours de tir.
« La « version officielle », pour protéger certainement la réputation du régiment
et les lanceurs de grenades, voulait que, durant la progression du groupe, le commandant d’unité ait donné
l’ordre de s’agenouiller et de lancer les grenades sur les cibles. Après explosion, le capitaine aurait
ordonné la reprise de la progression quand, en traversant une tranchée, une grenade ayant fait long feu explosa au passage du sergent. »
En cas de parcours de tir, si la progression du groupe se fait après un lancer de grenade
OF, il est obligatoire de lancer les grenades une par une et d’attendre, avant de lancer la suivante, que la
précédente ait explosé. Ainsi, on peut exactement compter le nombre d’explosions sans risquer un long feu.
En cas de long feu, le directeur de tir doit attendre 30 minutes sans reprendre la séance, aller voir seul
ce qui est arrivé à la grenade et procéder à sa destruction s’il est habilité à le faire (il doit qualifié
DMO). Dans le cas d’un long feu, la version officielle permet de minimiser les responsabilités. Seulement
cette version entraîne d’autres questions car si il y a « reprise de la progression »
c’est donc qu’il y a parcours de tir :
Pourquoi le sergent Noël ne portait-il pas son casque lourd ?
Le dossier du parcours de tir a-t-il été déposé auprès de l’officier
de tir du camp ?
Pourquoi le directeur de tir a-t-il fait « lancer les
grenades » simultanément ?
« Comment peut-on expliquer l’absence de tout personnel du service de santé lors
d’une séance de tir aux munitions réelles ? »
La nouvelle version du TTA 207 a allégé les mesures de sécurité. Pour une simple séance
de tir de niveau 1 ou 2, y compris à la grenade OF, un soldat titulaire du BNSSA et disposant d’un moyen
d’évacuation avec brancard suffit. En revanche, s’il s’agit d’un parcours de tir de niveau 4 (déplacements
coordonnés, armes approvisionnées avec tirs d’ambiance éventuels) la présence d’un médecin est obligatoire.
« Pourquoi la gendarmerie territorialement compétente n’a-t-elle pas été saisie
le 10 octobre 2001 ? Pourquoi les preuves matérielles ont-elles été effacées (nettoyage du champ de tir,
disparition du treillis du sergent NOëL) ? »
La gendarmerie, lors d’un accident par arme à feu ou munitions (y compris sur un champ
de tir), doit systématiquement être avertie pour faire une enquête car l’accident peut être soit provoqué par
une erreur humaine, soit le fait d’un défaut du matériel. Il est donc obligatoire de laisser en place les
éléments matériels.
Quelle que soit la version (officielle ou officieuse), il apparaît clairement que le
règlement n’a pas été appliqué.
L’enchaînement des actes commis par les autorités du régiment semble aussi prouver que
la version officieuse est malheureusement la bonne. En effet, s’il s’agissait d’un simple accident,
il n’y avait aucune raison de camoufler les indices et de ne pas appliquer la procédure règlementaire.
Voir aussi :
> L’affaire Noël : la honte