Les membres des forces armées ont droit à un recours effectif
[46] Lorsque les membres des forces armées ont un grief défendable d’une violation de leurs droits de l’homme, ils devraient bénéficier d’un recours effectif devant une instance nationale afin que leur grief soit examiné et, le cas échéant, qu’ils puissent obtenir réparation.
Les membres des forces armées ont droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance
[47] Il ne doit y avoir d’autres restrictions à l’exercice de ces droits que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
[48] Lorsque les Etats invoquent des motifs de sécurité publique pour d’imposer des restrictions nécessaires et proportionnées au droit d’un individu au respect de sa vie privée, ces derniers devraient se limiter à l’existence d’une menace réelle pour l’efficacité opérationnelle des forces armées. Il ne devrait toutefois pas être fait obstacle à l’exercice de ce droit, et les affirmations, quant à l’existence d’une telle menace, devraient être bien-fondées et justifiées objectivement.
[49] Les membres des forces armées ne devraient pas subir d’enquêtes sur les aspects les plus intimes de leur vie privée telle que, par exemple, leur orientation sexuelle .
[50] Les appelés devraient, autant que possible, être affectés près de leurs proches et de leur domicile. La séparation avec leur famille et leur domicile devrait être nécessaire pour des raisons opérationnelles et ne pas être arbitraire ou disproportionnée. Par ailleurs, le déploiement de membres professionnels des forces armées loin de leur famille ou partenaire et de leur domicile ne peut être imposé comme peine disciplinaire et devrait se limiter à des raisons opérationnelles.
[51] Lorsque des membres des forces armées sont affectés à l’étranger, ils devraient autant que possible être en mesure de maintenir des contacts privés et des mesures adéquates devraient être prises à cet effet. Lorsque les familles et partenaires accompagnent les membres des forces armées en poste à l’étranger, des programmes d’assistance devraient être organisés à leur intention, pendant et après le déploiement.
[52] Les membres des forces armées qui ont de jeunes enfants devraient bénéficier du congé parental, d’un accès à des écoles maternelles et des allocations appropriées pour enfant à charge. Les enfants des membres des forces armées devraient avoir accès à un système d’enseignement.
[53] La correspondance privée des membres des forces armées ne devrait pas être interceptée, sauf si une telle interférence est objectivement justifiable conformément à l’article 8 paragraphe 2.
Les membres des forces armées ont droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion
[54] Les membres des forces armées ont, ainsi, notamment, la liberté de manifester leur religion ou leur conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. Il ne doit y avoir d’autres restrictions à cette liberté que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Ces mesures devraient être proportionnées, ne devraient pas être arbitraires et devraient être raisonnablement prévisibles.
[55] En embrassant une carrière militaire, les membres des forces armées se plient, de leur plein gré, à la vie militaire qui implique, par nature, la possibilité d’apporter à leur droit de manifester leur religion ou leur conviction des limitations ne pouvant être imposées aux civils . Ces restrictions devront être conformes aux critères mentionnés ci-dessus.
[56] Il ne devrait y avoir de discrimination entre les membres des forces armées de confessions différentes dans la manifestation de leur religion. Les autorités militaires devraient prendre en compte les pratiques religieuses des membres des forces armées, par exemple lorsque du temps de repos est octroyé ou des conditions appropriées sont prévues pour permettre aux membres de pratiquer leurs religions ou croyances.
[57] a. Les membres des forces armées ont le droit de changer de religion ou de conviction à tout moment durant leur service.
b. Pour l’accomplissement du service militaire obligatoire, les appelés devraient avoir le droit d’être enregistrés comme objecteur de conscience, et un véritable service alternatif de nature exclusivement civile devrait leur être proposé. Les principes et droits mentionnés dans la Recommandation no R(87)8 du Comité des Ministres relative à l’objection de conscience au service militaire obligatoire devraient être observés.
c. Les membres des forces armées professionnels devraient pouvoir quitter les forces armées pour raisons de conscience.
d. Les membres des forces armées devraient être informés des droits ci-dessus et des procédures disponibles pour les exercer.
e. Une demande par un membre des forces armées à quitter les forces armées pour raisons de conscience devrait être étudiée dans un délai raisonnable et il devrait, lorsque cela s’avère possible, être transféré vers des fonctions qui ne sont pas liées au combat.
f. Toute demande à quitter les forces armées pour raisons de conscience devrait, en cas de refus, être examinée, en dernier ressort, par un organe indépendant et impartial.
g. Les membres des forces armées quittant les forces armées pour raisons de conscience ne devraient pas subir de discrimination ou faire l’objet de poursuites pénales. Aucune discrimination ou poursuites ne devraient résulter d’une demande à quitter les forces armées pour raisons de conscience.
Les membres des forces armées ont droit à la liberté d’expression
[58] Le droit à la liberté d’expression comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des information et des idées. L’exercice de ces libertés comportant pour tous, y compris les membres des forces armées, des devoirs et des responsabilités, il peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions, ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. Ces mesures devraient être proportionnées et prévisibles et ne devraient pas être arbitraires.
[59] Toute restriction à la liberté d’expression imposée lorsqu’il existe une menace réelle pour la discipline militaire, sachant que le fonctionnement efficace des forces armées n’est pas possible sans des règles juridiques visant à empêcher que les membres des forces armées sapent cette discipline, devrait respecter les critères susmentionnés. Ces restrictions peuvent concerner par exemple la description de la manière dont certaines tâches militaires précises sont exécutées ou la nécessité de préserver la neutralité politique de l’armée.
[60] Les Etats ne devraient pas faire obstacle à l’expression d’opinions, même impopulaires et dérangeantes, et quand bien même elles seraient dirigées contre l’armée en tant qu’institution .
Les membres des forces armées ont droit à l’accès aux informations pertinentes
[61] Les recrues potentielles devraient recevoir des informations complètes et détaillées sur l’ensemble des aspects touchant au recrutement et à l’entrée en fonction, y compris la nature spécifique des engagements qu’implique l’enrôlement dans les forces armées. Dans le cas de recrues potentielles âgées de moins de 18 ans, ces informations devraient aussi être fournies à leurs parents ou tuteurs légaux.
[62] Les membres et anciens membres des forces armées devraient avoir accès à leur données personnelles, y compris leurs dossiers médicaux, sur demande.
[63] Les membres et, le cas échéant, les anciens membres des forces armées devraient avoir accès à des informations sur les risques potentiellement dangereux pour leur santé auxquels ils sont ou ont été exposés au cours de leurs activités militaires .
[64] L’accès aux informations devrait toutefois pouvoir être restreint si les documents requis sont considérés objectivement comme classifiés, ou si les restrictions visent à protéger la sécurité nationale, la défense ou les relations extérieures. Néanmoins, toutes restrictions devraient être dûment justifiées.
Les membres des forces armées ont droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association avec d’autres, y compris pour la défense de leurs intérêts
[65] L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat .
[66] Les membres des forces armées devraient bénéficier du droit d’adhérer à des instances indépendantes et défendant leurs intérêts et du droit syndical et de négociation collective. Ils devraient également jouir du droit de ne pas s’affilier à des syndicats. Lorsque ces droits ne sont pas accordés, la validité de la justification donnée devrait être réexaminée, et les restrictions inutiles et disproportionnées au droit à la liberté de réunion et d’association devraient être levées.
[67] Les associations ou syndicats militaires, dont les associations d’appelés, lorsqu’ils existent, devraient prendre part à la détermination des conditions de service des membres des forces armées et défendre leurs intérêts .
[68] Aucune action disciplinaire ou mesure discriminatoire ne devrait être prise à l’encontre des membres des forces armées du seul fait de leur participation à des activités d’associations ou de syndicats militaires.
[69] Les membres des forces armées devraient jouir du droit d’adhérer à des partis politiques, à moins que certaines restrictions ne se justifient pour des motifs légitimes. L’exercice d’une activité politique peut être interdit pour des motifs légitimes, en particulier lorsque le personnel militaire est de service actif. Toute restriction doit satisfaire aux exigences mentionnées au paragraphe 2 de l’article 11.
Les membres des forces armées ont le droit de se marier
[70] Les membres des forces armées devraient avoir le droit de se marier et de conclure des partenariats civils, conformément aux droits dont jouissent les civils.
Tout membre des forces armés a le droit à la protection de ses biens
[71] Tous biens appartenant aux membres des forces armées, en particulier aux appelés, et consignés lors de leur enrôlement devraient leur être rendus à l’issue de leur service militaire.
Les membres des forces armées jouissent du droit de vote et de se présenter aux suffrages
[72] Toutes restrictions aux droits électoraux des membres des forces armées qui ne sont plus nécessaires et proportionnées pour la poursuite d’un but légitime devraient être supprimées. Cependant, les Etats membres devraient pouvoir imposer certaines restrictions quant à l’appartenance aux forces armées d’un membre se présentant à des élections ou ayant été élu.
Les membres des forces armées doivent disposer d’un logement d’un niveau suffisant
[73] Lorsqu’un logement est fourni aux membres des forces armées et leur famille, et en particulier un hébergement de nuit, celui-ci devrait permettre de préserver autant que possible une certaine intimité, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d’hygiène.
Les membres des forces armées ont droit à une rémunération et à une pension de retraite équitables
[74] Tous les membres des forces armées devraient recevoir une rémunération juste et adéquate de leur travail, leur permettant d’avoir un niveau de vie décent, qui devrait leur être payée à temps.
[75] Les hommes et femmes membres des forces armées devraient avoir droit à une rémunération égale pour un même travail ou un travail de valeur égale.
[76] Les membres professionnels des forces armées à plein temps devraient avoir droit à une pension de retraite suffisante, qui devrait leur être payée à temps, sans discrimination aucune.
Les membres des forces armées ont le droit à la dignité, à la protection sociale, et à la sécurité au travail
[77] Les membres des forces armées devraient avoir droit à la protection de leur dignité au travail et ne devraient pas faire l’objet de harcèlement sexuel ou de violence sexuelle .
[78] Les membres des forces armées devraient avoir droit à des congés payés et du temps de repos.
[79] L’entraînement militaire et la planification des opérations devraient comporter, dans la mesure du possible, du temps de repos.
[80] Lorsque les membres des forces armées sont exposés à des maladies épidémiques, endémiques et autres , des mesures appropriées devraient être prises pour préserver leur santé.
[81] Les Etats membres devraient prendre des mesures appropriées pour prévenir les accidents et les atteintes à la santé qui résultent du travail des membres des forces armées, sont liées à leur travail, ou surviennent au cours de leur travail, notamment en réduisant au minimum les causes des risques inhérents au contexte militaire .
[82] Les membres des forces armées devraient avoir accès aux soins de santé et le droit à bénéficier d’un traitement médical.
[83] Des soins médicaux devraient être dispensés aussi rapidement que possible aux membres des forces armées au cours des opérations militaires.
[84] Lorsque des membres des forces armées sont blessés au cours de leur service, ils devraient recevoir des soins de santé et, le cas échéant, des indemnités. Les membres de leur famille devraient, le cas échéant, bénéficier d’indemnités.
[85] Un régime adéquat d’indemnités devrait être accessible aux personnes quittant les forces armées qui ont été blessées ou sont tombées malades en raison de leurs fonctions.
[86] Lorsque des membres des forces armées sont tués ou meurent au cours de leur service, les membres de leur famille devraient bénéficier d’indemnités adéquates.
[87] Les membres des forces armées qui quittent les forces armées devraient bénéficier d’un ensemble adéquat de prestations et de programmes de réintégration dans la vie civile.
Les membres des forces armées ont droit à une alimentation décente et suffisante
[88] Les membres des forces armées devraient bénéficier d’un régime alimentaire approprié, tenant compte de leur âge, de leur état de santé, de leur religion, de leur culture et de la nature de leur travail.
[89] Les membres des forces armées devraient bénéficier, en tout temps, d’eau potable .
Les membres des forces armées doivent jouir de leurs droits et libertés sans aucune discrimination
[90] Dans le cadre de leur travail et de la vie militaire, il ne saurait y avoir de discrimination dans les forces armées fondée sur des motifs tels que le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Le principe de non-discrimination ne sera pas enfreint si la distinction entre des individus se trouvant dans une situation analogue repose sur une justification objective et raisonnable en poursuivant un but légitime, tel que la nécessité de maintenir l’efficacité opérationnelle des forces armées, et en employant des moyens qui soient raisonnablement proportionnés au but recherché.
[91] Les membres des forces armées devraient avoir le droit de présenter des griefs de discrimination concernant leurs droits et libertés devant une instance nationale.
[92] Les membres des forces armées ne devraient faire l’objet d’aucune discrimination au regard de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, notamment en matière de perspectives de carrière .
[93] L’accès aux forces armées ne devrait pouvoir être interdit pour un motif fondé sur l’orientation sexuelle .
[94] Les membres des forces armées appartenant à une minorité sexuelle et leurs partenaires devraient jouir des mêmes avantages que les autres membres des forces armées et leur partenaires, lorsque leurs partenariats sont reconnus en droit interne.
AUTRES QUESTIONS
Une attention spéciale devrait être donnée à la protection des droits et libertés des personnes âgées de moins de 18 ans recrutés dans les forces armées
[95] Les Etats devraient s’assurer que les personnes qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans ne soient pas recrutés de force dans les forces armées. Les Etats qui permettent le recrutement volontaire dans leurs forces armées de personnes de moins de 18 ans devraient maintenir des garanties pour s’assurer au minimum que :
– Cet engagement soit effectivement volontaire;
– Cet engagement ait lieu avec le consentement, en connaissance de cause, des parents ou tuteurs légaux de l’intéressé ;
– Les personnes engagées, ainsi que leurs parents ou tuteurs légaux, soient pleinement informées des devoirs qui s’attachent au service militaire national;
– Ces personnes fournissent une preuve fiable de leur âge avant d’être admises au service militaire.
[96] Les personnes âgées de moins de 18 ans au sein des forces armées devraient avoir le droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être, et pouvoir exprimer leurs attentes quant à des questions ayant trait à leur bien-être , y compris leurs conditions de travail ou de leur service militaire.
[97] Toute personne âgée de moins de 18 ans au sein des forces armées devrait avoir le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt .
[98] Les personnes âgées de moins de 18 ans au sein des forces armées ne devraient pas participer aux situations de combat.
Les membres des forces armées devraient recevoir une formation relative aux droits de l’homme
[99] Les membres des forces armées devraient recevoir une formation visant à les sensibiliser davantage aux droits de l’homme, y compris à leurs propres droits de l’homme.
[100] Au cours de leur formation, les membres des forces armées devraient être informés de leur devoir de s’opposer à un ordre manifestement illégal qui amènerait à commettre un crime de guerre, un crime contre l’humanité, un génocide ou un acte de torture.
Les membres des forces armées devraient avoir la possibilité de présenter leurs griefs à un organe indépendant
[101] Les membres des forces armées devraient avoir la possibilité de présenter des griefs relatifs aux droits de l’homme devant un organe indépendant. Si ce mécanisme de plainte n’est pas de caractère judiciaire, il devrait opérer sans empêcher l’exercice du droit individuel à un recours judiciaire, lorsque cela est applicable.
[102] Les membres des forces armées qui allèguent avoir été victimes de harcèlement ou de violence devraient avoir accès à un mécanisme indépendant recevant des plaintes.
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