Pension militaire d’invalidité : exposition à l’amiante et principe de précaution. (Par Maître Jasna STARK, avocate au Barreau de Paris.)

Maître Jasna STARK, avocat au Barreau de Paris est titulaire d’un Master II Droit et Stratégies de la sécurité et d’un Dess Droit de la Responsabilité médicale. Elle s’est spécialiseé le droit des pensions militaires d’invalidité. L’Adefdromil la remercie d’avoir bien voulu publier cet article sur son site.

 

Le droit à une pension militaire d’invalidité concédée à la suite d’une contamination par l’amiante, au cours de la carrière militaire, fait son chemin. Un arrêt particulièrement bien motivé, rendu par la Cour d’appel de POITIERS le 13 décembre 2011, est devenu définitif faute d’avoir été déféré à la censure du Conseil d’Etat par le Ministère de la Défense. On peut donc considérer que cet arrêt fait jurisprudence. Retour sur les origines de cette affaire.

Le litige opposait le Service des pensions du Ministère de la Défense à un gendarme retraité chez qui des plaques pleurales calcifiées au niveau des deux plèvres et du diaphragme avaient été découvertes, en 2006. Le médecin pneumologue de l’intéressé ayant constaté que ces calcifications étaient spécifiques d’une exposition à l’amiante, l’ancien militaire décidait de solliciter un droit à pension d’invalidité en raison du caractère professionnel de sa maladie. Le refus opposé par l’administration conduisait ce justiciable à saisir successivement le tribunal des pensions de la Roche-sur-Yon et la Cour d’appel de POITIERS. ((Les intérêts du gendarme retraité en cause ont été défendus par Maître André RAIFFAUD, du Barreau de Nantes))

Chose plutôt rare dans des dossiers où la dimension médicale conduit généralement les juges à désigner un expert judiciaire, la Cour a rendu sa décision en s’appuyant uniquement sur des critères que d’autres magistrats pourront reprendre dans des affaires similaires, à l’avenir. Il a d’abord été relevé que le médecin du centre de réforme du Ministère de la Défense avait considéré comme admissible la filiation entre l’affection et l’empoussiérage à l’amiante durant la vie professionnelle. La Cour a ensuite retenu la qualité de spécialiste mécanicien du justiciable, pendant 20 ans, en service dans la gendarmerie, sur des véhicules de service. A ce titre, il s’était livré habituellement à des opérations de démontage et de montage de diverses pièces mécaniques, comme les freins et les embrayages. Pour les juges, la certitude s’imposait que ces pièces étaient pour partie constituées d’amiante et que toute intervention sur des pièces usagées générait des poussières chargées de fines particules de ce produit. Et l’argument du Ministère de la Défense, tiré du tabagisme du requérant, a été écarté.

Partant du constat que l’ancien militaire ne s’était livré à aucune activité pouvant le mettre en contact durablement avec l’amiante après sa retraite et que l’administration n’apportait pas la preuve d’une possibilité de risque d’exposition en dehors des périodes de service, la Cour d’appel de POITIERS a qualifié le contact avec l’amiante de « direct » « prolongé » « durable » et « habituel » pour reconnaître le droit à pension d’invalidité. Plus encore, l’intérêt de cet arrêt réside dans le fait d’avoir souligné l’absence de précaution prise par l’administration alors qu’à l’époque le risque de contamination par l’amiante était identifié ; les juges ajoutant que celui-ci n’avait fait l’objet d’aucune évaluation et n’avait pas été pris en considération.

Avec l’arrêt de la Cour d’appel de POITIERS, un grand pas est désormais franchi dans ce contentieux de la contamination des militaires par l’amiante, contentieux en voie de développement, le « pic » des personnes contaminées par ce produit ayant été publiquement annoncé, par les autoritaires sanitaires, à partir de 2015.


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