Dans une question écrite N° : 89703 du 25 octobre 2011, M. Pierre Morel-A-L’Huissier attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la constitutionnalité du fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Le Conseil constitutionnel, saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, a émis deux réserves à ce sujet. Il souhaiterait connaître les conséquences que cela pourrait avoir sur ce fichier et s’il est envisagé de le réformer.
Texte de la réponse
Par sa décision 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les articles 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale qui encadrent les conditions de recueil et de conservation des empreintes génétiques, mais a formulé deux réserves d’interprétation fondées sur l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui, en matière de procédure pénale, proscrit «toute rigueur qui ne serait pas nécessaire ».
Sur la base de ce principe, le Conseil constitutionnel opère un contrôle de proportionnalité des mesures instituées par le législateur par rapport aux objectifs qu’elles poursuivent.
Dans la décision précitée, trois dispositions relatives au fichier des empreintes génétiques ont ainsi fait l’objet de ce contrôle de proportionnalité.
Ce contrôle a d’abord été appliqué à la liste des infractions, énumérées par l’article 706-55 du code de procédure pénale, qui permettent une centralisation des traces et empreintes génétiques. Le Conseil a estimé que ces infractions sont « précisément et limitativement énumérées » et qu’elles présentent toutes un certain degré de gravité. Le Conseil a ajouté « que pour l’ensemble de ces infractions, les rapprochements opérés avec des empreintes génétiques provenant des traces et prélèvements enregistrés au fichier sont aptes à contribuer à l’identification et à la recherche de leurs auteurs », ce qui signifie que la liste des infractions énumérées par l’article 706-55 « est en adéquation avec l’objectif poursuivi par le législateur ».
Ce contrôle a ensuite été appliqué aux prélèvements biologiques, aux fins de rapprochement avec les données du fichier, prévus par le troisième alinéa de l’article 706-54 du code de procédure pénale et a conduit le Conseil constitutionnel à effectuer une réserve d’interprétation.
Au nom du principe de proportionnalité, le Conseil a décidé que « l’expression « crime ou délit » ici employée par le législateur doit être interprétée comme renvoyant aux infractions énumérées par l’article 706-55 ». Seules les infractions énumérées par l’article 706-55 du code de procédure pénale permettent donc un prélèvement biologique.
Enfin, le contrôle de proportionnalité a été appliqué au renvoi au décret, opéré par l’article 706-54 du code de procédure ^pénale, pour fixer la durée de conservation des empreintes au fichier.
Énonçant une seconde réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a décidé que ce renvoi au décret n’est pas contraire à l’article 9 de la Déclaration de 1789, dès lors qu’«il appartient au pouvoir réglementaire de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées tout en adaptant ces modalités aux spécificités de la délinquance des mineurs» (considérant 18).
Il appartient au pouvoir réglementaire de tirer les conséquences de cette réserve d’interprétation.
A cet effet, un projet de décret modifiant les dispositions des articles R.53-10 et suivants du code de procédure pénale relatifs au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et au service central de préservation des prélèvements biologiques (SCPPB) est en cours d’élaboration.
Source : JOAN du 28/02/2012 page : 1866