Il a choisi le Power Pack, modèle « 4saisons », à 244 euros. Sur la notice du sac de couchage kaki, cette précision « Confort -20/+20 °C, extrême -30 °C ». Puis il a acheté des sous-gants et un gros pull, celui que portaient les Américains en 1944 pendant la bataille des Ardennes.
Ce caporal est bon pour l’Afghanistan, où l’hiver est particulièrement rude dans les montagnes. Comme ses copains, c’est dans les magasins spécialisés que ce marsouin vient dépenser sa solde pour compléter son équipement. Chacun y laisse entre 500 et 1 000 euros, pour se faire éventuellement trouer la peau.
Car il n’y a pas que les drones, les hélicoptères et les munitions qui font défaut sur place. La qualité des équipements fournis en « dotation réglementaire » laisse à désirer. « La solde des premiers mois de classe, c’est pour le matériel Arktis (le treillis et autres vêtements camouflés), le couchage et le reste. », confie un jeune engagé. Officiellement, ces emplettes sont interdites. Pas réglementaires. Mais la hiérarchie ferme les yeux et délivre même, ici et là, des « agréments de paquetage ».
Matos pas gratos
Chez Doursoux, à deux pas de la tour Montparnasse, à Paris, dans un hangar vaguement transformé en magasin, les vendeurs ont l’habitude de voir défiler les combattants sur le départ. Au milieu d’un fatras d’objets et de fringues plus ou moins « historiques », quelques articles très recherchés pour compléter un équipement déficient. Hormis le sac de couchage ou les pinces coupantes multifonctions à 115 euros, la toile de bâche est fort appréciée. Avec ses œillets, elle s’accroche partout et sert d’abri. Contre le vent ou le soleil. Et, quand il fait vraiment soif, la gourde US en plastique garde l’eau plus au frais que celle en alu aimablement fournie par l’armée. Très prisés aussi, les sous-vêtements antitranspiration utilisés par les israéliens, et quelques paires de bonnes chaussettes.
Certains valeureux combattants achètent sur leur cassette personnelle des sticks en plastique afin d’immobiliser un éventuel adversaire capturé, des poignées et des lunettes de visées pour leur fusil Famas, mais aussi des chargeurs et des portes chargeurs. En revanche – c’est une première victoire -, plus besoin d’acheter sur internet des bouchons d’oreille. Les protections auriculaires comme les lunettes destinées à protéger des éclats arrivent peu à peu dans les unités. Le nouveau gilet pare-balles aussi. De marque Américaine, il est en cours de livraison. Quant aux actuels rangers, lourds et rigides, ils provoquaient un sourire condescendant chez les yankees : le modèle date de la Seconde Guerre mondiale. Les nouveaux godillots commencent désormais à arriver.
On n’est pas pressé. Les p’tits gars sont là-bas pour un moment.
Brigitte Rossigneux
Source : « Le Canard enchaîné » du Mercredi 17 septembre 2008 N°4586