Disons le tout de suite le rapport d’information n°4069 de Messieurs les députés Gilbert Le Bris (Parti Socialiste) et Etienne Mourrut (Union pour la Majorité Présidentielle), enregistré le 13 décembre 2011, en pleine crise du paiement des soldes, a le mérite d’exposer sans concession, ni langue de bois la situation du dialogue social dans les armées : un champ de ruines ou presque. Il aura fallu que la parole de l’Adefdromil depuis une décennie, soit confirmée, hélas, par les constatations des auteurs du rapport et les auditions auxquelles ils ont procédé.
Rendons grâce également au rapport de Messieurs Le Bris et Mourrut de reconnaître que les dirigeants de l’Adefdromil sont simplement des bénévoles motivés, c’est-à-dire des citoyens ayant servi sous l’uniforme, et qui y croient. Ils ajoutent que nous disposons d’une compétence juridique. Il est dommage que les auteurs ne précisent pas quelles sont les personnalités leur ayant indiqué que nous ne serions que des « frustrés du système » ? Que ces grandes âmes viennent assurer la permanence pendant une semaine à l’Adefdromil pour prendre conscience de la réalité de ce qui se passe dans les armées.
Une avancée bien tardive, sur un sujet essentiel dans une armée professionnalisée.
Ce rapport a le courage de prendre acte de l’existence d’associations professionnelles et de l’adhésion des militaires en activité de service à ces associations. A cet égard, pour rétablir la vérité, notre association revendique l’adhésion régulière et non clandestine de plusieurs centaines de militaires d’active, à jour de leur cotisation.
Le rapport propose de mettre le droit en adéquation avec le fait, puisqu’en définitive, l’action de l’Adefdromil et l’adhésion des militaires n’ont pas mis en péril la discipline militaire. Il suggère donc d’autoriser formellement les militaires à adhérer aux associations professionnelles (proposition n°15). Rappelons à cet égard, qu’aucun militaire n’a, à ce jour, été sanctionné pour avoir adhéré à l’Adefdromil et qu’en tout état de cause une sanction prise au motif de l’adhésion à une association entrainerait probablement la condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Ce rapport marque ainsi une avancée de la représentation nationale sur ce sujet important et même essentiel dans une armée professionnalisée, celle de la République Française. Mais, les propositions de rénovation du dispositif restent bien modestes, peut-être par conviction et inexpérience du management dans les armées –Messieurs Le Bris et Mourrut étant selon leurs biographies respectives tous deux anciens commerçants-, peut-être aussi pour garantir un consensus a minima, six mois avant l’échéance de l’élection présidentielle.
Le constat des imperfections graves, voire des aberrations du système de dialogue social dans les armées ne date pas d’aujourd’hui. Déjà en mars 1993 dans la Revue de la Défense Nationale, le présent rédacteur, alors Lieutenant-colonel au tableau d’avancement, avait exposé les problèmes nés d’un système de dialogue social reposant sur le concept dépassé du « paternalisme institutionnalisé », c’est-à-dire sur celui du chef, censé à tous les échelons défendre les intérêts de ses subordonnés.
Ajoutons que l’Adefdromil est intervenue sur le sujet à maintes reprises, y compris au moment du vote du statut général de 2005 et dans les propositions qu’elle avait formulées lors de l’élection présidentielle de 2007. Mais tel Saint Jean Baptiste, nous prêchons dans le désert…
On semble découvrir ainsi que les membres des conseils d’armée et du CSFM ne sont pas représentatifs, que la déconnexion entre instances locales et instances nationales ne repose sur aucune nécessité et, au contraire, qu’elle complique le dialogue et décrédibilise les membres tirés au sort des instances nationales.
On s’aperçoit enfin que la formation modeste qu’ils reçoivent, ainsi que l’absence de disponibilité effective pour accomplir leur fonction participent de l’échec du système.
Des bases de raisonnement dépassées.
Tout d’abord, le rapport rédigé sans doute par des administrateurs de l’Assemblée Nationale qui ont fait Sciences Po, commence par confondre liberté d’expression individuelle, donc devoir de réserve et liberté d’expression collective. En particulier, il croit utile de reparler de « l’affaire Matelly » en citant un passage de l’arrêt du Conseil d’Etat du 12 janvier 2011, alors que le contentieux ayant opposé le chef d’escadron Jean Hugues Matelly à sa hiérarchie était étranger à un strict problème de dialogue social. Il nous ressert ensuite le fameux «cantonnement juridique » des militaires du Doyen Hauriou, qui date de 1910… « Respect Man, respect », comme diraient nos amis québécois ! Nous avons droit aussi à l’avis du Conseil d’Etat de 1949 estimant que les constituants de 1946 n’avaient pas entendu accorder le droit syndical aux militaires en activité, comme si l’avis rendu en 49 au lendemain de la libération et au début de la guerre froide avec le bloc communiste avait une valeur immuable, inscrite dans le marbre de la République.
Le rapport reprend des arguments de l’excellent article de Mme Clara Bacchetta publié en 2001 dans les Champs de Mars sur « La liberté d’association professionnelle dans les armées ». Mais il omet de citer l’article d’une autre juriste Mme Marie Dominique Charlier (Dagras) : « Vers le droit syndical des personnels militaires ? » paru dans la Revue du droit public N°4-2003, qui démontre combien la position officielle française sur le refus d’accorder tout droit syndical aux personnels militaires est critiquable.
En 2005, on a créé un Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire (HCECM), destiné en théorie à donner une vision objective de la condition militaire et à éviter que les militaires eux-mêmes et le CSFM ne s’investissent trop sur le sujet. Dès son premier rapport de 2007, le HCECM a rendu un excellent travail sur les rémunérations, puis sur les pensions militaires en 2010, enfin sur le service hors métropole en 2011. Le comparatif effectué avec des pays étrangers du même poids n’apporte rien de probant en termes de coûts/avantages. A ce jour, les rapports du HCECM sont plus exhaustifs que ceux du Contrôle Général des Armées. Mais, pour quels résultats, c’est la vraie question, les décalages importants ressortant des tableaux de suivi ne semblant pas être une source de progrès pour les services compétents du Ministère, c’est-à-dire la DRH-MD.
La plupart de ses membres, éminents représentants de la société civile, ne connaissent d’ailleurs rien ou si peu à la condition militaire et au fonctionnement des armées. Alors la matière leur est fournie par le secrétaire général de cet organisme, contrôleur général de son état, qui s’approvisionne chez ses collègues du Contrôle Général des Armées, dont le Secrétaire Général pour l’Administration (SGA), le directeur des ressources humaines du Ministère (DRH-MD), le contrôleur général, conseiller pour les affaires sociales au cabinet, le contrôleur général, secrétaire général du CSFM, etc…Le HCECM participe donc du système du serpent qui se mord la queue, mais pas trop fort…C’est donc tout, sauf un organe indépendant. On ne peut être qu’effaré et même affligé de lire que « L’objectivité des analyses du Haut comité est garantie par la neutralité et l’indépendance de ses membres ». Une vraie langue de bois soviétique ! Les deux députés y croient-ils ou ont-ils été abusés ?
Le rapport conforte la présence désormais injustifiée des associations de retraités au CSFM. Qui se souvient que dans le statut de 1972, la retraite était une position statutaire, qui permettait aux retraités de bénéficier de certaines avancées indiciaires des militaires d’active. La présence de retraités représentant des associations désignées par le ministre, au sein du CSFM avait donc une base juridique et logique. Désormais, on a déconnecté, par souci d’économie, l’évolution indiciaire éventuelle des actifs de celle des retraités. Les représentants d’association de retraités n’ont donc plus rien à faire au CSFM. Mais, à six mois des élections, on n’allait pas se mettre cette population à dos, en suggérant une réforme dans ce sens. Et c’est beaucoup plus facile de se livrer à un semblant de concertation avec des associations, dont la présence au CSFM est soumise au bon vouloir du Ministre et qui n’ont pas grand-chose à dire, puisqu’elles s’occupent de retraités et non de militaires en activité de service.
La 2ème partie paraîtra le 11 janvier 2012
Cet article a 2 commentaires
Les membres des instances de concertation ( CFM et CSFM ), ne sont en général que des « MOUTONS », je dis bien en général car certains s’investissent corps et âme pour la condition militaire.
Mais malheureusement, ils sont très minoritaires au CSFM, environ une quinzaine pour quatre vingt membres qui siègent au CSFM, à bien vouloir vraiment être acteur de la condition militaire, et c’est également la même tendance qui se dégage dans les CFM (40% de vraiment actif)
Mais, on peut-être complaisant avec eux, car quand ils sont trop actif, ils se font « censuré », »calmé », « remercié » ou « démissionné » !!!
Alors, entre faire le « mouton » ou être actif au sein de ces instances, il faut savoir « que même les moutons se ferons tondre », sauf si ces derniers sont habiles au « pince fesses ».
Pour m’être présenté à 4 reprises pour siéger en CFM, je dois souligner mon étonnement sur la facon »démocratique » de désigner ses membres.
Il s’agit en effet d’un tirage au sort auquel vous n’êtes même pas conviés.
Je pense qu’il doit y avoir un huissier (le CEM lui même) qui doit soigneusement prendre soin au préalable de tirer les bons bulletins.
Démocratie et concertation dans les armées? certainement pas avec un système aussi opaque
J’ai donc depuis abandonné l’idée de vouloir participer à des réunions de ce type dans une bergerie remplis de »bons soldats » et d’un berger despote
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