Dossier : Bizutage dans l’armée (par Nicolas Bara)

Officiellement, les actes de bizutage sont interdits et punis par la loi depuis 1998. Pourtant au sein de l’Armée, les « petits nouveaux » sont mis à l’épreuve par leurs aînés dans des traditions parfois malsaines et humiliantes.

Des petites brimades «amusantes» pour certains, un traumatisme psychologique pour d’autres.

Trop souvent dégradant et rabaissant, les bizutages ou les baptêmes sont restés pratique courante notamment dans la marine nationale. Sous le prétexte d’une tradition définie comme ancestrale, les rites initiatiques sont souvent humiliants et sans contrôle, laissant ainsi une possibilité de dérapage parfois grave.
Les agissements de certains, qui laissent libre court à leur imagination torturée et souvent sadique, se font souvent en marge de « l’activité officielle ». Ainsi en parallèle de la fête où l’ambiance peut paraître joyeuse et partagée, il existe des activités nettement plus sournoises, parfois vicieuses et pénalement punissables.
Le discours officiel reste pourtant le même « le bizutage n’existe plus. On ne force personne, les activités sont encadrées ».
Argument ultime, mais les militaires ignorent a priori que selon la loi: le fait d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants est considéré comme du bizutage. Au regard de la loi, même si le militaire est volontaire pour subir la tradition, il reste malgré tout une victime.
Des petits tortionnaires exercent une pression psychologique sur les néophytes en jouant sur l’angoisse d’être marginalisé, et en mettant en avant le fait que ce passage rituel est obligatoire pour être un « vrai » marin, ils prennent ainsi une domination parfois mal utilisée et mal vécue par les bizutés .
Cette manipulation qui tend à faire croire que, plus le bizutage est dur plus on est dans l’esprit historique de la Marine,  peut amener le bizuté à adhérer sans conditions.
Si certains dépassent très largement les limites, je dois tout de même souligner le fait qu’ils sont minoritaires, que beaucoup ont une vision festive de ces traditions et ne voient en elles aucune forme de justification d’avilissement. Cependant il me paraissait nécessaire d’en parler pour tenter de casser ce tabou, qui réduit trop souvent en silence les traumatisés, et donc protège leurs auteurs.
Nous parlerons bien sur des lycées militaires, où le bizutage existe à l’abri des regards des éducateurs, sans qu’ils puissent l’ignorer, politique de l’autruche et mutisme pour éviter les scandales. Cette population, jeune et souvent vulnérable, car éloignée du cocon familial, s’adonne aux harcèlements morales, voire physiques, à la discrimination, sans aucun contrôle mature sous prétexte d’une tradition . Mon expérience dans un lycée Militaire en tant que « gradé contact » me pousse à dénoncer le mutisme des équipes encadrantes et éducatives.
Bien protégés derrière un règlement intérieur interdisant les traditions, ils ne peuvent ignorer ce qui se passe dans les internats. A trop vouloir interdire, on n’encadre plus, on ignore le problème laissant la clandestinité la plus dangereuse s’exprimer.

La corvée de charbon

« La corvée de charbon, c’est le circuit de tous les bars…On se saoule, on saoule la personne, on lui fait boire une pucelle, un mélange de tous les alcools, et quand elle est bien bourrée, on lui paie une pouffe et la plus moche qu’on trouve. Ça commence comme ça. Et les mecs, en fait, ils s’habituent. » .
La corvée de charbon, c’était le bizutage des militaires français qui arrivaient à Dakar (Sénégal) pour servir dans le 23e bataillon d’infanterie de marine (23e Bima), à l’époque de la conscription . Un « test de virilité » qui servait de passeport pour intégrer le groupe.
Source: Transversal n°36  –

http://pmb.santenpdc.org/opac_css/doc_num.php?explnum_id=5310

« La corvée de charbon, c’était le bizutage des militaires français qui arrivaient à Dakar … »
Cette phrase peut encore être conjuguée au présent. Même si elle n’est plus systématique, la corvée de charbon perdure et cela malgré le risque de contamination du sida.
« Charbon » car la prostituée est de couleur noire, ce qui démontre dès sa dénomination un aspect  vulgaire et dégradant.
Son application peut être extrêmement affligeante, lorsque ce rapport sexuel payant et pour la plupart du temps non consenti par ses exécutants se déroule devant une assemblée de militaire plus anciens, non avares de commentaires.
Que ce rapport soit volontaire ou  pas, il n’en reste pas moins un acte barbare, dicté par une tradition néfaste et raciste qui doit être dénoncé.

Tremblez, néophytes !


Dimanche 3 février, 11h30…quelque part au large du Brésil, la Jeanne d’Arc franchit l’équateur avec à son bord, 292 néophytes n’ayant pas encore eu l’honneur de « passer la ligne » sur un bâtiment de la marine. Afin de célébrer l’événement, le bord est exempt de toute activité opérationnelle et invité à prendre part à la fête du passage de la ligne. Il s’agit d’intégrer les néophytes dans le cercle très envié des chevaliers (qui ont déjà franchi l’équateur) et des dignitaires (qui l’ont franchie au moins deux fois).
Costumés et grimés, les néophytes suivent pendant quelques heures un véritable parcours initiatique inscrit dans les traditions de la marine nationale : on ne franchit pas impunément les limites du domaine de Neptune ! Accompagné de sa compagne Amphitrite, du commandant et des dignitaires participant à la cérémonie – pilote, astronome, évêque, juges et greffier – , le dieu des mers a présidé à la cérémonie du passage de la ligne. Au cours de celle-ci, chaque néophyte comparaît devant le tribunal équatorial et franchit divers ateliers à thème pour enfin terminer dans la piscine installée pour l’occasion sur le pont d’envol. Humour bon enfant, renversement des rôles et barbouillages en tous genres ponctuent l’après-midi sous un soleil équatorial toujours au rendez-vous.

La cérémonie du passage de la ligne est un événement profondément ancré dans les traditions de la marine ;

sans remonter jusqu’aux sacrifices offerts aux divinités grecques par les navigateurs de l’Antiquité lorsqu’ils s’aventuraient sur des mers inconnues, c’est au milieu du XVIème siècle que les explorateurs portugais commencèrent à fêter le franchissement de l’équateur, synonyme de victoire sur l’océan et de découverte de terres inconnues.
A bord de la Jeanne d’Arc, la fête du franchissement de l’équateur est l’occasion de briser la hiérarchie habituelle le temps d’une journée ; ce ne sont plus les galons qui s’imposent, mais plutôt l’expérience de chacun en matière de navigation. Cette journée devrait en tout cas laisser un souvenir impérissable à tous les ex-néophytes devenus chevaliers !

Source : site du ministère de la Défense

http://jdb.marine.defense.gouv.fr/post/2008/02/08/Tremblez-neophytes

« La cérémonie du passage de la ligne est un événement profondément ancré dans les traditions de la marine »
Le site institutionnel de la Marine Nationale revendique cette tradition « profondément ancrée »…
presque aussi profondément que peut l’être la convocation dans l’anus du facteur.
Cette dernière phrase peut paraître vulgaire, c’est cependant une épreuve du néophyte, pour que vous la compreniez je vais vous l’expliquer.
A la veille de la cérémonie, chaque néophyte doit aller retirer sa convocation chez le facteur.
La convocation est glissée entre les…

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