En tant que Président des officiers dans un régiment depuis maintenant 2 ans, je suis très régulièrement sollicité, comme d’autres de mes pairs, pour assister aux exposés organisés par les grands interlocuteurs « Ressources Humaines » de l’Armée de terre.
Ces séminaires de la Direction du Personnel Militaire de l’armée de terre (DPMAT), de la Région Terre (RT) ou du Bureau Politique des Ressources Humaines de l’Armée de terre (BPRH) ont pour but de montrer à chacun, les modifications et les avancées des règles de gestion des officiers de l’armée de terre.
Aussi, j’observe de manière impuissante à ce qui s’appelle un scandale en ce qui concerne l’évolution des textes relatifs à la gestion du corps des officiers des armes.
En effet, en invoquant systématiquement « la prise en compte inévitable » du nouveau statut général des militaires (SGM) le Bureau Politique des Ressources Humaines (BPRH) de l’armée de Terre élabore des textes tout particulièrement favorables aux officiers issus de Saint-Cyr et cela sans qu’aucune voix ne s’élève au sein de la hiérarchie militaire.
Ayant assisté à plusieurs présentations du BPRH, j’ai obtenu un aperçu des décrets en préparation qui devraient entrer en vigueur en janvier 2009.
En effet, dès 2009, les nouveaux textes préparés devraient instaurer 3 principes :
- Lisibilité;
- Attractivité;
- Différenciation.
A partir de ces nouveaux principes le BPRH explique, tableaux de démonstration à l’appui, que la mise en place d’un allongement des créneaux d’avancement autorisera une véritable différenciation.
En réalité, cette « différenciation » instaurée par décret permettra un avancement exclusivement en fonction de l’origine de recrutement. C’est d’ailleurs ce que montre clairement un des tableaux explicatifs donnés par le BPRH.
Le BPRH cherche, sans ambages, à instaurer la « prédestination » comme principe de gestion des officiers des armes en favorisant tout particulièrement les officiers de recrutement direct.
En effet, le BPRH écrit noir sur blanc :
- Les officiers de recrutement direct ont vocation à accéder au grade de colonel….et pour les meilleurs, à accéder au généralat.
- Les officiers de recrutement semi-direct, ont vocation à accéder au grade de lieutenant-colonel. Les officiers de recrutement semi-direct brevetés…ont vocation à accéder au grade de colonel, exceptionnellement, à accéder au généralat.
- Les officiers de recrutement semi-direct tardif ont vocation à accéder au grade de capitaine. Les officiers de recrutement semi-direct tardif, diplômés, ont vocation à accéder au grade de commandant…, exceptionnellement, à accéder au grade de lieutenant-colonel.
Alors, en termes de lisibilité il est clair qu’on ne peut pas faire mieux. Dès le départ de la carrière, l’officier en fonction de son statut d’origine, saura ce qui lui sera acquis, imposé ou limité, ce qui éliminera toute concurrence entre les différentes origines de recrutement.
Si les décrets habilement proposés par le BPRH sont adoptés, il est à craindre une grande démotivation chez les officiers issus des recrutements les moins « nobles », les recrutements du « semi direct » (EMIA et OAEA) puisque le travail et le mérite ne seront plus récompensés et que l’avancement continuera de se faire au sein de chaque recrutement mais de manière encore plus marquée que par le passé. Ces nouvelles règles produiront à long terme des effets pervers : pourquoi celui qui a vocation à stagner chercherait à donner le meilleur de lui-même ? A l’inverse, pourquoi celui qui a vocation à progresser chercherait-il à prouver ses compétences ?
Il est vrai aussi que ces décrets permettront aux officiers issus de Saint-Cyr de ne subir aucune concurrence et donc se voir offrir dès les premiers mois de recrutement une carrière lisible, attractive et très différenciée.
Dans la société civile et avec l’impulsion du Président de la République, qui est aussi le chef des armées, on propose à chacun de « travailler plus pour gagner plus ». Dans l’armée de terre on instaure une véritable « prédestination » afin de permettre à quelques uns de « monter plus sans en faire plus ».
Il reste à souhaiter que la Haute Autorité contre les Discriminations et pour l’Egalité (La HALDE) s’empare rapidement de ce sujet.
Président des officiers en colère