Mise au point passionnée après la projection en avant-première de « L’ordre et la morale »:L’ancien du GIGN Alain Guilloteau donne l’assaut au film de Kassowitz (Par Philippe BOUVIER) (1)

Lundi soir, un spectateur tout particulièrement concerné assistait à l’avant première de l’ordre et la morale, le film de Mathieu Kassowitz au cinéma Majestic de Compiègne. Ancien membre du GIGN, Alain Guilloteau, aujourd’hui responsable du Pôle événementiel à la mairie de Compiègne, a été lui-même retenu en otage dans la grotte d’Ouvéa en mai 1988. Et c’est peu dire qu’il n’apprécie pas cette façon de réécrire l’histoire pour en faire la légende du capitaine Legorjus, l’ancien patron du GIGN incarné à l’écran par Kassowitz lui-même. L’ordre et la morale montre des militaires sans conscience, des scènes de barbarie invraisemblables, ,des politiques cyniques, et au milieu de tout ça, un Legorjus aux contours mal définis que l’on voit partir en sucettes sentimentale au fur et à mesure qu’approche le moment de l’assaut.

« Ce n’est pas un témoignage historique, constate Alain Guilloteau. Plutôt une fictionmilitante à la gloire de la cause indépendantiste. Si Kassowitz avait voulu faire un document honnête, il aurait entendu toutes les parties, crosé les points de vue. Là, c’est plein de conneries. »

Un an plus tôt, averti de ce projet de film, Alain Guilloteau avait bien adressé un mail au réalisateur pour lui proposer ses conseils. « Mais la production ne m’a jamais contacté. Quant à Michel Lefèvre, qui a conduit l’assaut final à la tête du GIGN, il a rencontré les auteurs du film pendant une heure. Ils n’ont rien retenu de tout ce qu’il leur a dit. »

LE CAPITAINE LEGORJUS

Alain Guilloteau concentre son tir sur son ancien chef. « Un type ambigu, Legorjus, avec un ego surdimensionné, capable de changer d’avis plusieurs fois dans la journée. On ne sait pas qui est le vrai Legorjus. Enfin si : un ancien soixante-huitard qui avait fait partie d’un groupe marxiste. Une erreur de casting. »

« Pendant la crise d’Ouvéa, poursuit l’ancien du GIGN, il jouait sur tous les tableaux. Il rendait des comptes à Bernard Pons, le ministre de l’outremer, et en même temps il rendait des comptes à Mitterrand par l’intermédiaire de Christian Prouteau. En fait, il espérait récupérer le poste de ce dernier, en délicatesse après l’affaire des irlandais de Vincennes. »

SES HAUTS-FAITS

« Je peux vous dire qu’après sa libération, Legorjus n’est jamais revenu dans la grotte, contrairement à ce que l’on voit dans le film. Quant à l’assaut final, il a été entièrement mené par le GIGN. Et c’est Michel Lefèvre, le vrai héros qui a conduit l’opération. Legorjus, il était sous sa douche à Saint-Joseph à l’heure de l’assaut. Il a trahi Alphonse Dianou, il a trahi le peuple kanak, il a trahi ses hommes…

Au retour à Satory, lors du débriefing, tout le monde a quitté la salle au bout de dix minutes en signe de désapprobation. A partir de là, il est clair qu’il ne pouvait plus diriger le groupe. »

LES KANAKS

« Quand on dit que les indépendantistes étaient des papas qui ne voulaient pas ça, c’est une absurdité. Quinze jours avant la crise, Yemeiné Yemeiné et Jean-Marie Djibaou avaientpris des billets d’avion pour venir en repérage sur Ouvéa.

« Une fiction militante à la gloire de la cause indépendantiste »

« Autre chose : le film présente les quatre morts de la gendarmerie de Fayaoué comme les conséquences de la panique. Mais le père de notre collègue Eric Moulier, tué par les indépendantistes lors de l’attaque a été abattu d’une balle tirée à bout portant derrière la tête. Et ça, c’est le rapport d’autopsie rédigé par les médecins australiens qui le dit ! Eric le leur a rappelé, lors de l’avant-première du film à Nantes.

Les indépendantistes n’étaient pas les pêcheurs, les gens pacifiques qu’on veut bien nous présenter. C’étaient des hommes formés au combat qui avaient fait de la grotte une citadelle imprenable. Et Alphonse nous avait déclaré qu’ils allaient tuer tous les otages et se battre jusqu’au dernier.

Quand nous sommes sortis de la grotte, je suis formel, je n’ai pas entendu un seul tir. Il est impossible qu’il y ait eu des exécutions sommaires après l’assaut. Et puis qu’un preneur d’otages soit mort d’une balle dans la tête cela ne veut rien dire si elle a été tirée à 45 mètres. Après tout, Pedrazza, du 11ème CHOC est bien mort lui aussi d’une balle en pleine tête…

En revanche, c’est sur que la façon dont on a laissé mourir Alphonse Dianou, c’est une honte pour la gendarmerie.

La thèse soutenue par Kassowitz, des gentils kanaks aspirant à négocier une sortie pacifique, sacrifiés sur l’autel des calculs électoraux de Pons et Chirac, il n’y a que Legorjus qui a cette version des faits. J’ai essayé d’en parler avec Kassowitz en laissant des messages sur le mur de sa page Facebook : ils étaient supprimés le jour même.

Si Mitterrand a autorisé l’assaut, c’est à la suite d’une note manuscrite que lui avait adressée Legorjus. Il est dit dans le film « Le mensonge tue ». Si l’imposture et l’affabulation tuaient, Legorjus ne serait plus de ce monde… »

(1) Article paru dans le journal « Oise Hebdo » n° 924 du mercredi 16 novembre 2011 et reproduit sur le site de l’Adefdromil avec l’aimable autorisation du Directeur et journaliste Philippe BOUVIER que nous remercions.

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Ses souvenirs du caillou

Alain Guilloteau est revenu volontiers sur ses souvenirs d’Ouvéa. « Les gendarmes mobiles qui se laissaient mourir, persuadés qu’ils allaient tous y passer, ont repris espoir en voyant que des hommes du GIGN étaient pris en otage. Ils se sont dit : « ils seront tués avant nous ».

Les mobiles étaient mieux traités que nous. Ils mangeaient bien, ils dormaient dans le cratère à l’extérieur de la grotte, avec les kanaks. Nous, nous étions au fond de la grotte, allongés dans les excréments. On rzationait l’eau donc on pissait peu, dans des bouteilles. C’était couleur thé qui a infusé une journée entière. Quand j’ouvrais ma combinaison, ça sentait le rat mort !

Le plus dur, c’est que nous étions menottés en permanence, deux par deux. »

A la veille de l’assaut, le substitut Bianconi fait passer aux otages deux pistolets Smith&Wesson, calibre 38 special qu’il ramène dans son slip. « Des armes peu précises, beaucoup plus petites que dans le film. Quand on a appris que l’assaut serait repoussé de 24 heures, cela a été très dur. Ils auraient pu avoir le temps de découvrir nos armes.

Juste avant l’assaut, les mobiles étaient descendus se mettre à l’abri dans la seconde salle, à part un, atteint du syndrome de Stockholm qui était resté à l’extérieur et désignait les objectifs aux kanaks. Quand l’opération Victor a été déclenchée, trois des preneurs d’otages ont essayé de descendre dans la grotte. Nous avons ouvert le feu. Ils ont battu en retraite en disant : Merde ! ils sont armés… » « On les a eus au bluff. Il nous restait à peine trois balles dans chaque pistolet pour tenir face des armes de guerre ! »

« Après notre libération, les otages du GIGN sont ramenés au club Med. A notre arrivée, des types nous attendaient avec la musique et les colliers de fleurs. Pas moyen de dîner : le restaurant était fermé. Restait la discothèque où j’ai pu manger un croque-monsieur. Et le lendemain on s’envolait pour la métropole. 30 heures de vol. Legorjus a reçu ses galons de commandant. Et je suis rentré chez moi. »

Philippe BOUVIER.

La prise d’otage de la grotte d’Ouvéa

Entre les deux tours des élections présidentielles opposant Mitterrand et Chirac, le vendredi 22 avril 1988 au matin, des indépendantistes kanaks, membres du FLNKS, investissent la gendarmerie de Fayaoué, au sud de l’île d’Ouvéa.

L’attaque dégénère. Quatre gendarmes sont tués et les 27 survivants sont pris en otages et séparés en deux groupes. Le premier groupe est emmené dans le sud de l’île, à Mouli, où les militaires sont libérés trois jours plus tard à la demande des vieux et des coutumiers.

Il en va tout autrement du deuxième groupe, retenu prisonnier au Nord de l’île dans la grotte d’Ouvéa, près de la tribu de  Gossanah.

Paris envoie sur place des troupes d’élite sous le commandement du général Vidal : le GIGN, l’EPIGN, le 11ème CHOC dépendant des services secrets et le commando Hubert.

La grotte est finalement repérée le 27 avril. Le même jour, le capitaine Legorjus commandant le GIGN, cinq de ses hommes et le substitut du procureur de Nouméa, Jean Bianconi sont à leur tour pris en otage.

Legorjus et Bianconi sont libérés le lendemain afin de servir de médiateurs.

Les autres otages seront libérés par la force le 5 mai 1988 lors de l’opération « Victor ». Au cours de l’assaut, 19 des preneurs d’otages et deux militaires sont tués. Tous les otages sont sains et saufs.

Des accusations ont été portées contre les militaires, faisant état d’exécutions sommaires à l’issue de l’opération. Suite à une enquête de commandement, Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense du gouvernement Rocard concluait à l’absence d’exécutions sommaires, constatant toutefois des actes contraires au devoir militaire, en particulier la façon dont les militaires avaient laissé mourir le chef des preneurs d’otage Alphonse Dianou.

Philippe BOUVIER

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Cette publication a un commentaire

  1. tartenpion

    Les héros sont nos gendarmes et les hommes du 11°choc qui ont fait leur devoir ,rendons hommage à nos camarades morts et blessés dans l’accomplissement du devoir ,les armes à la main , au service de la mère patrie .

    Les spécialistes en raccourcis historiques du marigot politico-journalistique parisien auraient été éclairés de se pencher sur les nombreuses incohérences historiques sur fond de manipulations lors de la sortie du film indigène dont se gargarisa des semaines durant toute la classe politique à l’exception peut-être du front national !!!

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