Vous êtes harcèlé ? Prouvez-le !(Par Maître Myriam LAGUILLON)

Mes clients le savent bien car je ne cesse de leur répéter:

 » Sans preuve pas de droit »

Ce postulat de départ vaut pour tous les contentieux et plus encore en matière de harcèlement moral.

En effet, dans ce type de litige, la question de la preuve des actes est délicate et centrale, car d’une part, ces actes sont perçus avec une forte part de subjectivité et d’autre part, la preuve s’avère difficile à rapporter.

Rappelons que depuis la loi du 3 janvier 2003, vous DEVEZ établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et non plus seulement présenter des éléments de fait.

En revanche, dés que vous produisez aux débats des pièces pouvant laisser présumer un harcèlement moral, il appartient à l’employeur de prouver que le harcèlement n’est pas constitué.

Exemples d’élements jugés suffisants:

La Cour de cassation a estimé, par exemple, que constituent des éléments faisant présumer un harcèlement moral le fait, pour un employeur, dans un climat de relations tendues entre la direction et plusieurs cadres, d’envisager de retirer des tâches à l’un de ces salariés et de lui rechercher un remplaçant par voie d’annonce.

Ou encore:

* des relations tendues entre la direction et plusieurs cadres, un retrait de tâche éventuel ainsi que l’expression par la direction de sa volonté de voir démissionner le salarié;

* une baisse de la notation relativement à la méthode de travail et à l’esprit d’équipe, l’employeur préférant demander à d’autres qu’au salarié d’exécuter les tâches qui lui incombent ; un blâme reçu par le salarié pour avoir formulé des critiques et des accusations graves contre l’encadrement;

* la tentative de mise en cause du salarié pour vol ; la convocation au commissariat pour une prétendue falsification des congés payés ; une vive altercation avec dépôt de plainte contre l’employeur ; des demandes de planning au salarié en termes comminatoires ; la procédure de licenciement disciplinaire pendante;

* le fait pour un employeur d’avoir adressé au salarié un propos blessant, de l’avoir laissé sans activité pendant plusieurs mois, d’avoir engagé à son encontre une procédure de licenciement par la suite abandonnée devant le refus de l’administration d’accorder son autorisation;

* le fait pour un employeur d’avoir adressé à une salariée 3 lettres contenant des observations partiellement injustifiées, d’avoir engagé une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à laquelle il avait renoncé d’avoir provoqué, dans une période de 3 mois, 3 contrôles médicaux destinés à vérifier si l’état de santé de l’intéressée le justifiait;

* le fait pour un salarié d’avoir subi une diminution importante de ses responsabilités et un déclassement de la part de sa supérieure hiérarchique, l’employeur ayant en outre divulgué des données relevant du secret médical et de l’intimité de la vie privée, cette divulgation n’étant pas justifiée par l’obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu.

Petite observation sur les mails:

Les juges du fond ont légitimement rejeté des débats des courriels électroniques prétendument adressés par le supérieur hiérarchique du salarié à divers salariés de l’entreprise, estimant que l’intéressé ne justifiait pas des conditions dans lesquelles il les avait obtenus, que ces documents n’apparaissaient pas dans la boîte mail du supérieur hiérarchique et qu’il était possible de « modifier un mail existant ou de créer de toutes pièces un mail anti-daté ». Ces courriels, dont l’authenticité n’était pas avérée, n’étaient dès lors pas probants.

Controle exercé par la Cour de cassation:

La Cour de cassation veille à ce que les Cours d’appel recherchent rigoureusement, si les faits établis sont ou non de nature à faire présumer un harcèlement moral. Si les juges du fond n’effectuent pas ce contrôle approfondi, elle infirme leur décision.

Dans deux arrêts majeurs du 25 janvier 2011 la Haute cour s’est prononcée sur le régime probatoire en matière de harcèlement en exigeant de l’employeur qu’il apporte une preuve négative:

« que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

Ce que vous devez faire:

1/ Etablir des faits « précis et concordants » permettant de présumer l’existence du harcèlement.

Ainsi, si l’on reprend la définition du harcèlement moral, vous devez établir la preuve d’agissements ayant pour objet ou effet une dégradation de vos conditions de travail, susceptible de porter atteinte à vos droits ou à votre dignité, d’altérer votre santé physique ou mentale ou de compromettre votre avenir professionnel.

Même si vous n’avez pas à prouver que ces faits sont constitutifs de harcèlement, ces derniers devront permettre de « dégager une atmosphère » dont le juge tirera une présomption.

2/ Etablir la matérialité de ces faits

C’est à dire apporter les preuves concrétes de la réalité de ces faits concordants.

3/ Rappeler au juge

Qu’il doit IMPERATIVEMENT prendre en compte l’ensemble de ces éléments et qu’en conséquence il ne peut en écarter aucun.

Il doit dire si l’ensemble de ces faits laisse présumer un harcèlement moral.

S’il conclue qu’il n’y a pas de présomption, vous perdez.

Dans le cas contraire,….

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MAÎTRE LAGUILLON

Avocat au Barreau de BORDEAUX

21, rue du Commandant Arnould 33300 Bordeaux

Fax: 05 56 81 06 82

NB) Le présent article est reproduit sur le site de l’Adefdromil avec l’autorisation de Maître LAGUILLON que nous remercions.

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