HALTE AU MANAGEMENT COMPASSIONNEL DE L’ARMEE FRANCAISE

Après avoir traité d’amateurs les paras et les militaires de l’armée française -c’était le 30 juin-il a fallu treize jours au chef des armées pour faire acte de contrition par un message du 13 juillet dans lequel il leur exprimait « toute son estime et son amitié ». Le lendemain après un défilé impeccable devant de nombreux chefs d’état et de gouvernement, il déclarait être « fier d’eux ».

Il est vrai qu’il fallait calmer les rancœurs des troupes vilipendées et auxquelles on impose un plan de restructuration drastique, dont les effets réels ne vont se faire sentir que dans les mois à venir.

Il faut croire que le « château » alerté par les notes des états-majors, de la direction de la protection et de la sécurité de la défense et surtout par celles des services de police craint toujours un beau clash qui rendrait publique la haute estime dans laquelle beaucoup de militaires en activité et en retraite le tienne désormais.

A cet égard, personne ne contredira que l’expérience militaire de Nicolas Sarkozy, ex gondolier de couloir de l’état-major de l’armée de l’air à BALARD en 1979, ne l’a pas vraiment préparé à tenir la fonction de chef suprême des armées. Son style de commandement alterne donc entre le coup de gueule du sous-lieutenant et la compassion paternaliste d’un maréchal de France.

L’épisode afghan est tombé à pic pour lui permettre de tenter de se rabibocher avec son armée sur ce mode compassionnel qu’il maîtrise si bien. Politiquement, il est toujours bon de faire pleurer Margot et en l’occurrence les familles de ceux qui sont morts au combat.

Depuis la terrible embuscade d’Uzbin, le président ne quitte plus ses paras. Car, derrière son rôle de chef des armées meurtries par la perte douloureuse de dix jeunes hommes, il y a surtout le malentendu profond, pour ne pas dire le malaise qui s’est établi entre lui et ses troupes et qu’il s’efforce de dissiper à chaque occasion.

Certains ont critiqué, non sans raisons, la précipitation avec laquelle il s’est rendu à Kaboul au risque d’envoyer un très mauvais message aux talibans. Si les chefs d’état ou de gouvernement des pays de la coalition qui endurent le plus de pertes – Etats-Unis, Royaume Uni, Canada- se rendaient à Kaboul aussi promptement que Nicolas Sarkozy, ce serait un ballet perpétuel chez Amid Karzaï. Toutefois, on peut comprendre que le président ait voulu rendre l’hommage de la nation aux soldats morts pour la France. Ils le méritent.

Il a ensuite logiquement présidé la très belle cérémonie des Invalides où il a remis la croix de chevalier de la Légion d’honneur à ceux qui sont tombés. Depuis l’automne 2007, il semble bien que des consignes aient été données à la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur pour que, désormais, les non-officiers soient traités sur un plan d’égalité avec les officiers face à la mort en service ou au combat. Le « château » n’a fait ainsi que suivre les revendications de l’ADEFDROMIL, comme le laisse entendre un courrier d’un officier de l’état-major particulier adressé à notre association le 25 septembre 2007.

Enfin, il s’est rendu le 26 août à Castres pour en remettre une couche. Certes, le chef des armées est chez lui dans n’importe quelle caserne de France. Mais là encore tant de compassion voire de complaisance laisse à penser qu’on craint en haut lieu des réactions individuelles ou collectives et que les circonstances de l’embuscade n’ont pas toutes été livrées au public. D’ailleurs, les blessés ont reçu des consignes de discrétion à l’égard des médias.

A cet égard, il faut féliciter le courage de Jean Dominique MERCHET, journaliste accrédité à LIBERATION qui a rapporté l’information sur son blog Secret Défense.

Le doute est désormais légitime : y a-t-il eu des prisonniers et si oui dans quelles circonstances ont-ils été assassinés ? C’est une question de transparence expressément promise par le chef des armées aux familles et que l’ADEFDROMIL n’a pas manqué de poser dans son communiqué au moment où tout le monde, médias compris, gobait le beau scénario présenté par le ministre dans sa conférence de presse.

Dans le même temps, on a appris que les familles pourraient se  rendre à KABOUL voire sur les lieux de l’embuscade fatale. On croit rêver ! Verra t-on un jour les avocats et les huissiers déboulés sur le champ de bataille pour tenter de déterminer si les bonnes décisions ont été prises et s’il n’y a pas une faute de « l’administration » susceptible d’entraîner sa responsabilité dans le décès de ses agents ? Même les Américains n’en sont pas encore là.

Il est vrai que pour le ministre de la défense, chef du ministère et d’écurie, il n’y pas de guerre en Afghanistan ! Tout au plus des opérations de maintien de l’ordre comme en Algérie ? De la négation de l’évidence de la guerre à l’omission de certaines circonstances de l’embuscade, il n’y a qu’un pas, qui ne serait qu’un faux pas supplémentaire pour Hervé MORIN.

On va donc emmener des civils sur un  théâtre d’opérations. Quel sera leur statut juridique : touristes invités par le ministère de la défense, collaborateurs du service public, etc ? Seront-ils couverts par l’Etat en cas de blessures ou de décès ? Leur conseillera t-on de souscrire une bonne assurance décès avant de partir ? Bref, tout cela n’est pas sérieux et procède d’un management compassionnel qui décrédibilise notre armée et la France et envoie un très mauvais message aussi bien à nos adversaires qu’à nos alliés. Que les familles puissent se rendre en Afghanistan avec l’aide de l’Etat, une fois la paix civile revenue, nous semble légitime. En revanche, les autoriser à s’y rendre dans les circonstances actuelles relève de la mascarade.

Par chance pour le gouvernement et le chef des armées, il n’y a pas parmi les victimes de l’embuscade d’Uzbin de militaires pacsés depuis moins de trois ans. En effet, à ce jour, leurs ayants-droits n’auraient pu bénéficier des allocations prévues par le fonds de prévoyance militaire.

La requête de l’ADEFDROMIL pour faire annuler cette disposition aberrante et illégale, mais approuvée naïvement par le CSFM (conseil supérieur de la fonction militaire) va être examinée à l’audience du Conseil d’Etat le 3 septembre prochain. Espérons que les sages du Palais Royal auront suivi l’actualité et rejetteront les arguments entêtés du ministre que nous ne manquerons pas de publier le moment venu… pour en rire ou en pleurer.

                                                                            Jacques BESSY, Vice Président de l’ADEFDROMIL

 

 

Cette publication a un commentaire

  1. Papyves

    J’approuve l’essentiel de votre article sur ce management compassionnel d’un événement prévisible (la mort de soldats au combat) même si 10 d’un coup est une douche froide et un réveil brutal pour les Français.
    Le PR qui est un impulsif et se contrôle rarement (excepté lors du débat avec Ségolène Royal) a immédiatement traité les militaires d’amateurs après la bavure de Carcassonne. Il y avait erreur grave mais ce n’est pas une raison pour faire un amalgame. Je crois qu’il a heurté beaucoup de militaires ce jour-là, même ceux qui avaient voté pour lui. Il n’a jamais porté l’armée dans son cœur et cela se comprend de la part d’un homme qui n’a que 10 mois de Travaux d’Intérêt Général à Balard à se reprocher.
    Mais il est coutumier d’un comportement outrancier, bien éloigné de ce qu’on attend d’un PR en exercice : les « descend, si t’es un homme » ou « casse toi, pauv’ con » devant les caméras (il sait qu’elles sont présentes) sont indignes de la fonction.
    Aujourd’hui, il essaye de se rattraper envers les militaires et en fait même trop.
    On est sur le même registre que la repentance envers les crimes (d’un seul bord ?) commis en Algérie ou ailleurs. Pourquoi faut-il que la France s’agenouille systématiquement devant le politiquement correct et la pensée unique ? Je dis qu’il y a eu des aspects positifs à la colonisation.
    Concernant l’embuscade, la communication officielle est désastreuse et floue. Pourquoi ne pas dire d’emblée ce qui s’est réellement passé, même si c’est dur à entendre pour les familles ? Un jour, la vérité ressort. La conférence de presse du Général Puga est arrivée bien tardivement. La preuve, aujourd’hui même, on apprend qu’un soldat a bien été exécuté à l’arme blanche. Ne pas l’avoir dit aussitôt laisse à penser qu’on a camouflé d’autres faits. Donc on se décrédibilise au lieu de protéger les proches qui, au contraire, veulent savoir toute la vérité, même atroce.
    Ma crainte est de voir maintenant l’exécutif s’impliquer directement dans la gestion et le commandement des opérations tactiques de terrain. Ce qui engendrerait une démotivation des chefs de contact, et des délais de réaction très dangereux.
    Le comble est d’envoyer les familles sur place. Je suis d’accord avec ce que vous dites à ce sujet.
    Les Talibans savent désormais que la France n’est pas prête à accepter d’autres morts et ils vont donc faire leur effort sur ce maillon faible.

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