Qui veut la peau du Colonel ? ou la fin de carrière brisée du Colonel de gendarmerie Jean Michel Méchain.

Jean Michel Méchain publie le 13 octobre 2011 aux éditions de La Table Ronde ses mémoires sous le titre : Qui veut la peau du Colonel ?

Il nous a fait l’amitié de nous adresser un exemplaire des épreuves non corrigées de l’ouvrage cosigné avec Hervé Prudon.

Son livre retrace de manière intimiste sa carrière et détaille sa mission au Kosovo qui est à l’origine de sa fin de carrière brisée.

La lecture en est agréable et à travers un récit non chronologique, on découvre la riche personnalité de l’auteur illustrée entre autres par ses poèmes, sa foi, son engagement inlassable au service de l’institution, qui, le moment venu, lui manifestera ingratitude, mépris et oubli.

Jean Michel Méchain est un officier de classe exceptionnelle. Je peux l’attester. Mais, il est pire qu’un idéaliste, c’est un romantique ! En 1914, il serait mort pour la France en montant à l’assaut en casoar et gants blancs. Aujourd’hui, il nous conte par le menu son passage à la DGGN à travers des portraits d’apparatchiks, de courtisans, de plumitifs qui donnent à réfléchir sur la manière, dont la maison est gérée. Il détaille son engagement pour une meilleure gestion des ressources humaines, en vain, car les chefs détiennent la vérité, le plus souvent, celle qui mène droit au précipice.

Au Kosovo, l’homme d’action cultivé découvre la passion du renseignement, la plénitude de la réussite dans les rapports humains entretenus avec les différentes parties en conflit. Son travail est unanimement apprécié et reconnu. Mais il est peu connu de la direction générale.

Il ne cache rien non plus de son amour fou et destructeur pour la belle Française polyglotte d’origine albanaise, Luljana, qui lui sert d’interprète. Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! Et la beauté et la puissance de cet amour le lavent de tout péché.

Mais sa relation privilégiée avec la représentation de l’ONU, sa profonde connaissance de la société du Kosovo dérangent le nouveau général représentant de la France. Alors, on met tout en œuvre pour qu’il ne revienne pas. Il part fin janvier 2000 avec un aller simple. Il en a gros sur le cœur.

Le 25 février 2000, Le Point publie un article qui souligne les divergences de vue entre le représentant de l’ONU au Kossovo, Bernard Kouchner, et le général, représentant de la France.

On soupçonne Méchain d’être à l’origine des fuites. La machine est alors lancée : filature et agression par les nervis de la DPSD, véritable STASI de la république bananière franchouillarde, trahison par un camarade de promotion qui fera une « belle carrière », arrestation par la DST (c’est le minimum, car la sécurité nationale est menacée !), inculpation par un juge anti-terroriste (Méchain, véritable Carlos des Balkans, terrorisait l’armée française restée au Kosovo ! De quoi pleurer de rire, s’il ne s’agissait de l’honneur et de la carrière d’un homme et d’un officier) et enfin  incarcération de trois jours à la Santé par un juge clairvoyant. Difficile de faire mieux dans le genre descente aux enfers !

La suite est d’une affligeante banalité gendarmesque : malheur à celui par qui le scandale arrive. Dans la Gendarmerie, on aime bien enfoncer les copains surtout quand ils sortent du lot.

J’ai rencontré Jean Michel Méchain dans l’Isère au début des années 80. Il avait déjà une classe naturelle  et formait un couple idéal avec son épouse.

Je l’ai ensuite croisé à diverses reprises et revu avec plaisir en 1993 alors qu’officier professeur à l’Ecole Militaire, je quittais, à ma demande et sans regrets, l’institution et qu’il venait d’arriver comme stagiaire.

En 2000,  alors directeur de la propriété intellectuelle d’un grand groupe, je lui ai adressé, via son avocat, un message de soutien pendant son incarcération. Nous avons déjeuné ensemble quelques semaines plus tard. Il savait qu’il pataugeait dans la fange, mais il voulait encore y croire. Et je regrette vivement de ne pas l’avoir convaincu de quitter la Gendarmerie, qui, en dépit du non-lieu, dont il a bénéficié par la suite, s’est toujours refusée à réparer son préjudice de carrière.

Malgré tout, il reste parfaitement lucide et il suffit de le citer en guise de conclusion :

« Conformément à leur statut, les militaires abandonnent leur droit d’expression et se reconnaissent un seul devoir : l’obéissance. La machine censée prendre soin de leurs intérêts ne les défend pas. Pire, elle est à la fois juge et partie. Utilisant tous ses moyens et réseaux, elle se transforme en adversaire pour les écraser. Ce déséquilibre inacceptable ne peut conduire qu’à une impasse et à la rébellion.

Cela en dit long sur l’urgente nécessité de mettre en place des syndicats dans les armées professionnelles. »

Fermez le ban !

Jacques BESSY

25/09/2011

Cette publication a un commentaire

  1. arthus

    excellent article sur cet officier et ses déboires.J’ose espérer que cela va faire du bruit dans les chaumiéres………………………………..
    Lt Cl (R) mechain jean claude

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