Extrait Compte rendu intégral deuxième séance à l’Assemblée nationale du mercredi 13 juillet 2011

Attentat en Afghanistan

M. le président. Mes chers collègues, je viens d’apprendre le décès de cinq de nos soldats dans un attentat-suicide barbare perpétré en Afghanistan.

Je donne la parole à M. le Premier ministre.

(Mmes et MM. les membres du Gouvernement et Mmes et MM. les députés se lèvent.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c’est dans la matinée que nous avons appris la mort, en Afghanistan, de cinq de nos soldats et d’un civil afghan ; quatre autres militaires français et trois civils afghans ont également été blessés.

Ce drame est survenu près de Tagab, un des principaux villages de la zone française de Kapissa. Il s’agirait d’un attentat-suicide pendant une choura, c’est-à-dire une réunion des autorités de village, à laquelle participaient des militaires français.

Les familles des victimes sont en train d’être informées, et c’est d’abord vers elles que je tourne mes pensées fraternelles. Je leur adresse, au nom du Gouvernement et en votre nom, un message de solidarité et d’affection.

Je pense à nos hommes tués en accomplissant leur mission. Ce sont des combattants mais leur tâche est aussi de reconstruire, de sécuriser, de soigner. Leur cause est juste car l’Afghanistan de 2012 n’est plus le sanctuaire du terrorisme international et n’est plus gouverné par le fanatisme. Leur courage est grand et leur professionnalisme est reconnu ; c’est pourquoi leurs adversaires usent des méthodes les plus lâches.

Malgré les coups durs, la volonté de servir de nos soldats est toujours intacte. Le Président de la République était hier en Afghanistan pour témoigner à nos forces du soutien de la nation et pour indiquer qu’en 2014, à l’issue du processus de transition, il appartiendrait aux autorités afghanes de prendre pleinement en main leur destin.

Aujourd’hui, la nation rend hommage à ces hommes qui, en son nom, servaient l’idéal de la paix et de la sécurité contre le terrorisme.

M. le président. À leurs familles, à leurs proches et à leurs camarades, j’adresse, au nom de l’Assemblée, l’hommage et la gratitude de la représentation nationale.

Une nouvelle fois, l’Assemblée rend hommage à nos soldats morts dans l’accomplissement de leur devoir. Nos armées payent un lourd tribut à la lutte pour la liberté contre le terrorisme, puisque soixante-neuf de nos militaires sont morts à ce jour, tombés en Afghanistan.

Je vous invite à observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les membres du Gouvernement et Mmes et MM. les députés observent une minute de silence.)

Visite de Nicolas Sarkozy en Afghanistan

M. le président. La parole est à Françoise Hostalier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire

Mme Françoise Hostalier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.

C’est avec une profonde tristesse et beaucoup d’émotion, sentiment partagé, j’en suis sûr, par tous les députés, que je vous interroge, monsieur le ministre, sur la situation de nos forces en Afghanistan. Le Président de la République rentre d’un déplacement dans ce pays, au cours duquel il a pu mesurer les progrès importants qui ont été réalisés depuis l’intervention des forces de la coalition, mais aussi la réalité d’une situation où tout peut encore basculer d’un moment à l’autre. L’attentat contre l’hôtel Intercontinental il y a quinze jours, l’assassinat du frère Karzaï hier, la mort de cinq militaires français aujourd’hui, sans oublier les quatre blessés et les victimes afghanes, prouvent que la situation reste très complexe.

Je rentre moi-même d’une mission dans ce pays – que je commence à bien connaître – et malgré l’actualité dramatique de ce matin, je peux témoigner des efforts accomplis par la communauté internationale et surtout par le peuple afghan lui-même pour sortir du chaos de trente-deux ans de guerre. Je veux souligner ici le courage, le professionnalisme et la notoriété de nos forces sur le terrain.

Au-delà du travail particulièrement remarquable des militaires français dans la zone de Surobi et celle, très dangereuse, de Kapissa, il faut souligner la contribution essentielle de la France dans le domaine de la formation des forces de police et des militaires afghans. Nous sommes engagés dans la formation des officiers de l’armée afghane afin de permettre à celle-ci de prendre le relais en matière de sécurité. Il faut avoir à l’esprit qu’il n’y avait plus aucune structure de défense et de sécurité dans ce pays au moment de l’intervention de la coalition. Il faut du temps pour recréer une armée digne de ce nom, surtout dans un pays où 60 % des hommes sont illettrés. En ce qui concerne la formation des forces de police, nos gendarmes, que j’ai rencontrés sur le terrain, font un travail reconnu et apprécié, à commencer par nos partenaires américains.

Après dix ans de présence militaire et dans le cadre des actions de formation, auxquelles la France prend une part importante, il est temps, comme cela a toujours été convenu, de commencer le travail de transition, le transfert des responsabilités aux forces afghanes.

Aussi, précisez-nous, monsieur le ministre, comment s’effectuera cette transition et quelles mesures seront prises pour montrer au peuple afghan que nous ne l’abandonnerons pas ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Madame Françoise Hostalier, je connais votre attachement à la liberté, à celle des femmes, des femmes afghanes en particulier. En effet, vous faites partie des parlementaires qui se sont impliqués pour connaître la situation de ce pays. À travers votre question et avec votre expérience, vous avez pu évoquer l’évolution sur le terrain, qui permet progressivement de constater l’émergence d’un État de droit et, sur un cheminement qui, hélas ! n’est pas linéaire, une amélioration de la condition des Afghans, y compris des jeunes femmes afghanes qui, désormais, sont scolarisées.

S’agissant de votre question précise sur la situation militaire, permettez-moi d’estimer que l’importance de l’enjeu mérite plus qu’une réponse à une question d’actualité. Nous nous sommes inclinés à juste titre en rendant hommage aux cinq soldats français qui ont perdu la vie ce matin même ; ils appartenaient à une force de 4 000 hommes, dont 2 400 assurent un travail de sécurisation dans les provinces de Surobi et de Kapissa. Le Président de la République a exprimé la volonté de la France de transmettre cette responsabilité progressivement, mais d’une façon déterminée, à l’autorité afghane.

Je suggère qu’un débat soit organisé à l’Assemblée nationale pour que l’importance de l’effort consenti par les forces françaises soit expliquée, commentée et débattue dans des conditions dignes de leur engagement.

À cet instant même, je n’en dirai pas plus car il appartient au chef de corps d’aller dans les familles annoncer la très triste nouvelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Sécurité

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Mme Delphine Batho. Avant de poser ma question, par courtoisie républicaine, permettez-moi d’adresser, au nom du groupe socialiste, nos vœux de prompt rétablissement au ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, c’est le devoir de l’État d’assurer la sécurité des citoyens partout sur le territoire de la République.

La Cour des comptes, juridiction indépendante et collégiale, vient de rendre un rapport sur la sécurité publique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce rapport établit des faits : les violences contre les personnes ont augmenté de 21,2 % depuis 2002. Les effectifs de policiers en sécurité publique ont reculé sur la même période de 5,3 %. Des petites villes tranquilles disposent d’un policier pour 200 habitants quand des banlieues difficiles comptent un policier pour 500 habitants.

La police et la gendarmerie sont pilotées à partir de statistiques discutables avec pour effet pervers de privilégier, par exemple, la lutte contre l’usage de stupéfiants au détriment de la répression des trafics de drogue.

La tâche des policiers – auxquels je veux rendre hommage – n’est pas facilitée par la baisse de 25 % de leur budget de fonctionnement, au point que, comme l’a reconnu le directeur général de la police nationale, « les capacités opérationnelles sont sévèrement compromises ».

Enfin, les effectifs des polices municipales ont augmenté de 35 % en huit ans, c’est-à-dire que des pans entiers de la sécurité de proximité ont été abandonnés par l’État.

M. Frédéric Cuvillier. Très juste !

Mme Delphine Batho. Cet état des lieux accablant est le signe de l’échec de la politique menée depuis 2002. Personne ne s’en réjouit, car nous savons ce que cela signifie comme recul de la République et comme progression des zones de non-droit.

Il y a huit ans, Nicolas Sarkozy avait dit aux Français : « Je veux être jugé sur mes résultats et s’il n’y a pas de recul durable de la délinquance, j’en tirerai toutes les conséquences. »

Monsieur le Premier ministre, quelles conséquences allez-vous tirer du rapport de la Cour des comptes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Madame la députée Batho, vous parlez de faits. Alors que la gauche était aux affaires de 1997 à 2002(Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la délinquance a augmenté de 17 % dans notre pays. C’est une réalité qui a été constatée par un indicateur identique depuis 1972.

M. Jean Glavany. Que faites-vous depuis dix ans ?

M. Philippe Richert, ministre. Mesurée par ce même indicateur depuis 2002, l’action du Gouvernement s’est concrétisée par huit années de baisse consécutives de la délinquance – moins 17 % – alors que la population française augmentait de plus de trois millions d’habitants, soit l’équivalent de la ville de Paris. C’est une autre réalité incontestable.

Dans le même temps, l’action du Gouvernement a permis de faire progresser très fortement les taux d’élucidation dans tous les domaines, au profit des victimes. Et vous le savez. Le taux de crimes et délits élucidés est passé de 26 % en 2002 à plus de 37 % en 2009.

Ces résultats ont plusieurs causes : l’amélioration des services d’enquête ; le renforcement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique, laquelle s’est accrue de plus de 10 % entre 2005 et 2010 ; la refonte de leur organisation, qui a conduit au rapprochement de la police et de la gendarmerie, puis à l’intégration de cette dernière au sein du ministère de l’intérieur ; le développement de la vidéoprotection depuis plusieurs années, en particulier sur la voie publique. Voilà encore des réalités.

Le rapport de la Cour des comptes, institution prestigieuse mais pas infaillible (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ne peut remettre en question tout le travail accompli et la politique énergique qui a été mise en œuvre par notre majorité. (Mêmes mouvements.)

Certes, ce rapport contient des propositions intéressantes mais aussi, comme Claude Guéant a eu l’occasion de le dire, des approximations et des erreurs qu’il était du devoir du ministère de corriger.

Au-delà du travail sur les chiffres, nous avons le besoin et le devoir de parler de la réalité : c’est plus de 500 000 victimes qui ont été évitées à notre pays depuis 2002.(Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Anciens combattants

M. le président. La parole est à M. Michel Grall, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Grall. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.

Monsieur le secrétaire d’État, nos anciens combattants méritent une attention toute particulière compte tenu des sacrifices qu’ils ont consentis pour la France. Nos soldats déployés sur les théâtres d’opérations extérieures continuent de payer un lourd tribut à notre engagement pour la paix. Je m’associe naturellement à l’hommage rendu aux cinq militaires tombés ce matin au champ d’honneur en Afghanistan et j’adresse mes sincères condoléances à leurs familles.

La revalorisation des pensions des anciens combattants et les conditions d’accès à la carte du combattant sont deux préoccupations majeures. Les engagements pris par le président de la République en 2007 nous ont permis de progresser sur ces deux sujets. Je pense par exemple à l’attribution de la carte du combattant, dont pourront désormais bénéficier les anciens des opérations extérieures.

Nous connaissons la réalité du contexte budgétaire. La crise économique et financière de 2008 a changé la donne. Cependant, dans ce contexte difficile, la France ne doit pas oublier ses anciens combattants. Ils méritent toujours toute la reconnaissance de la nation.

En cette veille de fête nationale, alors que la France va malheureusement célébrer dans le deuil ses armées, pouvez-vous réitérer l’engagement du Gouvernement en faveur de nos anciens combattants ? (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.

M. Marc Laffineur, secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Comme tous les Français, comme vous tous, monsieur le député, je suis évidemment bouleversé par l’attentat qui a eu lieu ce matin. Je pense aux familles et je sais trop bien ce que ressentent les parents lorsqu’on leur apprend la mort d’un de leurs fils, ce que ressentent leurs frères, leurs sœurs mais aussi tous leurs camarades qui sont à Kaboul et pour qui c’est aussi un traumatisme psychologique énorme.

Depuis quatre ans, vous avez raison, beaucoup a été fait pour les anciens combattants, à la demande du Président de la République et sous la responsabilité de François Fillon, et c’est normal parce que nous avons tous une dette envers eux.

La retraite du combattant a été augmentée de plus de 35 % depuis 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), dans un contexte économique extrêmement difficile, vous l’avez remarqué, alors que l’État a perdu 20 % de recettes en 2009. Une allocation différentielle a été mise en place en 2007 en faveur des veuves des anciens combattants. Elle représentait 550 euros, elle représente maintenant 834 euros, soit une augmentation de 50 %. Il y a eu un dégel des pensions des militaires ayant combattu pour la France dans les pays devenus indépendants, et cette décristallisation a été un moment très fort. Le point d’indice des pensions militaires d’invalidité a été revalorisé. Les critères d’obtention de la carte du combattant ont été assouplis pour ceux qui combattent à l’extérieur. Une aide a été accordée à tous ceux qui ont été enrôlés de force dans les troupes allemandes pendant la guerre. Des mesures ont été prises pour aider les enfants de harkis à entrer dans la fonction publique ou à acquérir des formations.

Voilà tout ce qui a été fait à la demande du Président de la République. Je crois que cette majorité peut être fière de ce qu’elle a fait pour les anciens combattants.(Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Source: Assemblée nationale

À lire également