Les armées priées d’avoir le sens du sacrifice

Les armées priées d’avoir le sens du sacrifice

(Extrait du journal Le Canard enchaîné du mercredi 19 mars 2008)

Depuis plusieurs années, alors même qu’il n’était que ministre des Finances, Sarko rêvait de tailler dans le budget de la Défense. Aujourd’hui, il passe à l’attaque.

Le grand chantier de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) a conduit une équipe d’experts à pondre, le 7 mars, un passionnant rapport de 99 pages. D’où il ressort qu’un milliard et demi pourrait être économisé chaque année, dès 2009, dans le budget des armées. Voire 2 milliards à partir de 2013. En février, Hervé Morin, ministre de la Défense, avait démenti, dans le « Le Figaro », d’éventuelles « économies sur le volume global des crédits », annonçant juste du bout des lèvres 30 000 départs en six ans, grâce au « non-remplacement d’un agent de l’Etat sur deux partant à la retraite ». Quel besoin d’aller préciser qu’en réalité 55 282 emplois de plus pourraient passer à la trappe ? Et pourquoi, au moment des municipales, s’étendre sur les 284 mesures de réorganisation ou de dissolution d’unités suggérées dans 171 villes ? De l’entretien des matériels à l’habillement en passant par l’alimentation ou le service de santé, tout le monde est dans le viseur.

Dégraisser le mammouth

Exemples du dégraissage proposé : une réforme des ressources humaines, et c’est l’équivalent de 10 271 boulots à temps plein en moins ; un changement du dispositif de « soutien des équipements », ce sont 5 500 emplois supprimés dans l’armée de terre et 6175 dans l’armée de l’air. A la rubrique « Alimentation et hôtellerie », 9 318 postes sauteraient. Et, avec la création d’un centre unique pour le paiement des soldes, ce sont encore 750 personnes éjectées. Les économies espérées seraient rondelettes. Regrouper tous les « achats courants » sous la houlette d’un « opérateur unique » devrait, en principe, permettre d’épargner 400 millions, tout comme la refonte des systèmes d’information. Et ainsi de suite.

Priés de se tirer une balle dans le genou, les états-majors ont participé, avec l’enthousiasme qu’on devine, à cet élan patriotique : selon les savants calculs des experts, ils ne sont d’accord qu’à 60% avec les mesures envisagées dans ce rapport.

Dans un pense-bête intitulé « Conditions de faisabilité », les grands prêtres de la RGPP ont donc noté gravement que le « ministère de la Défense ne doit pas apparaître comme le seul contributeur au rétablissement de l’équilibre des finances publiques. Nécessité pour les personnels de sentir que les efforts seront partagés ». Sinon, l’armée met la crosse en l’air ?

Brigitte Rossigneux

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