Note de l’ADEFDROMIL
Jackie MESTRIES, officier de gendarmerie (e.r.), nous livre son point de vue sur les conclusions qu’il convient, dès à présent, de tirer à la fois du récent rapport sénatorial et du rattachement de la gendarmerie au Ministère de l’Intérieur. Pour lui, les ministres récitent la même leçon et la prise de pouvoir du ministre de l’intérieur et des ses représentants locaux, les préfets, signe à terme la fin de la gendarmerie.
Les ministres de l’intérieur et de la défense sont allés répondre aux interrogations de nos amis les sénateurs qui composent le groupe d’étude sur la gendarmerie nationale.
Sur ce coup là pas de couac ni de bling bling, ils sont complètement d’accord sur l’avenir de la plus vieille institution de la nation, après la louveterie.
Ils sont même trop d’accord, au point qu’on peut se demander s’ils ne sont pas simplement les relais de décisions prises au-dessus et qui ne leur laissent aucun choix. Ainsi quelques sombres conseillers, retournés de force dans la pénombre qu’ils n’auraient dû quitter, vont décider de ce qui est à mon sens la réforme la plus importante de l’année.
Il ne faut pas s’y tromper et j’entends démontrer qu’un des fondements de nos institutions nationales va basculer dans la politique au jour le jour, que les ministres ne font qu’exécuter et n’assument pas à mon sens leurs responsabilités. Vous me permettrez de citer également Monsieur Faure, qui lui ne peut en aucun cas ignorer la réalité. L’opposition toujours prête pourtant à porter le fer sur le registre des institutions fait preuve également d’un silence coupable.
Vous devez probablement penser que j’exagère en donnant le premier rang à cette réforme. Je vous laisse apprécier par vous-même.
Il convient de définir ce qu’est la gendarmerie en quelques mots pour mieux comprendre. Nous parlons d’une force militaire, dotée d’armements de combats, répartie sur tout le territoire.
Militaire, veut dire disciplinée jusqu’au bout et par delà la loi, l’affaire corse en est la dernière preuve connue.
Militaire, veut dire apte à constituer rapidement des unités combattantes par regroupement des brigades pour parler de la Gendarmerie Départementale. Les unités sont toutes d’ores et déjà opérationnelles si l’on parle de la Gendarmerie Mobile ou de la Garde Républicaine.
Et pour compléter le tableau, les principaux chefs de la gendarmerie sont issus des rangs de l’armée.
Avouez qu’on est loin d’un commissariat de police, ou d’une compagnie Républicaine de sécurité, mais que cela ne gène nullement les décideurs.
Malgré les affirmations de Monsieur Faure, rapporteur du groupe de travail sénatorial, sur La Chaîne Parlementaire le 16 avril, il ne s’agit pas d’un ajustement technique logique après un rattachement de fait en 2002, mais bien d’un bouleversement institutionnel. Je reprends là M. Denis Jeambart, éditorialiste, lors de la même discussion : « Rattacher la Gendarmerie au Ministère de l’intérieur, c’est la mettre directement dans le champ du politique, c’est pour ça qu’historiquement la gendarmerie est restée dans l’armée, ce n’est pas un instrument politique au service du pouvoir, il y a la police nationale pour ça ».
Je ne suis donc pas le seul à voir un bouleversement de nos institutions. Sinon, pourquoi passer par le Parlement, pourquoi une loi est-elle nécessaire puisqu’il n’y a rien de changé.
Poursuivons mais soyons pratique. La Gendarmerie est la promise du ministère de l’intérieur, mais ne divorcera pas du ministère de la défense. « bling bling, encore des scandales en perspective, à coup sur »
Quel lien restera-t-il si l’on reprend les paroles du chef de l’Etat dans le Sud-Ouest devant une salle bon gré, mal gré complaisante, mais dans tous les cas réduite au silence jusqu’aux applaudissements de rigueur, comme les arrêts du même nom. L’auditoire idéal, en somme.
Il veut que les Préfets aient autorité pleine et entière sur les gendarmes.
Mais, je ne comprends pas quel pouvoir disciplinaire va être laissé au ministre de la défense. Devra-t-il en référer à son collègue et pas toujours ami ? Ce qui restera, ce ne seront pas le pouvoir du ministre, mais uniquement les sanctions militaires, les obligations et les devoirs des militaires.
Le corps préfectoral est plus puissant que jamais pour avoir obtenu autant de pouvoir dans son département.. Y a-t-il des précédents dans l’histoire de nos républiques ? Je ne le crois pas.
Au niveau supérieur, on nous explique que toute la partie militaire, OPEX et autres détachements ne regarderont pas le ministère de l’Intérieur. Je voudrais savoir comment le directeur de la Gendarmerie pourra dissimuler une partie de son activité à son patron, à celui qui l’a nommé. Non seulement, ce super ministre aura la main sur le territoire, mais aussi un oeil sur l’extérieur.
Mais l’enjeu est-il bien là, je n’en suis pas certain. Je pencherai plutôt pour un contrôle total de l’information.
Qui a le pouvoir ? Celui qui sait !
A qui les gendarmes de la DPSD rendent-ils compte, à leur hiérarchie, laquelle est liée directement au ministre de l’Intérieur. De même pour la Gendarmerie de l’Armement, la Gendarmerie de l’Air, la Gendarmerie Maritime, et la Gendarmerie des Transports Aériens, dont je ne donne pas cher de la peau soit dit en passant si on ne lui laisse pas quelques aérodromes perdus en pleine campagne.
Et on vient nous dire qu’il ne s’agit que d’un ajustement technique. Le ministre de l’intérieur sera renseigné sur la sécurité militaire, la sécurité des installations militaires sensibles, sur l’armée de l’air, sur la marine, et complétera ce qu’il lui manquait en matière de transports aériens.
C’est un bouleversement de l’équilibre des pouvoirs au bénéfice unique du ministre de l’intérieur qui ne pourra dire que ce qu’il a envie à qui lui plaira.
Ce ministre est déjà tellement puissant qu’il peut affirmer sans rire et sans être contredit :
«A l’heure actuelle, sa capacité d’expression est quasiment analogue à celle des fonctionnaires soumis au devoir de réserve ». J’aimerais bien savoir lesquels. C’est quand les prochaines sénatoriales, déjà ? Ah oui cet automne et ce sont bien les appareils qui font élire Pierre ou Paul.
Regardons tout de même le contenu de cette bible, qui n’est pas sujette à la moindre discussion de la part de nos représentants territoriaux.
Je le regarde et je ne vois rien de plus que ce qu’a repris Monsieur Faure, avec quelques affirmations bien senties et qui cependant me laissent sceptique.
La politique de la police d’intervention à la mode en 2002 qui s’est traduite dans la gendarmerie par la mise en oeuvre des communautés opérationnelles de brigades est une parfaite réussite. Si si, les chiffres sont là et les amateurs de la contestation de ces chiffres dans des ouvrages « tendancieux » ont compris ce qu’il leur coûte de les contester.
Mais alors, on se demande pourquoi le même ministre se satisfait de cela pour une partie du territoire et remet en place la politique de la police de proximité sur une autre partie. Moi, je ne comprends pas. Qu’on nous dise une bonne fois pour toutes quelle est la meilleure politique à appliquer ?
Les gendarmes restent militaires, cela arrange tout le monde, donc on ne change rien. Le ministre ne le dit pas à mots couverts : quand on est militaire, on se tait, on travaille jour et nuit et on se tait, on est à la merci de tous les abus et on se tait, on fait taire son père sa mère, sa femme et ses enfants, même s’ils vivent encasernés dans des locaux de plus de 50 ans en moyenne. N’y a-t’il- rien à changer ?
Ils veulent des militaires disponibles, efficaces, ce n’est pas compliqué : qu’ils les paient autrement qu’un autre fonctionnaire !
L’efficacité est le mot d’ordre.
On a déjà bien avancé dans le travail de rattachement
Parité globale avec la police, mais on ne vous en dira pas plus, bien que beaucoup de discussions de part et d’autres ne tournent qu’autour de ce sujet et pour faire bon poids ce sont des personnalités extérieures qui vont décider.
Côté concertation, le CFMG, celui qu’on met au secret quand on a envie et dont on rédige les communications depuis les hautes sphères convient parfaitement.
Mais le ministre parle de la subordination de la gendarmerie au ministère de l’intérieur quand le président de la république désigne une autorité directe dans les départements. Ce n’est pas la même chose. Dans un cas, la hiérarchie gendarmerie peut exercer un réel contrôle sur l’activité au quotidien, dans le second cas, le Préfet disposera de la force armée sans aucun contrôle immédiat. Je trouve cela inquiétant, très inquiétant.
Mais je trouve encore plus inquiétant que cela se fasse avec l’aval de nos parlementaires.
Permettez-moi, une autre question : le Préfet pourra-t-il déléguer son pouvoir, dans sa préfecture, à qui et dans quelle condition ? La loi peut-elle se passer de cette précision.
Le ministre de la défense a fait sensiblement le même discours, mais je ne sais pourquoi, je sens beaucoup de désintérêt pour la chose gendarmique, peut-être de la lassitude.
On retire cent mille personnels à son ministère et il trouve cela conforme à la bonne marche des choses..
Quoiqu’il en soit, vous n’apprendrez rien de plus en examinant sa prestation devant les parlementaires, mais lui au moins a répondu spontanément aux questions qui lui étaient posées.
Voilà, ils sont tous les deux d’accord sur le sujet comme une leçon apprise, comme si une volonté supérieure leur ôtait toute autre alternative ou toute modulation ou gradation dans les mesures à prendre.
La Gendarmerie n’a pas à attendre quoique ce soit de positif des décisions qui vont être prises et son traitement global sera celui des gendarmes du G.S.P.R., karchèrisés, expulsés, de l’Elysée.
Ainsi hors de l’armée dont elle ne dépendra plus, elle sera le jouet direct d’intérêts locaux, car il ne faut pas s’y tromper, c’est bien au niveau local qu’elle sera commandée.
Et même si nos ministres s’en défendent ou le cachent, cette institution a vécu. Elle n’est déjà plus nationale puisque privée d’influence sur une grande partie du territoire. Ils veulent faire de la Gendarmerie une police comme une autre. Ils détruisent la raison même de son existence et vont à terme tirer la même conclusion que moi.