Etude collective de l’ADEFDROMIL
Rêves des jeunes gens qui vont au cours de danse,
Univers camouflé par les mots des chansons…
ARAGON
La force d’une communauté réside souvent dans le capital de ses morts et de ses héros pour peu qu’on le fasse fructifier.
Tel est le cas de la Légion étrangère. Son mythe, celui d’un creuset d’intégration dans la francité de garçons turbulents à travers une discipline de fer et des exploits guerriers de ses membres, est savamment entretenu.
Loin de nous, l’idée d’outrager ses authentiques héros, ses morts glorieux et ses traditions : Noël, Camerone, la main de Danjou, les calcaires de Coc Xa, le képi blanc, le Boudin, le chapeau chinois et Lazare Ponticelli, le dernier poilu qui servit en son temps à la Légion.
N’oublions pas non plus, pour être objectifs, ceux qui sont cités parfois dans la rubrique des faits divers ou qui comparaissent devant le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.
Il reste que le fonctionnement de la Légion étrangère en ce début de 21ème siècle nous paraît en complet décalage avec les principes de la République. Il est même contraire dans de nombreux domaines à l’état de droit qui est, aussi celui de l’Europe.
A plusieurs reprises, nous avons dénoncé des situations extrêmement choquantes et les témoignages qui continuent d’affluer à l’ADEFDROMIL démontrent que ni le chef d’état-major de l’armée de terre, ni le commandant de la Légion étrangère, et a fortiori le ministre n’ont essayé de tirer des leçons de ce que nous avons rapporté.
I – La légion étrangère ou le règne de la discrimination en raison de la nationalité.
La France est, chacun le sait, le pays des droits de l’homme. En corollaire du principe d’égalité inclus dans la devise de la république, notre code pénal sanctionne justement les discriminations. C’est ainsi que l’article 225-1 dispose que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, …de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation… ». L’article suivant (225-2) précise quant à lui : « La discrimination définie à l’article 225-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste : …5° à subordonner une offre d’emploi.. .à une condition fondée sur un des éléments visés à l’article 225-1. »
A la lumière de cet article, on peut se demander si les règles dérogatoires appliquées à la légion ne sont pas susceptibles, peu ou prou, de constituer le délit de discrimination tel qu’il est défini ci-dessus. Car, en définitive, depuis que la totalité de l’armée française est devenue professionnelle, rien ne justifie, au nom du principe d’égalité, qu’on édicte des règles dérogatoires, c’est-à-dire en fait discriminatoires en raison de leur nationalité à des militaires servant notre pays. Si ces règles conféraient plus de droits aux légionnaires qu’aux Français régulièrement engagés, il n’y aurait rien à redire. Mais c’est bien l’inverse qui se produit.
11 – Droit à l’anonymat ou obligation de s’engager sous une fausse identité ?
Selon la doctrine officielle, la légion garantit l’anonymat à ceux qui rejoignent ses rangs.
La pseudo-garantie de cet anonymat repose sur l’engagement sous « identité déclarée ». En fait, il s’agit d’une fausse identité qui, heureusement, ne donne pas lieu à la délivrance de documents administratifs, car cette fausse identité est de pure façade. En effet, la Légion connaît parfaitement l’identité véritable de ses légionnaires et il y a belle lurette qu’on n’engage plus de repris de justice ou des personnes ayant un passé lourd et douteux.
S’agissant de ce qui est présenté comme un droit, on pourrait penser que l’engagé peut facilement y renoncer, notamment, lorsqu’il n’a aucun intérêt particulier à bénéficier pour quelques temps de cette identité de façade. Dans les faits, le nombre de légionnaires autorisés à contracter un premier engagement sous leur véritable identité est nul. Les postes de recrutement font pression sur les candidats et leur présentent l’anonymat comme une condition sine qua non pour que leur candidature ait des chances d’être acceptée. Le site officiel de l’armée de terre indique même que l’engagement sous identité déclarée est obligatoire : « Oui, cette disposition autrefois destinée à offrir « une deuxième chance » à tous ceux qui voulaient tourner une page (ou avaient envie, ou besoin de se faire oublier), est toujours en vigueur, même si la grande majorité des candidats vient de nos jours à la Légion sans soucis particuliers de cet ordre et qu’une enquête permet de toute façon d’écarter les sujets « indésirables ». Cette règle de l’engagement dite » sous identité déclarée » existe toujours par soucis d’équité vis-à-vis des candidats qui en ont encore besoin ».
Les trente pour cent (environ) de Français qui servent à la Légion deviennent quant à eux : Belges, Suisses, Canadiens, Luxembourgeois et Monégasques et prennent des noms fantaisistes.
Il ne s’agit pas de supprimer purement et simplement la garantie de l’anonymat à travers l’engagement sous fausse identité, mais il conviendrait tout simplement de l’utiliser pour les situations qui le justifient. C’est-à-dire pour les réfugiés politiques et pour les engagés dont l’Etat national condamne pénalement le service militaire au profit d’un autre pays ou le mercenariat.
Ainsi, le pourcentage d’engagés sous fausse identité devrait être limité et non plus généralisé comme un moyen de pression à la disposition du commandement.
En effet, l’une des conséquences essentielles de l’adoption d’une fausse identité est la suppression des droits individuels les plus élémentaires, n’en déplaise à tous les excellents reportages de propagande sur la Légion. Et cette réduction à ce qu’il faut bien appeler un état de quasi-servitude dure jusqu’à ce que le commandement accepte de régulariser l’acte d’engagement avec la véritable identité de l’intéressé. Cela peut prendre.. un certain temps comme le fût du canon..pour refroidir.
En pratique, le légionnaire ne peut obtenir sa régularisation avant un délai de 3 ans après accord de l’intéressé, sur avis favorables du commandement et de la direction de la protection de la sécurité de défense, constituée en « police militaire »de la légion.
Que la France autorise des étrangers à servir son drapeau et ses intérêts ne viole aucun principe républicain et peut être une chance pour ceux qui s’engagent. En revanche, que l’Etat contraigne des personnes qui le servent à signer un contrat sous une fausse identité est beaucoup plus choquant et indiscutablement contraire aux lois de la République. Que cette illégalité favorise un quasi asservissement des engagés, dont la plupart sont étrangers, parlent mal ou pas du tout le français, et sont fragilisés par l’éloignement de leurs attaches familiales est contraire à la dignité humaine et à la vocation de la France.
12 – Des règles d’engagement et de déroulement de carrière contraires au droit commun.
121 – L’impossible dénonciation du contrat pendant la période prétendue « probatoire ».
En attendant la parution des nouveaux décrets relatifs aux statuts particuliers – dont celui relatif aux engagements à titre étranger-, prévue en 2009, ce sont les anciens textes qui s’appliquent : le décret n°73-1219 du 20/12/1973 relatif aux militaires engagés et le décret n°77-789 du 01/07/1977 relatif aux militaires servant à titre étranger.
Les décrets de 1973 relatif aux militaires engagés et le décret de 1977 relatif aux militaires servant à titre étranger prévoient expressément une période probatoire de six mois. Il est logique que pendant cette période probatoire les deux parties, c’est-à-dire l’engagé et l’Etat (l’armée) puissent dénoncer le contrat.
C’est ce que stipule l’instruction n°2000/DEF/PMAT/EG/B du 29 décembre 1999 relative aux engagements dans l’armée de terre (BOC/PP du 31 janvier 2000), dont l’imprimé n°311-2/6 (modèle de contrat) précise : « pendant la période probatoire, la dénonciation de mon contrat peut intervenir : soit à ma demande ; soit sur décision de l’autorité militaire ».
Pour l’engagé dans la Légion, l’instruction n°2500/DEF/PMAT/EG/B du 4 juillet 1978 crée le droit en précisant sur l’imprimé n°311-6/4: « pendant la période initiale, ce contrat peut être dénoncé : 31 soit à la demande de l’engagé, agréée par l’autorité militaire, pour raison personnelle d’ordre social ou pour difficultés notoires d’adaptation exprimées jusqu’au terme du quatrième mois de service. Dans ce cas la décision définitive du commandement devra être signifiée avant la fin de la période probatoire initial » (sic).
Cette disposition résulte de l’article 10.3 de l’instruction :
Dénonciation de contrat à la demande de l’intéressé.
Au cours de la période probatoire initiale, le contrat d’engagement peut être dénoncé sur demande del’intéressé, agréé par le commandant de la légion étrangère, pour raison personnelle d’ordre social ou pour des difficultés notoires d’adaptation. Cette demande peut être déposée jusqu’au terme du 4e mois de service. La décision du commandant de la légion étrangère doit être communiquée à l’intéressé avant la fin de la période probatoire initiale.
Jusqu’à ce que la décision soit prise, l’engagé peut, à tout moment, retirer sa demande de dénonciation de contrat.
En aucun cas l’engagé ne peut se prévaloir des fautes qu’il a pu commettre pour demander la dénonciation de son contrat.
Il n’est pas besoin d’être un juriste éminent pour comprendre le piège illégal présenté aux candidats à la légion : d’une part, la période probatoire est réduite de facto de deux mois et le fait que la dénonciation soit soumise à l’approbation de l’autorité délégataire de pouvoir du ministre vide de sons sens le terme de « probatoire ». Il s’agit d’une clause manifestement illégale et discriminatoire qu’il conviendrait de faire juger soit par le juge administratif, soit par voie d’exception dans le cadre de poursuites pour désertion.
Même si le contrat est traduit dans la langue du candidat selon ce qui est prescrit par les textes, elle est d’autant plus choquante qu’elle s’adresse à des candidats à l’engagement parlant mal le français (hormis le cas des monégasques et autres luxembourgeois..) et qui sont dans une situation de précarité et de faiblesse avérée.
Dans la pratique, les commandants d’unité élémentaire de la Légion refusent d’accueillir les demandes de dénonciation écrites. Le légionnaire doit présenter sa demande oralement à plusieurs reprises. On en profite pour l’impressionner, faire pression et le faire lanterner. Après quatre mois, on lui excipe les dispositions de l’instruction illégale : « c’est trop tard » et on le menace de poursuites pour désertion s’il décidait de quitter son unité.
122 – L’impossible accession au statut de sous-officier de carrière.
Celui qui sert à la Légion, à l’exception des officiers français, vit professionnellement dans la précarité de la succession des contrats d’engagement. Il ne peut jamais accéder, même naturalisé et au-delà de 15 ans de services, au statut de sous-officier de carrière. Les légionnaires servant comme les autres militaires dans l’armée française, cette discrimination semble peu digne du pays des droits de l’homme, et dans l’Europe du 21ème siècle.
De même, une disposition subtile du statut du légionnaire permet même de rengager avec un grade très inférieur un engagé qui a eu une interruption de service même d’un seul jour. On a vu ainsi des adjudants-chefs qui avaient fauté, se retrouver, après une interruption de présence sans lien direct avec le service, rengagés comme caporaux-chefs.
Par ailleurs, sous le prétexte de garantir la poursuite de la carrière dans la Légion, on fait signer des contrats de rengagement plus de six mois avant l’expiration du contrat précédent. Si dans l’intervalle, le légionnaire change d’avis pour de multiples raisons, il se retrouve prisonnier du contrat signé parfois presqu’un an auparavant.
13 – La violation des droits de la défense en cas de sanction statutaire.
Tous les engagés de la Légion, qu’ils soient officiers, sous-officiers, caporaux-chefs, caporaux ou hommes du rang peuvent être traduits devant un conseil d’enquête comme tous les militaires de l’armée française.
Devant cette instance disciplinaire chargée de donner un avis sur la sanction statutaire proposée par le Ministre – en fait, le commandant de la Légion, par délégation- l’engagé avait le droit, comme dans toute démocratie qui se respecte et comme dans le reste de l’armée, de se faire défendre par un avocat. Désormais depuis une modification intervenue en 2004, cette faculté a disparu. Le légionnaire ne peut être défendu que par un militaire de son unité. On imagine les conditions de la défense des intéressés face à la machine placée en face d’eux. La suppression de la faculté d’être défendu par un avocat est évidemment contraire à tous les principes du droit. Elle traduit parfaitement la volonté réactionnaire du commandement de la Légion et de l’armée de terre de faire régresser les droits des engagés à titre étranger. Elle constitue une discrimination manifeste et doit être abrogée conformément à l’article 16-1 de la loi nº 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui dispose :
« Art. 16-1. — L’autorité administrative est tenue, d’office ou à la demande d’une personne intéressée, d’abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. »
D’une manière plus générale, les droits des légionnaires sont fréquemment bafoués. C’est ainsi qu’on n’hésite pas à faire signer, sur le lit d’hôpital, des renonciations à des poursuites contre l’Etat à des légionnaires blessés en service. On a vu dans le cas d’un accident de parachutisme dans lequel la responsabilité du largueur était manifestement engagée, tous les témoins légionnaires se mettre d’accord sur une version improbable dégageant la responsabilité du corps au détriment des droits individuels à réparation.
14 – Un pouvoir exorbitant aux effets pervers : la délivrance de titres de séjour par le commandement de la Légion ou une discrimination à l’intérieur d’un système discriminatoire.
La République est bonne fille et la Légion est bonne mère pours ses enfants qui se sont bien conduits : ils peuvent être récompensés par ce que beaucoup ont souhaité en s’engageant : vivre régulièrement sur le sol français après leur service sous le drapeau. Ainsi, l’article L 314-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ordonnance nº 2005-759 du 4 juillet 2005 art. 19 V Journal Officiel du 6 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet 2006)(Loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 38 Journal Officiel du 25 juillet 2006dispose que :
Sauf si la présence de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour :….7º A l’étranger ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l’armée française, titulaire du certificat de bonne conduite ;
De prime abord, cette disposition apparaît comme la juste récompense d’un service exigeant.
Dans les faits, l’autorité administrative – c’est-à-dire le ministre de l’intérieur et ses délégataires, les préfets- perd tout pouvoir d’appréciation du bien fondé de la délivrance de la carte de résident au profit des seuls cadres de la Légion.
Ce pouvoir exorbitant a des conséquences différenciées selon que le légionnaire possède la nationalité d’un pays de l’Union européenne ou non. Dans le premier cas, le refus de délivrance du certificat de bonne conduite –même s’il peut-être gênant pour trouver du travail par exemple- n’a pas d’influence sur le droit du légionnaire libéré de ses obligations de séjourner sur le territoire français.
En revanche, pour les légionnaires issus d’un pays hors de l’Union européenne, le refus de délivrance du dit certificat peut être problématique. Plusieurs légionnaires d’origine russe aux quels la délivrance du certificat avait été refusée, ont ainsi été menacés de reconduite à la frontière. Lire La France expulse aussi ses Légionnaires.
Dans les faits et vis-à-vis de cette catégorie particulière de légionnaires (ceux originaires d’un pays hors Union européenne). L’article L 314-11 constitue un double moyen de pression.
Tout d’abord, il permet de menacer le légionnaire qui s’est bien conduit et qui veut quitter le service pour intégrer la société civile : « si tu ne rengages pas pour cinq ans, j’émettrai un avis défavorable à la délivrance du certificat de bonne conduite ». Inutile de préciser que l’argument parvient à convaincre beaucoup de légionnaires de « rempiler ».
Ensuite, la non délivrance est utilisée sans état d’âme beaucoup plus contre des légionnaires jugés insuffisamment disciplinés que contre des engagés qui se sont réellement mal conduits. Ces derniers sont le plus souvent radiés des cadres par mesure disciplinaire. De manière particulièrement mesquine, cette disposition est utilisée par les chefs de la légion pour exercer leur vindicte et châtier des légionnaires qui n’ont pas été dociles jusqu’au bout.
Ceux qui n’obtiennent pas le sacro saint certificat subissent toute une série d’humiliations inadmissibles et indignes. Ils ne peuvent figurer sur la photo prise lors des formalités de libération. La visite du musée d’Aubagne leur est refusée, etc.
La disposition exorbitante de l’article L 314-11 doit donc être abrogée. Des instructions du ministre de l’intérieur aux préfets doivent lui être substituées afin que les services dans la Légion soient justement pris en compte pour la délivrance des titres de séjour, le certificat de bonne conduite ne devant être à cet égard qu’un élément d’appréciation important et non un document délivré discrétionnairement et créateur de droit.
II – Le dressage du légionnaire : un bon petit lavage de cerveau et des violations répétées des droits élémentaires de la personne.
21 – Un lavage de cerveau comparable à celui des sectes ?
La Légion affiche clairement qu’elle n’est pas une administration comme une autre. C’est une « patrie » (Legio, patria nostra !), une grande famille comme l’affirment aussi les sectes ou les religions minoritaires lorsqu’elles se présentent.
Il est bien connu que les sectes recrutent parmi les personnes en situation de faiblesse affective, économique et autres, auxquelles on fait miroiter le bonheur ou à défaut un mieux-être.
Il y a de très nombreux points communs entre les personnes qui entrent dans une secte et les candidats à la légion. C’est peu contestable.
L’adhésion aux règles et valeurs réelles ou prétendues résulte d’un lavage de cerveau basé sur une coupure radicale avec les liens affectifs et le milieu de vie antérieurs. Tel est bien le cas des légionnaires étrangers, dont une bonne majorité provient actuellement des pays de l’Est de l’Europe, Russie comprise.
Pour se faire une idée de l’idéologie professée à la Légion, il suffit de se reporter aux paroles du 2ème couplet du chant intitulé « Les képis blancs » qui se chante sur l’air de « Panzer Lied » (le chant des panzers) :
« La rue appartient à celui qui y descend,
La rue appartient au drapeau des képis blancs,
Autour de nous la haine, autour de nous les dogmes que l’on abat,
Foulant la boue sombre, vont les képis blancs… »
L’adhésion repose aussi sur une activité physique intense combinée à un manque de sommeil. L’impétrant est ainsi conditionné. Il n’a plus la faculté de réfléchir, de prendre du recul, de reprendre en mains son destin. Malheur à celui qui n’adhère pas ou qui se fait prendre en grippe par les petits chefs, les caporaux ou caporaux-chefs. Il devient un bouc émissaire et est contraint de démissionner sous leur pression. S’il résiste et veut malgré tout poursuivre, il se fait agresser dans sa chambrée après les heures de service habituelles et se retrouve à l’hôpital plus ou moins mal en point. Il est alors démissionné pour raisons médicales.
A la Légion, cette mise en situation est facilitée par l’engagement sous identité fausse grâce à laquelle les droits élémentaires de la personne sont annihilés.
22 – Des hommes sans droits.
C’est ainsi que tant que le légionnaire n’a pas été « régularisé » sous son identité véritable – décision soumise à la diligence de ses chefs -, il ne peut louer une chambre en ville, louer une voiture, ouvrir un compte en banque, etc. L’achat d’un véhicule à moteur n’est pas autorisé avant cinq ans de services (site officiel de l’armée de terre). La détention d’un téléphone portable est prohibée ou soumise à des conditions très restrictives. Le courrier est ouvert et le commandement intervient sans retenue dans les affaires privées quelles soient sentimentales ou financières. A part ces quelques détails, le site officiel de l’armée de terre prétend que les règles sont les mêmes à la légion que dans le reste de l’armée française.
On procède à des inspections des armoires et casiers personnels, on pratique des fouilles à corps sans base légale. On soumet les légionnaires au contrôle d’une « police militaire » de la légion dont la légalité d’action est plus que douteuse.
D’autres droits comme celui de se marier ou de se pacser ne sont pas respectés.
Peut-on s’étonner dans ces conditions des réactions individuelles des légionnaires : désertion, vol de véhicule, etc.. ?
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Au terme de ce tour d’horizon peu flatteur et qui vise non pas à dénigrer, mais à démythifier, on ne peut qu’être stupéfait de l’existence de cette zone de non-droit que constitue au 21ème siècle et à l’heure de la défense européenne, la Légion Etrangère française.
Qu’il soit utile à la France de permettre à des étrangers de la servir, nul ne le conteste. Que beaucoup d’étrangers séduits par le mythe savamment entretenu voient dans l’engagement à la Légion une chance d’échapper à leur condition et plus tard de s’intégrer dans notre société, il faut s’en réjouir.
Il reste que la Légion doit adapter ses règles et ses pratiques aux temps modernes et qu’elle doit bannir toutes celles qui sont discriminatoires du reste de l’armée française professionnalisée et de celles des armées européennes.
C’est incontestablement un vaste chantier, dont la réalisation ferait honneur à la France, à l’armée afin que la Légion soit moins une patrie à part et beaucoup plus dans la patrie.
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