Bilan du CFMG au 16 mars 2008 : on amuse la galerie !

Au dernier Conseil de la Fonction Militaire de la Gendarmerie, on a enfin appris quelque chose d’important : « les décideurs décident ». Pour le reste, vous devrez attendre pour les bonnes nouvelles. Et puis, les râleurs ne sont qu’une minorité et avec une ou deux belles promesses, on va se les mettre dans la poche. En voilà mon résumé.

Je ne peux m’empêcher de penser qu’aujourd’hui les militaires se retrouvent comme cet excellent humoriste, Marc Jolivet, imitant un de nos compatriotes qui a trop bu devant son digicode dont il a perdu les chiffres.

« « « Digicode, hips, bonjour, gentil digicode, c’est moi, tu me reconnais pas, hips » » »

C’est à dessein que je ne veux pas parler du volet social et de son contenu, car retraité, je pense qu’il n’appartient qu’aux militaires en activité d’évaluer et de réclamer leurs dus. Non, mon discours ne concerne que les institutions. Il veut se situer uniquement sur le problème de la place des militaires dans la nation, leurs possibilités d’expression et de défense. Evidemment, cela m’amène à m’imaginer ce que sera une force militaire assujettie directement à un responsable local, comme nous le prépare le rattachement au ministère de l’Intérieur à partir du 1er janvier prochain (2009).

Sur un tel sujet, on se retrouve un peu démuni devant notre digicode. On n’a même pas paumé le code, on ne l’a jamais eu !

Le premier des gendarmes l’a confirmé : il n’a pas l’intention de se remettre en cause. « Les décideurs décident ». La machine est donc complètement hermétique à la moindre idée et à la moindre ouverture. Elle est formatée pour raisonner suivant un schéma programmé.

Le voilà le fond du problème : nous ne sommes pas en face d’hommes raisonnables, mais en face d’une machine qui entre en surchauffe dès que les limites de ce qu’on lui a appris sont dépassées. Quelques exemples : la sanction infligée injustement au chef d’escadron Matelly, ou le rappel à l’ordre par les sénateurs parce qu’on n’a pas transmis le bilan sur le fonctionnement des COB. L’élève pourtant affirme avoir fait son devoir alors qu’il a préféré faire l’école buissonnière. Peut-être a-t-il quelque chose à cacher ?

La haute hiérarchie semble vraiment déconnectée de la société qui l’entoure et dépassée par l’évolution personnelle, individuelle des hommes qui aujourd’hui composent les troupes. La troupe a changé et l’armée n’est plus le refuge d’un monde paysan qui ne voyait dans les lumières du 18ème siècle qu’une source lumineuse vacillante. Les militaires savent que les hommes ont des droits fondamentaux et ils perçoivent que les raisons avancées pour leur en supprimer ou restreindre certains sont de moins en moins crédibles.

Ils n’en veulent pas plus : être traités dignement. Ils veulent que les lois s’appliquent et que les règlements qu’ils ont contre-signés ne soient pas détournés, comme de nombreux exemples le démontrent.

Hélas, « les décideurs décident ». C’est à ce titre qu’ils instaurent une juridiction d’exception, la CRM, et qu’ils considèrent que les droits de l’homme c’est bien, mais pour les autres. Que ne publie-t-on les statistiques de la Commission des Recours Militaires où une personne qui se déclare victime d’un dommage ne peut même pas se faire assister d’un avocat. Avouez qu’avec un Président de la République, avocat de formation, on peut être étonné.

Problème de société vous dis-je !

Les décideurs décident et ils ont décidé que l’Europe et ses textes, c’est bien pour les économistes, pour les banques, pour les multinationales, mais pas pour les individus, quand ils sont français et militaires. Les militaires sont sous la protection de leurs chefs et la loi leur reconnaît de la considération, mais de la considération avec avocat, surtout pas.

Nos décideurs ont décidé que le sort fait à leurs subordonnés est excellent et s’étonnent qu’il puisse y avoir des protestations. Alors, les récriminations ne peuvent venir que de quelques imbéciles ou déséquilibrés. Il ne peut en être autrement, puisqu’ils sont là, paternels et bienveillants.

Nous retrouvons le même type de pensée chez tous les bons protecteurs des populations ingrates, feu le génie des Carpates en tête.

Il n’y a qu’à regarder les sondages, Monsieur le Ministre, monsieur le Sénateur, regardez les sondages récents que nous avons faits. Les militaires sont satisfaits. Le moral est bon.

Sondages : Des militaires sont mis devant une machine. On ne leur demande pas leur nom, mais un code qu’on leur a envoyé nominativement. Puis ils doivent dire ce qu’ils pensent de la situation et s’ils aiment bien leurs chefs. L’isoloir du bureau de vote c’est de la rigolade à côté, et même si le procédé est clair, je ne doute pas un instant de la méfiance chronique du militaire interrogé.

Demandez également à un président de catégorie ce qui se passe quand il ne pose pas les bonnes questions. Suis-je un insensé de penser que les conclusions et leurs interprétations ne sont pas faites par ceux qui commandent ces sondages ? Suis-je un imbécile d’imaginer qu’on cache des points noirs et suis-je masochiste de supposer possible qu’on s’arrange avec les chiffres ?

Heureusement, les bonnes fées qui se penchent sur notre sort trouvent des alliés à nos décideurs.

Il s’agit d’abord d’alliés par force. Ainsi, telle association de retraités découvre subitement toutes les vertus d’un discours présidentiel au lendemain de sa proclamation. Il est vrai qu’elle a été convaincue : si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre.

Il y a aussi les alliés par faiblesse ou résignation. Faites-moi confiance, je m’occupe de tout. Jouez mon jeu et je vous promets un statut dans l’institution, à l’égard de représentants plus ou moins officiels mais toujours auto-proclamés. Et là fleurissent les promesses pour ces personnages enclins à la facilité, confortés par une position officielle douce comme le sein maternel. Et il est tellement facile, plaisant, satisfaisant de paraître raisonnable, fréquentable. La tiède satisfaction de pouvoir prendre de la hauteur pour juger avec condescendance ces excités jamais contents.

L’intelligence est toujours dans la raison, jamais dans la faiblesse. Qu’est-ce qui est raisonnable ? Prendre du recul et dire qu’il ne faut plus que des gens travaillent jours et nuits, dire qu’il n’est pas possible que tous les abus soient possibles dans le silence imposé, ou se taire.

Continuez de parler au digicode, moi je cherche la serrure.

Le respect n’est pas l’enfant de la condescendante et de la facilité. On respecte rarement un valet.

Autre catégorie : les alliés par ignorance. On sent bien en ce moment que quelque chose ne va pas. On sent bien qu’on veut nous faire faire un métier qui n’est plus celui qu’on a choisi. On devine que notre situation est en complet décalage avec le reste de la société, mais il faut du temps pour y regarder de plus prés, et du temps, on n’en a pas. Et puis, qu’est-ce qu’on peut y changer, y a des gens, des chefs pour s’occuper de ça. Tu n’as pas tort, monsieur l’ignorant de te fier à ton camarade, mais tu as tort de ne pas savoir dans quelle situation il se trouve, tu as tort de n’avoir rien à lui dire quand il te pose une question alors qu’au café du matin tu tempêtes contre tout et rien.

Parler des débats du CFMG, c’est se poser aussi la question du secret qu’on essaye d’imposer à tout ce qui se dit dans cette enceinte. Il ne faut pas en parler, c’est pour votre bien. Et l’argument suprême, incontestable : « en face, ils nous regardent ». Coup double avec cet argument : l’adversaire commun peut être la source d’une complicité entre les décideurs et les tirés au sort. Je n’y vois personnellement qu’une habile manipulation dans laquelle sont tombés d’ailleurs quelques camarades que je tenais pourtant en haute estime.

Oui, les adversaires, les vôtres, pas les nôtres, regardent et se frottent les mains de n’avoir en face d’eux que quelques généraux en bout de course. Le résultat est là : les écarts, on les constate.

Je ne vous concéderai qu’une chose, une seule. La concertation en gendarmerie ne peut-être différente de celle des autres armées. Il n’y a aucune raison que nos camarades militaires ne bénéficient pas des droits reconnus à tout un chacun.

C’est bien un problème de vision de la société dans laquelle nous voulons vivre et rien d’autre.

Pensez vous que la loi sur le statut des gendarmes que vous annoncez va résoudre les problèmes, alors que la concertation et la représentativité des membres du CFMG vont rester inchangées ?

Vos certitudes sur le contenu de la loi me laissent pantois. Mais à quoi sert donc ce parlement. N’a-t-il pas son mot à dire ?

Ne va-t-on pas trouver des parlementaires pour s’interroger sur le contenu de ce qu’on leur présente ? Pensez-vous qu’aucun d’eux ne va s’étonner de l’état des instances de concertation ?

Des moutons, les représentants de la nation, je n’en suis pas si certain que vous.

Vont-ils confier la force armée à un Préfet ? Ils ne le feront pas sans garantie. Ces garanties sont en partie dans l’élection de représentants des personnels bénéficiant d’un statut protecteur

Sinon, il n’y aura personne pour tirer la sonnette d’alarme en cas d’abus. Il n’y aura aucun contrôle immédiat.

Les parlementaires vont-ils faire du ministre de l’intérieur le ministre le plus puissant que notre république ait connu ?

Bref, on amuse la galerie et tout ce discours, n’a qu’un seul but : empêcher de voir une nouvelle fois une vague bleue envahir la rue, et les instances de concertation courir derrière.

P… de digicode !

J.Mestries alias astérix

Note de l’ADEFDROMIL.

Engagé à 18 ans dans l’armée (Gendarmerie), Maréchal des logis Chef à 26 ans, Adjudant à 32, Adjudant-chef à 41, Major à 47 et Lieutenant à 50, Jacky Mestries choisit de quitter l’institution trois ans après pour assumer des impératifs familiaux. Il a toujours considéré son métier comme une passion.

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