Le franc coup de gueule d’un général

Le Figaro du 18/12/2007

Une lettre d’un ton vif et rebelle a été envoyée au chef d’état-major de l’armée de terre. Elle reflète un certain malaise de l’armée de terre.

La missive ne manque pas de panache, et elle fait en ce moment le tour des armées. La lettre envoyée par le général Jean-Marie Faugère au chef d’état-major de l’armée de terre (Cemat) est un petit bijou de littérature militaire, aussi vif qu’inhabituel. Joliment troussé, et tranchant avec la langue de bois en service dans le haut commandement. L’actuel commandant de la région terre Nord-Est et des forces françaises en Allemagne oppose une fin de non-recevoir à une demande de contribution de ses troupes. L’objet de l’ire étoilée est plutôt anodin.

Qu’on en juge : «l’organisation d’une activité sportive en l’honneur de la création d’un conseil international du sport militaire». Mais l’affaire est symbolique. Respectueuse, la lettre est trempée dans la poudre. Le général juge «particulièrement grotesque» cette célébration d’une institution internationale «que personne ne connaît», sur l’injonction d’un «général italien encore moins connu». Pas de circonvolutions oratoires : «Je me refuse à verser dans cette pantalonnade», assène le général. La suite ne manque pas d’humour. L’officier estime «ridicule» de mobiliser tant de troupes «en petite tenue par un clair matin hivernal pour célébrer dans la campagne un non-événement qui n’a aucun rapport avec l’histoire militaire de notre pays, le rôle des armées et leur essence même» !

Exaspération croissante

Le patron du «Front de l’Est» parachève le tir, en notant qu’on lui demande la participation du «maximum de militaires» tout en exigeant une «charge d’organisation la plus faible possible». Le général Faugère y voit là un «morceau d’anthologie administrative, à moins, pire, que cela ne relève de la simple bêtise…».

Le coup de gueule du général – et son succès dans les rangs – est révélateur d’une exaspération croissante dans les armées, devant le fossé de plus en grand entre les moyens dévolus aux militaires et l’étendue des missions ou «activités» qu’on leur demande. Surtout quand elles sont très «éloignées du corps de métier», comme le note le général Faugère, qui estime qu’il y a d’autres priorités. Un discours d’ailleurs tenu par le Cemat lui-même ou Hervé Morin, qui appellent sans relâche à se concentrer sur «l’opérationnel». Il y a dix jours, est déjà apparu au grand jour le malaise d’une armée de terre ulcérée du traitement de faveur qui va être accordé aux gendarmes, côté grille de salaires. Avec discipline, la grogne monte.

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