Retrait d’emploi trois ans confirmé pour le sous-officier de gendarmerie

Par décision du 4 décembre 2003, le ministre de la défense a placé en position de non-activité par retrait d’emploi pour une période de trois ans un sous-officier de gendarmerie pour faute contre l’honneur.

Estimant cette décision entachée d’irrégularité, le sous-officier a saisi le Tribunal administratif de Bordeaux qui, par jugement du 1er février 2005, a rejeté sa demande. Plus que déterminé, le sous-officier a fait appel de ce jugement le 24 mars 2005 devant la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux.

Il a demandé à la cour :

d’annuler le jugement du 1er février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du ministre de la défense du 4 décembre 2003 le plaçant en position de non-activité par retrait d’emploi pour une période de trois ans ; d’annuler la décision du ministre de la défense du 4 décembre 2003 ; d’enjoindre au ministre de la défense de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ; de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3000 euros au titre de l’article L.761-1 du Code de justice administrative [1].

La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux statuant au contentieux a estimé le 4 septembre 2007 :

que le jugement rendu par le tribunal administratif de Bordeaux est suffisamment motivé, alors même qu’il ne mentionne pas l’ensemble des pièces produites par le sous-officier de gendarmerie et, notamment, les témoignages afférents aux faits qui se sont produits à l’époque où l’intéressé était en poste en Guyane et le jugement de relaxe dont il a bénéficié, le 7 novembre 2003 ; que l’action disciplinaire n’est enfermée dans aucun délai ; que dès lors et en tout état de cause, le moyen tiré du retard avec lequel la procédure disciplinaire a été engagée doit être écarté ; que le jugement de relaxe dont le sous-officier de gendarmerie a bénéficié, le 7 novembre 2003,est sans incidence sur la procédure disciplinaireparallèlement engagée à son encontre ; que la circonstance que le conseil d’enquête n’est composé que de militaires, en application des articles 3 et suivants du décret n°74-385 du 22 avril 1974 [2] n’est pas contraire aux stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [3] ; qu’aux termes de l’article 48 de la loi n°72-662 du 13 juillet 1972 [4]: « les sanctions statutaires applicables aux militaires de carrière sont : 1. La radiation du tableau d’avancement ; 2. Le retrait d’emploi par mise en non-activité ; 3.La radiation des cadres par mesure disciplinaire. Ces sanctions peuvent être prononcées pour insuffisance professionnelle, inconduite habituelle, faute grave dans le service ou contre la discipline, faute contre l’honneur, ou pour condamnation à une peine d’emprisonnement n’entraînant pas la perte du grade » ; que, pour prononcer à l’encontre du sous-officier de gendarmerie la sanction de retrait d’emploi par mise en non-activité pendant trois ans pour faute contre l’honneur, le ministre de la défense s’est fondé, d’une part, sur le fait que l’intéressé a rédigé et distribué sur la voie publique à Libourne, le 28 mai 2002, des tracts mettant en cause un des militaires de la compagnie de Libourne ainsi que l’action de la gendarmerie et, d’autre part, sur le fait qu’il a utilisé la messagerie de l’école de gendarmerie de Libourne, le 26 septembre 2002 pour promettre à deux quotidiens nationaux des révélations sur des affaires et des pratiques de la gendarmerie qu’il estime douteuses ; que ces faits étaient de nature à altérer l’image du service public de l’Etat et à jeter le discrédit sur le corps auquel le sous-officier de gendarmerie appartient ;qu’ils constituent une faute contre l’honneurque le ministre de la défense a pu sanctionner, sans erreur manifeste d’appréciation, en mettant l’intéressé en position de non-activité pendant trois ans ; que le sous-officier de gendarmerie ne peut utilement se prévaloir, pour contester la légalité de cette sanction,de la circonstance que les faits qui lui sont reprochés résultent de sa décision de dénoncer les dysfonctionnements du service auquel il appartenait, lorsqu’il était en poste en Guyane que le harcèlement moral dont il soutient être victime, depuis son affectation en métropole, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

En conséquence, la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a rejeté la requête du sous-officier de gendarmerie. (CAA Bordeaux n°05BX00624 du 4 septembre 2007).

Michel BAVOIL, Président de l’Adefdromil

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[1] Article L.761-1 du Code de justice administrative :

« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation »

[2] Le décret n°74-385 du 22 avril 1974 relatif à l’organisation et au fonctionnement des conseils d’enquête concernant les militaires a été abrogé par le Décret en Conseil d’Etat 2005-794 du 15 juillet 2005 relatif aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires du 15 juillet 2005

[3] Article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

« Droit à un procès équitable
1.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

[4] La loi 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires a été abrogée par la loi 2005- 270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaire. Cette dernière loi a elle-même été abrogée par ordonnance n°2007-465 du 29 mars 2007 et codifiée : Code de la Défense que vous pouvez consulter sur Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/html/index.html

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