(Extrait du journal Le parisien du vendredi 29 juin 2007)
« C’est un évènement, je n’ai jamais vu ça. Cinquante et une familles de gendarmes qui se révoltent contre une décision de la hiérarchie, c’est inédit. »
Michel Bavoil, président de l’Association de défense des droits des militaires n’en revient pas. C’est un bras de fer qui se joue depuis deux mois entre 51 musiciens de l’Orchestre de la gendarmerie mobile et leur direction générale. Logés depuis 1999 au fort d’Issy-les-Moulineaux, ces derniers sont sommés de déménager à cause d’un projet qui prévoit la construction du nouveau siège de la direction pour 160 millions d’euros et la vente d’une partie du fort à la mairie d’Issy-les-Moulineaux pour y créer une cité numérique.
De nouveaux logements, qu’ils auraient dû intégrer à partir de dimanche, leur ont été assignés à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) mais ils refusent d’y emménager compte tenu de l’insalubrité des habitations. Devant l’urgence, une procédure collective de référé sera déposée ce matin devant le tribunal administratif de Paris après que les intéressés ont essayé sans succès de saisir leur hiérarchie. « Ils ont reçu l’ordre de déplacement collectif en avril dernier, explique Jacques Bessy, vice-président de l’Association de défense des droits des militaires. Mais quand ils ont visité les logements de Maisons-Alfort, ils ont constaté des sols et des plafonds dégradés, des plinthes arrachées, des fuites d’eau mais aussi la présence de moisissures et une absence évidente d’hygiène. »
Outre l’état déplorable des appartements, les familles ont également déploré que les surfaces des appartements étaient de 15 à 20% inférieurs à ceux du fort d’Issy-les-Moulineaux. Et il n’y a aucun local adapté aux répétitions des musiciens.
Leur avocat, Me Renaud Rialland, spécialisé dans les affaires militaires, confirme que 51 procédures ont été déjà déposées devant la commission des recours des militaires (tribunal interne à l’armée) qui n’a toujours pas répondu. « Nous avons donc demandé au juge administratif de suspendre la mesure dans l’attente d’une décision sur le fond », assure Me Renaud Rialland qui ajoute : « En attendant que le litige soit tranché, les gendarmes s’exposent à des sanctions disciplinaires pour refus d’obéissance, voire à une dissolution de leur Unité ».
Selon Michel Bavoil, la direction de la gendarmerie aurait même menacé d’annuler les permissions des frondeurs cet été, mais après une intervention de l’association , elle serait revenue sur cette décision.
De son côté, la direction de la gendarmerie a précisé que ce déménagement qui s’inscrit dans le cadre du schéma directeur immobilier d’Ile-de-France de la gendarmerie « vise à regrouper les personnels au plus près de la formation à laquelle ils appartiennent, à savoir pour cet orchestre, la caserne de Maisons-Alfort, siège de la gendarmerie mobile d’Ile-de-France. »
Marisa Faion
« On nous prend pour des pions »
Pascale, femme de gendarme
« C’est en octobre 2006 que nous avons entendu les premiers bruits concernant une possible mutation. Dès cet instant, nous avons entamé une action de femmes, car nos maris militaires n’ont pas droit à la parole. Nous avons écrit au ministre, au président de la République, mais nous n’avons pas eu de réponse. »
Pascale est l’une des 51 femmes de gendarmes musiciens d’Issy-les-Moulineaux qui refusent de déménager à Maisons-Alfort, sur les 76 concernées. « Nous sommes à Issy-les-Moulineaux depuis 1999. A l’époque, c’était justement pour regrouper tous les musiciens dans un même lieu. En 2001, on nous avait même promis un auditorium pour la musique qui assure toutes les cérémonies officielles en partage avec la garde républicaine. L’année dernière, nous avons vu arriver les préfabriqués de chantier pour l’auditorium. Ils sont restés quelques semaines avant d’être démontés. Ca a coûté 50 000€ à l’armée… »
Ce que refuse surtout Pascale comme les autres familles, c’est « d’être pris pour des pions », selon son expression. « Au début, la hiérarchie voulait faire un simple transfert, sans ordre de mutation pour éviter de payer les frais liés au déménagement ».
« Et puis, l’état des logements à Maisons-Alfort est incroyable : saleté, aucune norme de sécurité respectée, présence d’amiante. Alors qu’il s’agit de loger des familles avec enfants ! ».
Olivier Debruyne
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