Nous sommes logés par nécessité absolue de service et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes !
Telle pourrait être la parodie du fameux serment du jeu de paume que les musiciens de la gendarmerie mobile [1] sont disposés à prêter pour ne pas être contraints collectivement de déguerpir de leurs logements de fonction d’Issy les Moulineaux.
Regroupés depuis 1999 sur le même site d’Issy les Moulineaux après avoir été disséminés pendant de nombreuses années qui à Vitry, à Ivry, qui à Le Plessis Robinson ou Arcueil, les musiciens sont parfaitement installés dans leur résidence. Et soudain, voilà qu’on leur signifie qu’ils sont de trop à Issy les Moulineaux. Il faudrait qu’ils libèrent la place pour rejoindre sans tambours ni trompettes des logements à Maisons Alfort. Un ordre de mutation collectif a été pris à cet effet le 23 avril 2007.
La manoeuvre semble s’inscrire dans le cadre du fameux marché de la construction du siège de la direction générale à Issy les Moulineaux qui fait couler tant d’encre. Le fort d’Issy doit être restitué à la municipalité, dont le maire, M. Santini, récemment nommé secrétaire d’état à la fonction publique, est une proche relation du directeur général Parayre et on aurait besoin des 70 logements des musiciens pour contribuer au regroupement du personnel de la DGGN. C’est ce que la direction générale a baptisé : le schéma directeur immobilier de la gendarmerie en Ile de France !
Petit problème tout de même, c’est que les logements de Maisons Alfort proposés aux musiciens et à leur famille ont une capacité moyenne inférieure de 15 à 20% à ce qui leur est concédé à Issy les Moulineaux et leur état n’est pas brillant comme a pu le dire le gradé le plus ancien dans le grade le plus élevé de la musique dans un rapport adressé le 12 avril à son général, en conclusion duquel il demandait qu’il soit sursis au déménagement collectif :
« En effet les familles occupant des T4 voire des T5 au quartier Vernadat d’Issy les Moulineaux se verront attribuer des F3 bis à Maisons-Alfort perdant ainsi une capacité de 10 à 20 m2. Ces logements en majorité occupés jusqu’alors par des gendarmes adjoints volontaires ou de jeunes sous-officiers en début de carrière et en attente de mutation ne répondent en rien aux aspirations, bien légitimes, de sous-officiers appelés à effectuer toute leur carrière au sein de l’unité et dont certains totalisent déjà plus de 25 ans de service et sont pères de famille nombreuse. De plus, l’état de la plupart de ces logements est inadmissible et laisse deviner qu’aucun état des lieux sérieux n’a été effectué à leur libération : sols et plafonds dégradés, baguettes arrachées, fuites d’eau, moisissures, murs troués, absence d’hygiène élémentaire. Le personnel et les familles ressentent un profond sentiment de mépris à leur égard …
Les conséquences sociales du projet n’ont semble t’il, pas plus été étudiées : les services de l’éducation nationale n’ont pas été informés pour s’assurer de la capacité d’accueil des écoles de Maisons Alfort (170 enfants en âge scolaire). De nombreux conjoints risquent d’être contraints de démissionner de leur emploi sans indemnités et de mettre un temps certain avant d’en retrouver un autre. Les épouses qui exercent la profession d’assistante maternelle vont faire face à de sérieuses difficultés compte tenu de la diminution de capacité des logements.
La direction générale peut difficilement prétendre qu’elle n’était pas au courant, puisque son attention avait été attirée dès mi-mars par le général, commandant la force d’intervention : « le déficit en superficie des logements retenus pour le personnel de la musique va être flagrant dès que la mise en compétition collective va être lancée » … « Le moment est délicat car une réaction collective de rejet n’est pas à exclure de la part des musiciens quand ils prendront connaissance des caractéristiques des logements mis en compétition ».
Message auquel l’officier général du service concerné à la direction générale avait répondu le 21 mars 2007 avec des menaces à peine voilées : « sur le fond, il conviendra néanmoins de se souvenir de ces réactions d’enfants gâtés et de la surenchère permanente de la musique et de son chef, tant pour les LST (locaux de service et techniques) que pour les logements, même s’il faut pour l’heure passer sous les fourches caudines pour financer la paix sociale. »
Justement, sur le plan financier, l’opération n’en est pas moins surprenante, puisque l’installation de la musique à Maisons Alfort devrait coûter pas moins de 700 000 euros. Mais une danseuse n’a pas de prix et, comme sous l’Ancien Régime, ceux qui vivent en province dans des logements à rénover ne sont pas censés savoir ce qui se dépense à Paris.
Sur le plan du service, les musiciens vont passer plus de temps en transport.
Le général qui commande la région de gendarmerie Ile de France a bien tenté d’expliquer aux musiciens, lors d’une réunion, le bien fondé de la décision de transfert en précisant qu’il était chargé « de faire le sale boulot ». Mais le discours n’est pas passé.
Plus de 40 recours individuels ont été formés et le cabinet du ministre de la défense est saisi.
Pour corser le tout, la hiérarchie n’apprécie pas la résistance des musiciens et de leurs familles et les a menacés de supprimer leurs permissions estivales tant qu’ils ne feraient pas connaître la date de leur déménagement.
Moins de deux heures après que l’ADEFDROMIL a demandé le 26 juin à M. Hervé MORIN qu’il soit mis fin à ce chantage, les permissions ont été débloquées [2].
A part cela, les associations professionnelles ne servent à rien !
Quant au fond de l’affaire, on espère qu’une décision tout aussi raisonnable sera prise.
[1] Coup de projecteur sur la musique de la Gendarmerie mobile
[2] Extrait du courrier adressé à Monsieur Hervé MORIN