Le rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire a le grand mérite de comparer clairement les fonctions publiques civile et militaire. Cette dernière est cinq fois moins attractive. Pourrait-il en être autrement quand on constate que les corps ayant le même vivier de candidats progressent plus rapidement en matière de rémunération, de carrière, sans même parler des conditions de vie et de travail ?
Mais le rapport est déjà dépassé. Le classement indiciaire des grades de la police nationale, par exemple, a encore été amélioré en décembre 2006 [1] Exemples : l’indice majoré [2] terminal d’un brigadier-chef policier est de 473, de 526 pour un brigadier-major et de 642 pour un capitaine de police. Certains arguent qu’un brigadier-chef a bien d’autres responsabilités qu’un adjudant ? A chacun de juger. Pourtant, au début des années 1990 cet adjudant avait des fonctions équivalentes à celles d’un inspecteur de police, au début des années 1970 on comparait le lieutenant militaire à un commissaire. Qui a donc dévalorisé les armées ?
Voilà des données majeures sur lesquelles soldats et gendarmes tenteront d’infléchir le débat ouvert sur les statuts particuliers et les grilles indiciaires. Peut-être faudra-t-il plus qu’un débat inégal, mais un vrai combat comme ceux menés par les gendarmes en 1989 et 2001. Mais serait-il même victorieux qu’il ne changerait rien !
Car, ailleurs, le décrochage de la fonction publique est déjà acquis et un plan de revalorisation assure chaque année de nouveaux points d’indice. Peu importe ce qu’obtiendront les militaires demain, cela sera dépassé après-demain.
Ce n’est que juste reconnaissance du travail difficile d’autres agents de l’Etat. Mais en quoi ont-ils donc démérités, ces militaires, pour ne pas bénéficier, eux, de la reconnaissance de la Nation, essentielle pour recruter hommes et femmes de valeur ? Le mérite ne manque pas, c’est la liberté qui fait défaut : la liberté d’expression, d’association qui, en faisant entendre la voix collective des soldats-citoyens leur assurera enfin une place dans la cité commune.
C’est là l’erreur stratégique fatale des militaires : ils engagent courageusement la lutte, en 1989, en 2001, sur des combats qui ne sont que d’arrière-garde.
La bataille principale est ailleurs : le combat pour la liberté. Il ne sera pas livré au seul bénéfice des soldats : en réalité c’est un combat pour la démocratie, car nul ne saurait mieux la défendre que des soldats libres !
Croyez-vous que les Athéniens auraient gagné à un contre dix à Marathon, s’ils n’avaient été des citoyens-soldats ? Pensez-vous que les camarades de la Bundeswehr sont de moins bons militaires ? Non ! Les uns étaient et les autres sont, tout simplement, des citoyens à part entière, animés d’un idéal commun qui s’appelle Démocratie !
[1] Décret n°2006-1697 du 22/12/2006.
[2] Calculé à partir du décret ci-dessus avec les règles de conversion en vigueur au 01/11/2006, suivant le décret 82-1105 du 23/12/1982 modifié.