Traitement des Sous-officiers dans les armées françaises

Je comprends l’émoi ressenti par le personnel non officier au sujet de l’absence de revalorisation de ses grilles indiciaires.

En revanche, il convient de ne pas se tromper de combat et certains commentaires me paraissent injustifiés.

1. Le combat à mener doit être celui de la revalorisation de ces grilles par rapport au reste de la fonction publique.

Il est inacceptable qu’en raison d’une part de l’interdiction de syndicat et d’autre part d’une hiérarchie timorée qui n’ose pas « veiller aux intérêts de ses subordonnés », le personnel des forces armées soit maltraité par rapport aux autres catégories d’agents publics.

Les qualifications et le niveau de responsabilités des différents grades sont sous-estimés par rapport à leur équivalent civil et l’absence de revalorisation reflète ce manque de reconnaissance ou cette méconnaissance par le monde civil.

En ce sens, la lettre de l’ADEFDROMIL aux différents présidentiables pointe de manière pertinente le problème de la correspondance entre grades civils et militaires et celui de la multiplication des échelles lettres.

En revanche, transformer le combat légitime pour une meilleure prise en compte du personnel non officier en une lutte de catégorie au sein des armées me semble inefficace.

Ce n’est pas en croyant dénoncer les revalorisations des grilles des officiers que la reconnaissance du personnel non officier progressera.

2. Cette « lutte de classe » engendre des commentaires qui me paraissent totalement injustifiés.

Les sous-officiers grognent car le différentiel entre les grilles des officiers et celles des non officiers s’accroît. Pourtant, il ressort des rapports sur le moral que toutes les catégories regrettent le tassement des grilles indiciaires. Sentiment tellement humain que de considérer que la personne devant nous gagne beaucoup trop et celle derrière quasiment comme nous !

Ce qui est une réalité est qu’au nom de l’égalitarisme, du recrutement, de la justice…, les grilles se sont tassées et se chevauchent. Au nom de l’efficacité, de la motivation, de la promotion sociale, il est donc nécessaire de les étirer de nouveau.

Du coup, la « cheville ouvrière » ne serait pas bien traitée par la hiérarchie. Les non officiers ne seraient pas bien considérés par leurs propres chefs. Il n’y en aurait que pour les officiers, puisqu’ils tiennent la hiérarchie des armées et que « les loups ne se dévorent pas entre eux ».

Au-delà de ces clichés habituels, attardons-nous sur les expériences concrètes.

Dans ma précédente affectation, mon adjoint direct, un sous-officier supérieur, percevait compte tenu de son ancienneté davantage que moi. Les non officiers rentraient chez eux au dégagé alors que les officiers restaient au travail deux à trois heures de plus. Ces derniers étaient de service plus fréquemment que les sous-officiers supérieurs. Les représentants des sous-officiers en étaient d’ailleurs dispensés, ce qui n’était pas le cas de celui des officiers. En outre, le commandement a envisagé pendant un temps de regrouper les officiers subalternes à deux par bureau en laissant les sous-officiers supérieurs à un. A l’exception d’un officier, toutes les NBI étaient perçues par des sous-officiers supérieurs. Quant à la prime haute technicité, elle n’est réservée qu’aux non officiers, qui par ailleurs peuvent bénéficier de la retraite à jouissance immédiate après quinze ans de service contre vingt-cinq pour les officiers.

Sans doute toutes ces mesures s’expliquent-elles et se justifient-elles point par point. Mais si on observe la situation globale, quel adjudant-chef ou maître-principal accepterait d’avoir pour adjoint un sergent-chef ou maître qui gagnerait plus que lui, dégagerait plus tôt, tout en tournant moins souvent de service, pouvant bénéficier de la retraite avant lui et percevant des primes auxquelles lui-même n’aurait pas droit ? Quel sergent-chef ou maître l’accepterait de son caporal-chef ou quartier-maître de 1ère classe ? Pourtant, hors commandement et haute hiérarchie, la quasi-totalité des officiers vivent tous les jours avec cet état de fait.

Certes, au sein de toutes les formations de nos armées, la situation n’est-elle pas aussi tranchée. Mais quel militaire n’y reconnaîtrait pas en toute bonne foi des éléments de son propre quotidien professionnel ?

Plus grave : dans un tel schéma, où se trouve la reconnaissance des responsabilités assumées par les chefs ?

Où se trouve également « l’ascenseur social » ? Toute volonté de promotion sociale devrait inciter à la progression vers les grades plus élevés. Pour cela, il faudrait que chacun soit mieux traité au fur et à mesure des grades.

Or, les militaires du rang rêvent de devenir non pas officier mais adjudant-chef ou maître principal. Nombreux sont les officiers sortis du rang, qui ayant réussi les concours internes découvrent les conditions réelles de traitement des officiers. Qui ne les a pas entendu dire : « Si c’était à refaire… » ?

Deux voies s’offrent à nous. Défendre, en respectant la hiérarchie des grades, les conditions de tous les militaires par rapport aux autres catégories de personnel. Ou bien faire de la défense des militaires une confrontation interne systématique en reprochant aux officiers d’être des accapareurs permanents.

J’espère que l’ADEFDROMIL optera pour la première voie.

Ender

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