La Grande Muette affiche son malaise (Par Caroline Fontaine – Paris Match)

Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire, l’armée française est sur plusieurs fronts, mais la France a-t-elle les moyens de cette politique ?

«L’objectif en Libye était de créer un effet de choc, confie le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l’état-major des armées. Cela n’a pas été suffisant.» Avant même le lancement de l’opération, les militaires avaient «rappelé en haut lieu que sans troupes au sol l’engagement aérien ne permettait pas de gagner», assure un colonel sous couvert d’anonymat. Pour l’instant, les faits leur donnent raison. Depuis déjà un mois, la guerre se prolonge dans d’inquiétants mouvements d’essuie-glaces: à une avancée succède un repli puis une avancée… «Le coût des opérations est lié à celui des munitions», détaille Laurent Teisseire, porte-parole du ministère. Celles-ci sont chères: au moins une dizaine de missiles SCALP ont été tiré au prix unitaire d’environ un million d’euros.

Au total la facture dépasserait les 40 millions d’euros. Il faut ajouter les primes pour les soldats en opération, le fioul, les frais liés au maintien du porte-avions – deux fois plus cher qu’une mission à terre. Pour les opérations extérieures de 2011, 630 millions d’euros avaient été budgétés. Déjà, Gérard Longuet, le ministre de la Défense, avance une somme nécessaire de 900 millions d’euros. «Le surcoût sera pris dans la réserve interministérielle, explique Patricia Adam, vice-présidente de la commission Défense à l’Assemblée. Autant d’argent qui n’ira pas ailleurs…» Le général de brigade aérienne Jean-Vincent Brisset, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques, ajoute: «Cette guerre ne coûte pas très cher pour quelqu’un de riche, mais pour un pays qui tire le diable par la queue ce n’est pas pareil! Il faudra faire des choix sinon les armées ne pourront pas tenir leurs engagements.»

54 000 postes supprimés d’ici à 2015

Les opérations en Libye marquent le dernier soubresaut d’un malaise plus profond, d’une armée inquiète pour ses moyens. Dans un contexte tendu, la France s’est engagée pour la première fois sur trois fronts: Afghanistan, Libye, Côte d’Ivoire, auxquels il faut ajouter la lutte contre la piraterie. Or, l’armée subit une diète sans précédent: d’ici à 2015, 54 000 postes seront supprimés (sur 320 000), 82 grosses unités fermées et 47 autres transférées, pour dégager, selon Laurent Teisseire: «1,6 milliard d’économie par an sur les coûts de fonctionnement afin d’investir dans les équipements.» Et éviter l’arrêt de programmes militaires qui, pour certains, sont déjà en sommeil.

Certains le sont déjà. En octobre, les rapporteurs de la commission de la Défense s’alarmaient que 2011 soit l’année de la «rupture» pour l’armée de l’Air et prévoyaient pour la Marine que «tout aléa matériel (panne) ou opérationnel (mission non programmée) nécessitera d’annuler une mission ou de revoir à la baisse le niveau d’entraînement». Quant à l’armée de Terre, certaines unités ne disposent plus des équipements pour s’entraîner. «C’est tendu, mais nous n’avons pas d’inquiétudes structurelles, tempère Laurent Teisseire. Dans quelques années, les gains des restructurations joueront à plein.»

Reste un dernier point, top secret à la Défense. Pour réduire le déficit public, le ministère a été mis à contribution à hauteur de….

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Cet article a 2 commentaires

  1. militaire désabusé

    Le malaise dans nos armées vient en partie du fait que depuis dix ans nous sommes toujours en réformes, on en commence une, puis une autre, etc… Sans vraiment les finir. Beaucoup de militaires ne perçoivent plus les objectifs finaux à atteindre, mais ils constatent simplement que l’on veut les mettre dehors.
    Les conditions du personnel se sont fortement dégradées, mais le niveau est variable selon les corps d’armées. Pour ma part en service depuis plus de quinze ans dans l’armée de l’air, je constate une dégradation sur la disponibilité des matériels (MCO, rechanges, etc…), sur les conditions de travail, une mobilité de plus en plus illogique et incompréhensible. Dans notre armée nous n’avons pas de dialogue mais de la communication.
    Le premier vecteur du recrutement ce sont les militaires eux-mêmes, si un individu n’est pas bien au travail, il n’en parlera pas ou n’évoquera que les points négatifs. Donc on peut avoir des cadres démotivés qui encadrent des jeunes recrues, ce qui interfère sur la fidélisation ou le recrutement. Certains n’arrivent même plus à se projeter un avenir au sein de leur armée, car il devient impossible de s’inscrire dans un parcours professionnel pour certaines spécialités.
    En Afghanistan nous avons opté pour la politique du « Gagner le cœur et les esprits », commençons par le mettre en application dans nos armées, et traitons de façon humaine nos personnels qui se sont engagés pour défendre les valeurs et les couleurs de la France.

  2. JMestries

    J’aime beaucoup votre conclusion – militaire désabusé –

    Sinon, il y a fort à parier que les troupes à terre en Libye, c’est pour très bientôt.

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