DISCRIMINATION D’UN MILITAIRE FEMININ EN RAISON DE LA MATERNITE :
LA SANCTION JUDICIAIRE DE PRATIQUES ILLEGALES
C’est suffisamment rare pour être salué : le commissaire du gouvernement a, pour la seconde fois, proposé au Conseil d’Etat de faire droit au recours d’un officier féminin aux fins d’annulation d’une notation et d’indemnisation des frais de Justice à l’audience du 20 Décembre 2006 de la section du contentieux (1).
Cette audience faisait suite à un arrêt favorable rendu en Août 2006 par le Conseil d’Etat (2) au terme duquel il a été jugé que « la décision du ministre de la défense en date du 27 avril 2005 confirmant le refus de renouvellement du contrat de Mme B a été motivée non par l’inaptitude de l’intéressée à remplir les fonctions qui lui avaient été confiées mais par la circonstance qu’elle avait obtenu des congés prolongés imputables aux incidents médicaux qui avaient accompagné sa grossesse et qu’elle avait ensuite demandé un congé parental d’éducation ; qu’un tel motif n’est pas de nature à être retenu pour justifier la mesure prise à l’encontre de Mme B ; que, par suite, celle-ci est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de la décision attaquée du ministre de la défense ».
En effet, le contrat de cet officier féminin avait fait l’objet d’une décision de non renouvellement, alors même que deux mois tôt, avant le début des congés de maternité et pathologique réglementaires et surtout avant l’annonce de l’intention de l’officier de bénéficier d’un congé parental réglementaire, d’une part ses notations étaient excellentes, d’autre part le chef de corps avait émis un avis favorable au renouvellement du contrat et enfin un rapport des contrôleurs de la Région Terre soulignait la qualité du travail du service dans lequel elle était affectée.
C’est alors que les absences de l’officier parfaitement justifiées et conformes aux droits des personnels militaires féminins ont manifestement irrité pour aboutir au refus de renouvellement de son contrat.
Ce même chef de corps qui, en Octobre 2005, avait rendu un avis favorable au renouvellement, a subitement changé d’avis deux mois plus tard en Décembre 2005 (alors même que sa subordonnée était absente au titre de sa grossesse ) pour établir un « rapport particulier » dans les termes suivants « les absences prolongées et planifiées avec précision par le lieutenant, l’ont éloignées durablement du régiment depuis le 02/12/2003 et couvriront sans interruption une période s’étalant jusqu’en juin 2005 (congés pathologiques, congés de maternité, permissions, congé parental d’un an (…) le chef de corps observe que ces absences organisées dénotent un désintérêt du collectif et sont le résultat d’une évolution sensible de la situation de cet officier devenue incompatible avec les exigences afférentes à son grade (…)».
En outre, alors que les notations 2001, 2002 et 203, antérieures à la maternité, soulignaient les qualités de l’officier : «excellent esprit de camaraderie » « s’investit avec intérêt » …. l’année suivante, ses absences liées à la grossesse ont également conduit le notateur à baisser la notation 2004 aux motifs que « la situation de cet officier devenue incompatible avec les exigences afférentes à son grade (…) » et que cet « officier n’a pas su conduire sa vie privée en cohérence avec sa vie professionnelle» !
En conclusion, il était injustement reproché au lieutenant ses absences alors qu’elles étaient parfaitement justifiées et conformes aux droits des militaires, ce qui, a contrario, traduit une négation des droits élémentaires liés à la maternité pour les personnels féminins de l’armée de terre.
Ce sont manifestement ce rapport et les appréciations littérales de la hiérarchie que le Commissaire du Gouvernement et le Conseil d’Etat ont entendu sanctionner une première fois en Août 2006 en annulant la décision de non renouvellement du contrat et en conduisant le commissaire du gouvernement à conclure au bien fondé de la seconde demande visant l’annulation de la notation.
Fort heureusement le Conseil d’Etat et le commissaire du gouvernement ont rappelé, cet été, que ces droits aussi élémentaires dans la société civile, ont vocation à franchir le poste de sécurité des casernes de l’armée française pour permettre aux personnels féminins de bénéficier des droits liés à la maternité, mais également de ne pas être sanctionnés en considération de leur grossesse.
Ces pratiques discriminatoires sont d’autant moins acceptables que 13 % environ des militaires sont des femmes et que leurs compétences professionnelles sont reconnues dans tous les domaines et que la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) a été récemment créée, pour mettre fin à ce type de situations inacceptables.
Le 10 Janvier 2007
(1) CE contentieux en séance du 20 Décembre 2006 n° 212821
(2) CE contentieux du 9 Août 2006 n° 281972
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