Se concerter au garde-à-vous !

Dans son article sur la grogne des sous officiers, le Président BAVOIL rend parfaitement compte du malaise qui s’est instauré à la suite de la présentation des projets de grilles indiciaires concernant les officiers et les sous-officiers. Tous ceux qui n’ont pas été tirés au sort pour représenter leurs camarades peuvent se demander si quelqu’un a eu le courage de protester.

Eh bien, oui, certains n’ont pas manqué de critiquer ce projet dans le cadre de la concertation. Quelle que soit l’armée d’appartenance, le fond de la réponse est le même : « circulez, il n’y a rien à voir ». Quant à la forme, elle varie selon la couleur de l’uniforme.

Dans l’armée de terre, un sous officier supérieur s’est aventuré à contacter ses camarades dans le but de les sonder sur cet important projet en ces termes :

« Je pense qu’il serait temps d’essayer d’apporter avec forces nos réflexions dans nos instances de concertations CFMT et CSFM ; par nos représentants de catégorie à l’occasion des visites de grands chefs ; en liaison avec le représentant des sous officiers auprès du CEMAT et au colloque des PSO. Pour ma part, j’ai posé mes questions au CFMT, je le ferai au CSFM. L’avenir de notre corps dépendant de la manière dont nous réagissons. C’est à dire de la place et de la considération que nous estimons nous être redevable, mais si vous en faites de même de votre coté, cela n’en aura que plus de poids. »

La réaction ne s’est pas faite attendre ! Il s’est fait copieusement incendier par les conseillers « sous-officiers » en poste auprès du chef d’état-major de l’armée de terre et du général directeur du personnel militaire de l’armée de terre. On a estimé que sa démarche était de nature « syndicaliste » :

Salve du major, conseiller sous-officier auprès du DPMAT :

« Je tiens par ce courriel à vous faire savoir que je suis atterré par votre comportement en votre qualité de cadre de l’armée de terre et surtout de membre du conseil de la fonction militaire terre. Si je peux comprendre votre désaccord à titre personnel sur les projets de décrets relatifs au statut particulier concernant les sous-officiers, je trouve particulièrement inélégant d’avoir transmis cet e-mail à une quarantaine de sous-officiers.

Procéder de cette manière à forte connotation syndicaliste peut porter gravement préjudice, non seulement au corps des sous-officiers mais aussi et surtout à la crédibilité du conseil de la fonction militaire terre qui a gagné depuis de nombreuses années la considération de tous les militaires. »

Et au cas où il n’aurait pas bien compris, le second remet le couvert :

Salve du major conseiller sous-officier auprès du CEMAT :

« Permettez-moi donc de vous dire, de façon générale, mais plus précisément dans votre cas que le fait d’arguer de votre qualité de membre du CFMT pour crédibiliser vos propos est pour moi, contraire à l’éthique car cela vient servir un propos souvent fallacieux et partisan.

Vous parlez sans savoir, vous parlez en ayant mal compris ou peut être en ayant trop bien compris certains points et en les retournant pour servir un propos que je ne trouve pas très honnête et surtout irréfléchi quant aux conséquences qu’il peut engendrer ».

Il échappe de peu à la cour martiale ! Avec de tels conseillers, il ne faut pas s’étonner que la grille indiciaire des non officiers stagne lamentablement !

Dans cette armée, on reproche donc aux membres du conseil de contacter leurs camarades pour se concerter. De plus, il est mal venu de faire état de ses fonctions et il vaut mieux être d’accord avec ses chefs. Sur ces bases là, on peut commencer à discuter ! Il est vrai qu’on se concerte toujours mieux entre personnes qui sont du même avis. On s’en doutait, mais maintenant on en a la preuve.

Cet incident symbolique démontre l’urgence de formaliser le droit des militaires de s’associer pour défendre leurs droits professionnels –déjà reconnu par la Constitution- et de donner un vrai statut aux membres à élire des conseils d’armée et aux présidents de catégorie par régiment, base ou bâtiment.

Dans une autre armée qui devrait avoir une vision plus élevée des choses, les officiers questionnés sur le projet n’ont pas pris de gants pour dire aux sous-officiers qu’ils auraient dû postuler pour une carrière d’officier !

Alors… Tout va très bien Madame la marquise ! Les chefs ont parlé, on s’est concerté et les intérêts des subordonnés sont bien défendus. Poil au…

C.R.

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