Les entretiens de la Grogne : Mr Jean-Jacques URVOAS répond à nos questions (Par Jacky Mestries)

Monsieur Jean-Jacques URVOAS, député de la première circonscription du Finistère nous a fait l’honneur de répondre à quelques interrogations susceptibles de persister dans l’esprit des gendarmes malgré le livre 22 propositions du Parti socialiste sur lequel notre équipe avait jeté un oeil pour émettre son avis dans trois articles.

Préface de Mme AUBRY
Les 22 propositions
Les Postfaces de Monsieur Rebsamen et Monsieur URVOAS

La grogne : Avez-vous d’ores et déjà décidé de poursuivre la politique des bassins de délinquance déjà mise en œuvre par le gouvernement pour aboutir à la suppression des unités spécialisées en matière de police judiciaire de la gendarmerie nationale ?

Monsieur URVOAS : Il n’est pas dans l’intention du PS de priver la gendarmerie nationale de ses compétences judiciaires. Notre vision est à l’opposé, celle d’un dispositif assurant à la gendarmerie le respect de son identité et une durabilité institutionnelle qui passe par une reconnaissance de toutes ses capacités missionnelles.

La Grogne : Ne doit-il plus y avoir de forces intermédiaires de maintien de l’ordre entre la police et l’armée ?

Monsieur URVOAS : L’histoire de notre pays est riche de souvenirs où la robustesse et la réactivité des gendarmes mobiles ont rétabli bien des situations. Certes, la loi de 2009 a modifié le régime de réquisition qui était posé par l’article L. 1321-1 du code de la défense qui disposait qu’« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». Reconnaissons que le principe de réquisition qui concernait à l’origine indistinctement les forces civiles et les forces militaires dans un cadre plus large que le maintien de l’ordre, était déjà tombé en désuétude pour les forces civiles et ne restait en vigueur que pour la gendarmerie et les armées. La loi, combattue par les socialistes mais dorénavant en vigueur a maintenu ce principe pour les armées mais l’a supprimé pour la gendarmerie estimant que cette arme étant rattachée au ministre de l’intérieur, la procédure la concernant n’était pas adaptée. Aujourd’hui seul l’usage de certains moyens (usage des armes à feu au maintien de l’ordre et mise en œuvre de moyens militaires spécifiques) justifie par leur nature d’être soumis à une procédure particulière. Il n’est pas envisagé de revenir sur ces modifications estimant que la gendarmerie est lasse de ces changements incessants qui finissent par créer une fragilité juridique préjudiciable à son efficacité. Plus inquiétante en revanche est la tendance à la diminution du format des escadrons puisque 2011 verra la suppression de 7 unités après une dissolution de 8 unités en 2010.

La Grogne : La gendarmerie est donc devenue une administration comme une autre. Poursuivrez vous dans ce sens ? Si non à votre avis, comment corriger cet inconvénient ?

Monsieur URVOAS : Le professionnalisme et le dévouement des gendarmes, en France comme en OPEX, sont unanimement reconnus. Mais  à l’évidence le pouvoir actuel se désintéresse de la sécurité des 32 millions de nos concitoyens qui vivent sur les 96 % du territoire dont la gendarmerie nationale assure la protection. Le prochain ministre de l’Intérieur socialiste reconnaîtra la gendarmerie telle qu’elle est, avec ses atouts propres, sans la dévaloriser ni l’amoindrir Il faudra que cessent les compétitions stériles entre police et gendarmerie, dans le respect des domaines d’excellence de chacun. Nous sommes par principe opposés aux situations monopolistiques, contre productives. Nous préférons le terme d’équilibre entre les deux forces à celui de parité parce que l’équilibre reconnaît l’existence de différences légitimes liées à l’histoire, à la sociologie et au territoire d’action.
Concernant la place du préfet dans la chaîne de commandement qui est l’implicite de votre question, il serait vain de nier le rôle que le représentant de l’Etat dans le département joue dans le domaine de l’ordre public. Pour autant, son autorité est limitée : il ne peut y avoir d’immixtion dans le détail de l’organisation des unités. De plus, la hiérarchie gendarmique conserve ses attributions en matière de gestion du personnel : si le préfet porte une appréciation sur l’officier responsable au niveau départemental, c’est le commandant de région qui note ce dernier.

La Grogne : Pensez vous possible d’imaginer une représentation et un droit d’expression raisonnable et sérieux dans la Gendarmerie ? Y êtes vous favorable ?

Monsieur URVOAS : Je ne peux m’exprimer qu’à titre personnel puisque le PS ne s’est pas prononcé sur cette question. Forte d’une identité et de traditions qui lui sont propres, à la fois par rapport aux armées et par rapport à la police nationale, je suis convaincu que la gendarmerie pourrait inventer les voies d’un modèle d’organisation du dialogue social en son sein qui lui serait spécifique et constituerait une sorte de troisième voie entre le modèle syndical et celui de la concertation. Cela pourrait dans un premier temps prendre la forme d’une élection des membres du CFMG qui deviendrait alors un partenaire crédible, à la fois en interne et en externe, pour construire un dialogue social responsable avec le pouvoir politique. La matière est trop sensible pour être abordée épisodiquement par des militaires qui n’auraient pas assez de temps à consacrer à la fonction de représentation de leurs pairs. Le système actuel même récemment modifié n’est pas satisfaisant puisqu’il est complexe, à la limite de la confusion. Il aboutit à faire émerger des correspondants qui n’ont pas la légitimité du suffrage de leurs pairs (seuls les présidents du personnel militaire sont véritablement élus) ce qui donne au commandant la possibilité de ne pas retenir les éléments les plus revendicatifs. Enfin les moyens dégagés sont très limités ce qui ne garantit pas le lien entre les membres du CFMG et les effectifs dans les unités. Mais une telle évolution appelle deux questions : peut-on faire évoluer le CFMG indépendamment des autres CFM ? Et ensuite quid des associations professionnelles ? Sur la première interrogation, j’y suis plutôt favorable mais il est impératif que les gendarmes restent représentés au CSFM. Il y va, d’une part, de l’intérêt des armées et, d’autre part, de celui de la Gendarmerie qui verra ainsi confirmé son ancrage au monde militaire. Quant à la seconde questions, ma réflexion n’est pas suffisamment aboutie pour me permettre de m’engager. Ainsi par exemple je ne suis pas certain que le modèle espagnol soit totalement transposable en France.

La Grogne : Merci Beaucoup Monsieur le Député de nous avoir fait l’honneur de réponses aussi claires.


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Source: Site lagrognegend

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