Le complexe de Vérité (suite)

C’est quoi un soldat professionnel ?

Si vous le savez, tant mieux, moi, je ne le sais pas et pour cause.

Jusqu’à la loi 97-1019 du 28 octobre 1997, portant suspension (et non suppression) du service national, tout jeune Français, du sexe masculin, était, astreint à effectuer le service national, avatar sans gloire de feu le service militaire. La particularité de cette obligation civique de rang supérieur était qu’elle entraînait une profonde inégalité entre les citoyens, selon que le jeune « imposé » (car le service national (ou militaire) était assimilé à un impôt ; bref, sans faire assimilation, c’était vous le savez l’application du vieil adage : « selon que vous serez puissant ou misérable.» ou plus précisément selon que vous avez ou non du piston vous serez « imposé » ou vous serez « blanchi ». Triste philosophie mais éclatante réalité de ces années là.

Depuis la dernière décade du mois d’octobre 1997 et depuis la fin hâtée du service national (vers 2002 si mes souvenirs sont exacts), tous les soldats de la République sont des volontaires, des pros !

Cela veut-il dire qu’avant les militaires n’étaient pas des professionnels ? Non, mais à l’époque du service militaire puis du service national tous les cadres étaient de carrière, par contre les appelés effectuaient une obligation, payaient un « impôt » en nature, c’est-à-dire en temps et compétence et ne faisaient pas partie de la fonction publique, de la catégorie des agents de l’Etat. Mais il n’est nullement exagéré de dire que les appelés étaient des pros, parfois mal utilisés, mais des pros ; par contre, les cadres, ceux que l’on rangeait dans la catégorie des agents de l’Etat, ne connaissaient même pas la plupart du temps leur situation juridique, leurs droits et leurs devoirs, mais ils étaient des pros sans le savoir, tout comme Mr Jourdain faisait de la prose.

Aujourd’hui, les militaires constituent toujours une catégorie d’agents de l’Etat et doivent être traités comme les autres agents de l’Etat ; tel est le sens de la démarche de l’Adefdromil : la défense des droits des militaires, des pros, qu’ils soient cadres officiers, sous-officiers, ou hommes du rang.

Cette défense par une association est d’autant plus indispensable que les militaires ne peuvent pas compter sur les dispositions de l’article 6 du SGM.

Mais, à votre connaissance, a-t-on tiré toutes les conséquences de cette nouvelle situation, non pas en ce qui concerne la défense de la patrie (si j’ai le temps, je vous en parlerai,une autre fois), mais tout simplement en ce qui concerne le statut du Volontaire professionnel de la défense : qu’il soit officier, sous-officier, homme du rang (quelle que soit l’armée où il serve, j’ignore les particularismes là où il y a, soi-disant, une règle générale).

La réponse est très floue : les Armées (lato sensu, cela va du Chef jusqu’au dernier échelon de la hiérarchie) se sont empressées de donner un nouveau statut à ces professionnels de la défense, de le faire cogiter par un aréopage de sages, de le faire approuver par l’instance baptisée depuis des années « conseil supérieur de la fonction militaire » et de le faire voter dans les conditions qui ont été exposées sur ce site.

Il ne m’appartient pas de dire si vous êtes globalement contents de ce statut : autant de têtes autant d’avis disaient jadis les latinistes.

Par contre ce que je constate c’est que les militaires professionnels sont une catégorie spécifique « par défaut » : ils ne font bien évidemment pas partie de la fonction publique Territoriale créée en 1984, ni de la fonction publique hospitalière créée en 1986.

Au mieux ils ne peuvent donc faire partie que de ce que l’on appelait jadis « la Fonction publique », et c’est ainsi que l’article 10 du dit SGM dispose que « toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l’Etat est, sous réserve des mesures d’adaptation nécessaires, appliquée avec effet simultané aux militaires ».

Vous avez bien lu : fonctionnaires civils de l’Etat. Mais question subsidiaire, comment se situent les militaires parmi les fonctionnaires civils de l’Etat ? Si vous le savez, d’urgence faites le moi savoir en écrivant à la direction de l’Adefdromil qui ne manquera pas de me faire connaître l’heureuse nouvelle.

Jadis (je vous parle d’un temps que vous ne pouvez pas connaître, dit le poète) on apprenait dans les écoles – que le décret du 10 juillet 1948 portait classement hiérarchique des grades et emplois des personnels civils et militaires de l’Etat, c’est-à-dire si mes souvenirs sont bons qu’un capitaine jeune se situait à peu près à la même hauteur que (voilà que je ne sais plus, j’allais dire un « instituteur ») ; mais comme vous l’avez lu sur ce site, ce classement a fait l’objet de plus de 500 mises à jour (terme préféré par la direction de la fonction publique à celui de modificatif) et personne n’a la version à jour de ce classement ou ne veut la rendre publique; les commissaires de toutes les armées ont jugé que cette tâche ne faisait pas partie de leur boulot.

Alors, dans ces conditions, la seule chose qu’on peut dire est que le militaire professionnel est au mieux un agent de l’Etat, mais nul ne sait, du moins pas moi, comment il se situe dans le grand classement des personnels civils et militaires de l’Etat; jadis (oh qu’il est loin le temps « jadis »), on savait, maintenant que les militaires sont devenus professionnels : on ne sait plus, du moins pas moi.

Ah que c’est beau le progrès ! des ordinateurs qui ronronnent, remplacent les pots de fleurs sur les bureaux, et n’ordinent pas le classement, un conseil qui approuve (sans doute sans trop savoir ce qu’il approuve). Des statuts, en veux-tu et en voilà ; à coté du statut général on trouve des statuts particuliers à tour de bras.

Au fait, quelqu’un peut-il me dire combien il y a de statuts applicables à des personnels travaillant pour la Collectivité, la grande collectivité nationale : statuts de la fonction publique générale, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière, des magistrats, des militaires, des policiers et que d’autres, peut-être encore, gendarmes ! Bref, si vous y retrouvez faites le savoir à l’Adefdromil qui transmettra fidèlement pour le plus grand bien de la grande famille des militaires dont elle a choisi d’assurer la défense de leurs droits, de leurs intérêts.

Jean Kerdréan. Un vieux de la vieille école ! (A suivre, si j’ai le temps et si l’Adefdromil accepte ma prose.)

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