(Extrait du journal Oise Hebdo N°637 du 17 mai 2006)
Un ancien militaire dénonce le comportement de l’armée en Côte d’Ivoire
Jérôme Portugal, 26 ans, a quitté l’armée en septembre 2005 après cinq années de service. De ses longs mois passés au sein du 501e-503e régiment de chars de combat, en tant que pilote de véhicule blindé, il ne conserve aujourd’hui que de l’amertume.
Une amertume notamment née de ses deux séjours de quatre mois en Côte d’Ivoire : « J’avais auparavant fait une mission en 2001 au Kosovo et tout s’était bien passé. Mais en Côte d’Ivoire, j’ai vu trop de choses qui m’ont déplu. »
Le jeune homme, originaire de Beauvais et qui tente de retrouver une vie normale dans la ville préfecture en travaillant pour une entreprise de Travaux Publics, éprouve cependant beaucoup de mal à se débarrasser des images de ses séjours en Afrique, et particulièrement du comportement des militaires Français : « Il est vrai que l’attitude des militaires a été stigmatisée suite à l’affaire de la mort d’un rebelle, mais il y a d’autres choses au quotidien, pas forcément spectaculaires, mais qui nuisent beaucoup au comportement des militaires Français. »
Et Jérôme Portugal d’évoquer toutes les attitudes l’ayant choqué : « Il y a beaucoup d’alcool qui circule dans les rangs, même en mission. Les militaires sont souvent bourrés au point de ne plus savoir ce qu’ils font. Ca fume également énormément d’herbe, ça fait du trafic d’armes. Mais ça, ce n’est rien à côté des hommes qui couchent avec des prostituées de 13 ans. C’est écoeurant. Si les Ivoiriens ne supportent plus les Français c’est aussi à cause de cela. »
Jérôme Portugal avoue avoir été « perturbé » à son retour en France. Un sentiment d’écoeurement qu’il a tenté d’évacuer en rédigeant un compte rendu à l’attention de sa hiérarchie. Mais aujourd’hui il estime que ce compte rendu lui a fait énormément de tort : « J’ai voulu tout dire, et même parler des gradés qui foncent avec leurs véhicules sur les enfants de 6 ans, pour se marrer. ça n’a malheureusement pas plu. Mes chefs ont décidé de me sanctionner. Alors que je suis combattant de formation, on m’a mis à plier des draps à la blanchisserie. On me maintenait au régiment un week-end sur deux, j’étais privé de mes proches. Je n’étais pas bien. J’ai disjoncté. »
Le jeune homme avoue ainsi s’en être pris à un supérieur, comportement qui lui valait une mise à l’écart : « Tout cela, c’est lié à la Côte d’Ivoire. J’estime que j’aurais du bénéficier d’un accompagnement psychologique en rentrant de là-bas. J’ai vu trop de choses négatives, trop d’alcool, trop de gestes envers la population, trop de racisme… j’ai du mal à le digérer. »
Peu à peu, depuis son retour à la vie civile, Jérôme Portugal remonte la pente, mais il se désole tout de même de ces « cinq années données à l’armée, pour si peu de reconnaissance. »
Désormais, il souhaite témoigner de son expérience et dire à la population que « l’information qui leur est livrée lors des informations n’a souvent rien à voir avec la réalité». « Les gens sont mal informés. Ils doivent savoir. Avec le peloton, nous tenions une usine désaffectée à Danané en Côté d’Ivoire. Il suffit de recenser les exactions commises sur les habitants là-bas, et tout le monde comprendra. Il faut informer».
Difficile pour lui de tourner la page. Mais en en parlant autour de lui, il espère parvenir à « ouvrir les yeux de ceux qui croient que les militaires oeuvrent uniquement pour la paix. »
S.C.